CE 11 juillet 1990, n° 86022, Ministère des affaires sociales et de l'emploi c/ Syndicat CGT et Sté Griffine-Maréchal
Considérant qu'aux termes de l'article L 122-35 du Code du travail : " Le règlement intérieur ne peut contenir de clause contraire aux lois et règlements... Il ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché " ; qu'en vertu des articles L 122-37 et L 122-38 du même Code, l'inspecteur du travail " peut à tout moment exiger le retrait ou la modification des dispositions contraires aux articles L 122-34 et L 122-35 " et que sa décision " peut faire l'objet... d'un recours devant le directeur régional du travail et de l'emploi " ;
Sur le recours du ministre des affaires sociales et de l'emploi :
En ce qui concerne l'article 23 alinéa 4 du règlement intérieur litigieux :
Considérant que l'article 23, intitulé " Entrée et sortie de matériel" du règlement intérieur établi par la société Griffine-Maréchal prévoit, en son alinéa 4, que : " La direction peut être conduite à organiser des contrôles, notamment aux sorties de l'établissement, l'entreprise pourra faire appel à un officier de police judiciaire " ;
Considérant qu'eu égard aux restrictions qu'elle apporte aux droits des personnes et aux libertés individuelles, la vérification par la direction de l'entreprise des objets éventuellement emportés par les salariés ne peut être légalement prévue par le règlement intérieur que si celui-ci précise, d'une part, qu'il ne sera procédé à une telle vérification qu'en cas de nécessité, notamment à la suite de disparitions de matériel ou s'il existe des risques particuliers de vol dans l'entreprise, d'autre part que le salarié sera averti de son droit de s'opposer à un tel contrôle et d'exiger la présence d'un témoin, enfin que ce contrôle sera effectué dans des conditions préservant la dignité et l'intimité de la personne ;
Considérant que, faute de comporter ces précisions, les dispositions précitées de l'alinéa 4 de l'article 23 du règlement intérieur établi par la société Griffine-Maréchal méconnaît les prescriptions sus rappelées de l'article L 122-35 du Code du travail ; que, dès lors, le ministre des affaires sociales et de l'emploi n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 1er du jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle en date du 14 janvier 1985 en tant que cette décision a rejeté le recours hiérarchique du syndicat CGT de la société Griffine-Maréchal tendant à ce que soit exigée la modification de cette disposition du règlement intérieur ;
En ce qui concerne l'article 29, premier alinéa du règlement intérieur litigieux :
Considérant que le premier alinéa de l'article 29 du règlement intérieur établi par la société Griffine-Maréchal prévoit que : " sont subordonnés à une autorisation préalable de la direction, sous réserve de ne pas faire obstacle à l'application des textes légaux, conventionnels et contractuels particulièrement en ce qui concerne l'exercice du droit syndical dans l'établissement : la circulation de pétitions, l'affichage ou la distribution de tout document, l'allocution ou la prise de parole en quelque lieu que ce soit dans l'établissement " ;
Considérant que, dès lors qu'elles réservent expressément l'application des textes législatifs et réglementaires et des stipulations conventionnelles qui reconnaissent leur droit à l'expression dans l'entreprise aux syndicats, aux délégués du personnel, aux membres du comité d'entreprise et aux salariés, les dispositions précitées du règlement intérieur litigieux ne méconnaissent pas les prescriptions sus rappelées de l'article L 122-35 du Code du travail ; que, dès lors, le ministre des affaires sociales est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 1er du jugement attaqué, le tribunal administratif a annulé la décision ministérielle du 14 janvier 1985 en tant qu'elle a rejeté le recours hiérarchique du syndicat CGT de la société Griffine-Maréchal tendant à ce que soit exigé le retrait du premier alinéa de l'article 29 du règlement intérieur établi par cette société (...).
Décide : L'article 1er du jugement du tribunal administratif de Lyon en date du 15 janvier 1987 est annulé en tant qu'il annule la décision du ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle en date du 14 janvier 1985 en tant qu'elle refuse d'exiger le retrait des dispositions de l'article 29, alinéa 1er du règlement intérieur établi par la société Griffine-Maréchal.
Cass. soc. 2 octobre 2001, n° 4164 FS-PBRI, Sté Nikon France c/ Onof.
(Extraits)
Sur le rapport de Mme Lemoine Jeanjean, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, avocat de la société Nikon France, de la SCP Vier et Barthélémy, avocat de M. Onof, les conclusions de M. Kehrig, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que la société Nikon France a engagé M. Onof le 22 avril 1991 en qualité d'ingénieur, chef du département topographie ; que le 7 septembre 1992, le salarié a conclu avec les sociétés Nikon Corporation et Nikon Europe BV un accord de confidentialité lui interdisant de divulguer certaines informations confidentielles communiquées par ces deux sociétés ; que le 29 juin 1995, il a été licencié pour faute grave, motif pris, notamment, d'un usage à des fins personnelles du matériel mis à sa disposition par la société à des fins professionnelles ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale d'une demande tendant au paiement d'indemnités fondées sur un licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que d'une somme à titre de contrepartie de la clause de non-concurrence conventionnelle ; (…)
(…) Vu l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 9 du Code civil, l'article 9 du nouveau Code de procédure civile et l'article L 120-2 du Code du travail ;
Attendu que le salarié a droit, même au temps et au lieu de travail, au respect de l'intimité de sa vie privée ; que celle-ci implique en particulier le secret des correspondances ; que l'employeur ne peut dès lors sans violation de cette liberté fondamentale prendre connaissance des messages personnels émis par le salarié et reçus par lui grâce à un outil informatique mis à sa disposition pour son travail et ceci même au cas où l'employeur aurait interdit une utilisation non professionnelle de l'ordinateur ;
Attendu que pour décider que le licenciement de M. Onof était justifié par une faute grave, la cour d'appel a notamment retenu que le salarié avait entretenu pendant ses heures de travail une activité parallèle ; qu'elle s'est fondée pour établir ce comportement sur le contenu de messages émis et reçus par le salarié, que l'employeur avait découverts en consultant l'ordinateur mis à la disposition de M. Onof par la société et comportant un fichier intitulé " personnel " ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Par ces motifs : Casse et annule, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 mars 1999, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.
Cass. Soc 23 mai 2007 société Datacep.c./ M.X…
Sur le moyen unique :
Vu l'article 145 du nouveau code de procédure civile, ensemble les articles 9 du code civil et L. 120-2 du code du travail ;
Attendu que le respect de la vie personnelle du salarié ne constitue pas en lui-même un obstacle à l'application des dispositions de l'article 145 du nouveau code de procédure civile dès lors que le juge constate que les mesures qu'il ordonne procèdent d'un motif légitime et sont nécessaires à la protection des droits de la partie qui les a sollicitées ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Datacep, qui employait M. X... en qualité de responsable marketing et recrutement, a obtenu du président d'un tribunal de grande instance, sur requête, une ordonnance autorisant un huissier de justice à accéder aux données contenues dans l'ordinateur mis par elle à la disposition du salarié et à prendre connaissance, pour en enregistrer la teneur, des messages électroniques échangés par l'intéressé avec deux personnes identifiées, étrangères à l'entreprise et avec lesquelles elle lui prêtait des relations constitutives, à son égard, de manoeuvres déloyales tendant à la constitution d'une société concurrente ;
Attendu que pour rétracter l'ordonnance et annuler le procès-verbal dressé par l'huissier, la cour d'appel retient que la mesure d'instruction sollicitée et ordonnée a pour effet de donner à l'employeur connaissance de messages personnels émis et reçus par le salarié et en déduit qu'elle porte atteinte à une liberté fondamentale et n'est pas légalement admissible ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'employeur avait des motifs légitimes de suspecter des actes de concurrence déloyale et qu'il résultait de ses constatations que l'huissier avait rempli sa mission en présence du salarié, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 mai 2005, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;
Cass. soc. 13 février 1996, n° 594 P, Sté M et N Europroduction c/ Carreau et autres
Attendu qu'en vertu d'un usage les salariés de la société N. et M. Euro production percevaient une prime de 13e mois ; que le 18 décembre 1991, l'employeur a annoncé au comité d'établissement que cette prime ne serait pas payée en 1991 ; que le 25 septembre 1992 l'employeur a averti le comité d'établissement que la prime 1992 était supprimée ; que Mme Carreau et 14 autres salariés ont saisi la juridiction prud'homale pour obtenir le paiement des primes litigieuses ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que la société reproche au jugement attaqué (conseil de prud'hommes de Poitiers, 24 mars 1993) de l'avoir condamnée au paiement des primes de 13e mois, alors, selon le moyen, que le refus des salariés de la modification unilatérale de leur contrat de travail résultant de la suppression du 13e mois, s'analysait en un licenciement pour motif économique et qu'ainsi le conseil de prud'hommes, qui aurait dû constater la résiliation des contrats de travail, a violé l'article L 321-1 du Code du travail ;
Mais attendu que lorsqu'une prime est due en vertu d'un usage ou d'un engagement unilatéral de l'employeur, elle n'est pas incorporée aux contrats de travail et la dénonciation de l'usage ou de l'engagement unilatéral de l'employeur n'emporte aucune modification à ces contrats ;
D'où il suit que le moyen est inopérant ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que la société fait enfin grief au conseil de prud'hommes d'avoir statué comme il l'a fait, alors que, selon le moyen l'employeur avait dénoncé l'usage avec un délai raisonnable et que ces salariés ont été avertis de cette dénonciation puisqu'ils ont saisi la juridiction prud'homale avant même l'échéance de la prime litigieuse ;
Mais attendu que la dénonciation par l'employeur d'un usage ou d'un engagement unilatéral doit, pour être régulière, être précédée d'un préavis suffisant pour permettre les négociations et être notifiée, outre aux représentants du personnel, à tous les salariés individuellement s'il s'agit d'une disposition qui leur profite ;
Et attendu, en l'espèce, que le conseil de prud'hommes a relevé que les salariés n'avaient pas été avertis individuellement de la suppression de la prime, peu important qu'ils en aient eu connaissance, et a estimé que la dénonciation n'avait pas été notifiée aux représentants du personnel après un délai de prévenance suffisant ;
D'où il suit qu'il a décidé à bon droit que, faute d'une dénonciation régulière, l'usage était demeuré en vigueur ; que le moyen n'est pas fondé ;
Par ces motifs : Rejette le pourvoi.
Cass. soc. 12 février 1997, n° 674 P, APEI, Centre " Les Hirondelles " c/ Attanasio et autres
Vu le principe selon lequel l'employeur qui entend dénoncer un usage doit respecter un délai de préavis suffisant ;
Attendu que l'APEI Centre Les Hirondelles a notifié au comité d'entreprise, le 23 septembre 1992, et à chacun des salariés, le 13 octobre 1992, qu'elle dénonçait pour le 1er janvier 1993 l'usage en vertu duquel elle accordait des congés trimestriels supplémentaires ;
Attendu que pour décider que cette dénonciation était irrégulière et condamner, en conséquence, l'APEI Centre Les Hirondelles à maintenir l'octroi des congés payés supplémentaires après le 1er janvier 1993, la cour d'appel a énoncé qu'un employeur qui a accepté que s'instaure un usage indéterminé dans sa durée peut toujours le dénoncer pour l'avenir, mais à condition que certaines formes définies par la jurisprudence, avec ou sans référence à l'article L 132-8 du Code du travail, soient respectées ; qu'en l'espèce, l'APEI, après avoir pris la décision de supprimer les congés trimestriels, en a informé le comité d'entreprise, puis, par courrier en date du 13 octobre 1992 avec prise d'effet le 1er janvier 1993, chaque intéressé à titre personnel ; que le délai entre la notification individuelle et la date de mise en œuvre est inférieur au " minimum " de 3 mois nécessaire pour permettre aux salariés d'apprécier la situation entraînée par la suppression de l'avantage et susciter éventuellement l'ouverture de négociations ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la dénonciation d'un usage n'est pas soumise au délai minimum de préavis prévu pour la dénonciation d'une convention collective et alors qu'il lui appartenait de déterminer elle-même quel était le délai suffisant, dans le cas d'espèce, pour permettre l'ouverture d'une négociation, la cour d'appel a violé le principe susvisé ;
Par ces motifs : Casse et annule, dans toutes ses dispositions, les neuf arrêts rendus le 20 décembre 1995, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes.
Cass. Soc. 26 septembre 1990, Ordre des avocats du Barreau d’Annecy c/ Cumin et autres, n° 3304 PF
Attendu que Mme Cumin, ayant introduit une instance devant le conseil de prud’hommes d’Annecy en annulation de son licenciement prononcé le 31 décembre 1986 par la société Vivalp, a donné mandat à M. Convers, secrétaire de l’Union locale des syndicats CFDT de Rumilly et des environs, pour la représenter ; que l’Ordre des avocats du barreau d’Annecy est intervenu volontairement à l’instance pour faire juger qu’à défaut par M. Convers de justifier de l’appartenance de Mme Cumin au syndicat CFDT, il était dépourvu de qualité pour agir en son nom ;
Attendu que l’ordre des avocats fait grief à l’arrêt confirmatif attaqué (Chambéry, 3 novembre 1987) d’avoir écarté cette prétention, alors, selon le moyen, qu’en application de l’article R 516-5 du Code du travail, le délégué ayant qualité pour représenter la partie doit être membre de l’organisation syndicale à laquelle celle-ci appartient, ce qui implique qu’elle justifie de son appartenance syndicale, et qu’ainsi la cour d’appel a violé l’article R 516-5 du Code du travail ;
Mais attendu que si les délégués permanents ou non permanents des organisations syndicales ouvrières ou patronales, qui peuvent assister ou représenter les parties en matière prud’homale, doivent être membres de l’organisation syndicale qui les a délégués, et non salariés de celle-ci, l’article R 516-5 du Code du travail n’exige pas que la partie assistée ou représentée soit membre de la même organisation syndicale ou membre d’un syndicat.
D’où il suit que la cour d’appel a fait une exacte application de ce texte en décidant que M. Convers, délégué syndical, dûment mandaté par l’union locale CFDT dont il est le secrétaire avait pouvoir pour représenter Mme Cumin devant le conseil de prud’hommes sans que cette dernière ait à justifier de son appartenance syndicale ; que le moyen n’est pas fondé ;
Par ces motifs : Rejette le pourvoi.
Cass. soc. 14 mai 1992, n° 2041 PF, Godissart c/ Soulhiol.
Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Agen, 19 septembre 1989) et la procédure, que le 22 septembre 1980, M. Jean-Pierre Soulhiol a été engagé comme laveur de vitres par M. Henri Godissart, gérant libre de l'entreprise de nettoyage Marietta à Cahors ; que le 1er février 1983 est intervenu entre eux un contrat contenant une clause de non-concurrence faisant interdiction au salarié d'exploiter directement ou indirectement une entreprise identique ou similaire à l'entreprise Marietta, pendant quatre années dans le département du Lot, les départements limitrophes, et dans tous les autres départements où l'entreprise Marietta créerait et exploiterait une agence ; que le 29 octobre 1987, M. Jean-Pierre Soulhiol démissionnait et qu'il était engagé par la société Labruyère exerçant à Cahors une activité identique à celle de l'entreprise Marietta ;
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré que la clause de non-concurrence était illicite, alors que, selon, le moyen, d'une part la clause de non-concurrence destinée à protéger des intérêts légitimes de l'employeur est licite, si elle ne porte pas gravement atteinte à la liberté du travail en raison de son étendue dans le temps et dans l'espace, compte tenu de la nature de l'activité du salarié ; que tel est le cas de la clause insérée au contrat d'un responsable laveur de vitres, limitant l'obligation de non-concurrence à une durée de quatre ans et aux départements du Lot et ceux limitrophes, l'employeur n'ayant qu'une seule agence à Cahors ;
que d'autre part ladite clause ne mettait pas le salarié, qui exerçait d'ailleurs initialement la profession de boucher, dans l'impossibilité de gagner sa vie ; qu'enfin en décidant néanmoins que le salarié démissionnaire pouvait se faire immédiatement embaucher par l'entreprise de nettoyage concurrente située dans la même ville car la clause de non-concurrence était illicite, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu qu'ayant fait ressortir qu'en raison des fonctions du salarié, la clause de non-concurrence n'était pas indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, la cour d'appel a pu décider que l'employeur ne pouvait se prévaloir de cette clause ; qu'elle a par ce seul motif, légalement justifié sa décision ;
Par ces motifs : Rejette le pourvoi ;
1e espèce Cass. soc. 10 juillet 2002 n° 2723 FP-PBRI, Salembier c/ SA La Mondiale.
(Extraits) Attendu que M. Salembier est entré au service de la société d'assurance La Mondiale le 1er décembre 1993 ; qu'il occupait un emploi d'agent producteur ; que, le 7 mars 1995, l'employeur lui a ordonné de remettre le matériel professionnel dont il disposait et de cesser d'exécuter le contrat de travail en lui reprochant de s'être introduit irrégulièrement, en août 1994, dans le bureau de son supérieur hiérarchique ; que, le 5 avril 1995, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes d'une demande tendant au paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de dommages-intérêts pour clause de non-concurrence, ainsi que d'un rappel de commissions ;
(…) Mais sur le premier moyen, relatif à l'indemnité pour clause de non-concurrence :
Vu le principe fondamental de libre exercice d'une activité professionnelle, ensemble l'article L 120-2 du Code du travail ;
Attendu qu'une clause de non-concurrence n'est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, limitée dans le temps et dans l'espace, qu'elle tient compte des spécificités de l'emploi du salarié et comporte l'obligation pour l'employeur de verser au salarié une contrepartie financière, ces conditions étant cumulatives ;
Attendu que pour rejeter la demande de dommages-intérêts pour clause de non-concurrence, la cour d'appel a énoncé que la clause litigieuse était licite et régulière ; qu'elle ne comportait aucune contrepartie financière, ce qui était conforme à la convention collective applicable ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, en déclarant licite une clause de non-concurrence qui ne comportait pas de contrepartie financière, la cour d'appel a violé le principe ci-dessus énoncé et le texte susvisé ;
Par ces motifs : Casse et annule, mais seulement en sa disposition rejetant la demande de dommages-intérêts pour clause de non-concurrence, l'arrêt rendu le 28 juin 2000, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Metz.
2e espèceCass. soc. 10 juillet 2002 n° 2724 FP-PBRI, Barbier c/ SA Maine Agri.
Sur le moyen relevé d'office, pris de la violation du principe fondamental de libre exercice d'une activité professionnelle, ensemble l'article L 120-2 du Code du travail :
Attendu qu'une clause de non-concurrence n'est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, limitée dans le temps et dans l'espace, qu'elle tient compte des spécificités de l'emploi du salarié et comporte l'obligation pour l'employeur de verser au salarié une contrepartie financière, ces conditions étant cumulatives ;
Attendu que M. Barbier a été engagé le 1er janvier 1993, en qualité de responsable de magasin, par la société Brossard, aux droits de laquelle vient la société Maine Agri ; que le contrat de travail comportait une clause de non-concurrence interdisant au salarié de s'installer à son compte " pendant 2 ans dans la même branche d'activité et dans le secteur d'activité des Établissements Brossard " ; que M. Barbier a été licencié le 30 août 1996 ; qu'il a créé une entreprise le 10 mai 1997 ; que, se fondant sur un constat d'huissier établi le 18 novembre 1997, l'ancien employeur a saisi la juridiction prud'homale aux fins de condamnation de M. Barbier au paiement de l'indemnité contractuelle prévue en cas de violation de la clause de non-concurrence ;
Attendu que pour faire droit à cette demande, la cour d'appel, statuant par motif adopté du conseil de prud'hommes, a retenu, essentiellement, que, contrairement à ce qui était allégué par M. Barbier, sauf si la convention collective le prévoit, l'existence d'une contrepartie pécuniaire n'est pas une condition de validité de la clause de non-concurrence ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, en déclarant licite la clause de non-concurrence qui ne comportait pas de contrepartie financière, la cour d'appel a violé le principe ci-dessus énoncé et le texte susvisé ;
Et attendu qu'il y a lieu de faire application de l'article 627, alinéa 1, du nouveau Code de procédure civile, la cassation encourue n'impliquant pas qu'il soit à nouveau statué au fond du chef de la violation de la clause de non-concurrence ;
Par ces motifs : Casse et annule, en ses dispositions relatives à la violation de la clause de non-concurrence, l'arrêt rendu le 6 juin 2000, entre les parties, par la cour d'appel d'Angers ;
Rejette la demande d'indemnité pour violation de la clause de non-concurrence de la société Maine Agri ;
Dit n'y avoir lieu à renvoi.
Cass. soc. 12 janvier 1999, n° 162 PBR, Spileers c/ SARL Omni Pac.
Vu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Attendu que selon ce texte, toute personne a droit au respect de son domicile ; que le libre choix du domicile personnel et familial est l'un des attributs de ce droit ; qu'une restriction à cette liberté par l'employeur n'est valable qu'à la condition d'être indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise et proportionnée, compte tenu de l'emploi occupé et du travail demandé, au but recherché ;
Attendu que M. Spileers a été engagé à compter du 30 août 1991 par la société Omni Parc en qualité d'attaché commercial ; qu'il résulte de la procédure qu'il était domicilié avec sa famille dans la région parisienne et que son secteur d'activité était la région parisienne, le nord et l'est de la France ; que son contrat comportait une clause précisant que l'employeur se réservait le droit de modifier la région d'activité en demandant au salarié d'être domicilié sur cette région dans les 6 mois suivant ce changement d'affectation ; qu'il était également précisé qu'en cas de non-acceptation de la part du salarié, ce refus pourra entraîner la rupture du contrat de travail ne donnant lieu à aucune indemnité particulière de licenciement autre que les indemnités légales ou conventionnelles ; que le 21 août 1992, l'employeur a notifié au salarié la modification d'affectation et lui a demandé d'être domicilié dans la région de Montpellier ; qu'après avoir donné un accord de principe à cette proposition, le salarié a refusé de transférer son domicile familial à Montpellier et a été licencié le 3 novembre 1992 ; que contestant le bien-fondé de son licenciement, M. Spileers a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir paiement de diverses sommes ;
Attendu que, pour décider que le licenciement fondé sur le non-respect de la clause litigieuse, reposait sur une cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a considéré que la clause était licite, dès lors qu'elle était justifiée par la nature et le lieu des fonctions commerciales exercées par l'intéressé et par le bon fonctionnement de l'entreprise ;
Qu'en statuant par ces seuls motifs qui ne justifiaient ni le caractère indispensable pour l'entreprise d'un transfert de domicile, alors que le salarié proposait d'avoir une résidence à Montpellier, ni le caractère proportionné au but recherché de cette atteinte à la liberté de choix du domicile du salarié et alors qu'elle n'explique pas en quoi les attributions de M. Spileers exigeaient une présence permanente à Montpellier, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens du pourvoi : Casse et annule, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 8 novembre 1995, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris.
Cass. soc. 11 juillet 2001 n° 3532 F-P SA Franfinance c/ Barrande et autre
Sur le moyen unique
Vu l'article 1134 du Code civil et L 122-43 du Code du travail ;
Attendu que M. Barrande, salarié de la Société Franfinance depuis 1983 en qualité d'inspecteur contentieux, a été nommé, le 1er août 1988, responsable de l'unité de contentieux régional de Marseille ; qu'il a été licencié le 25 mai 1994 pour avoir refusé sa mutation à l'unité de Bordeaux;
Attendu que, pour dire le licenciement du salarié dépourvu de cause réelle et sérieuse, l'arrêt attaqué relève que la mutation du salarié à Bordeaux, intervenue en raison des mauvais résultats obtenus par lui à Marseille, constitue une mesure disciplinaire qui, portant nécessairement atteinte au contrat de travail en modifiant ses responsabilités, pouvait être refusée par lui, et que l'employeur a abusé de ses pouvoirs en utilisant à cette fin la clause de mobilité stipulée au contrat de travail ;
Attendu, cependant, que la mise en œuvre d'une clause de mobilité n'entraîne pas de modification du contrat de travail ; que, même si le déplacement du salarié a le caractère d'une mesure disciplinaire, il ne constitue pas un abus, dès lors que l'employeur peut invoquer une faute du salarié ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors qu'il lui appartenait de vérifier si le comportement incriminé de M. Barrande était fautif et s'il justifiait son déplacement, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Par ces motifs Casse et annule, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 janvier 1999, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier.
Cass sociale du 15 décembre 2004 Mme X c/Sté Histoire d'Or
Attendu que Mme X... a été engagée par la société Histoire d'or, en qualité de directeur de magasin, à compter du 24 mai 1995 ; que le contrat de travail comportait une clause de mobilité ;
qu'outre la rémunération forfaitaire mensuelle il y était prévu que la salariée percevrait un intéressement "dont les paramètres de détermination seront régulièrement redéfinis et annexés au contrat de travail" ; qu'elle était affectée depuis le 20 septembre 1995 au magasin de Bègles ; que, par lettre recommandée avec avis de réception du 6 juillet 1998, l'employeur lui a notifié son affectation au magasin de l'Hay-les-Roses en lui précisant : "Il ne sera pas autrement dérogé aux clauses du contrat de travail" ; que, par lettre recommandée avec avis de réception du 10 septembre 1998, l'employeur l'a licenciée pour faute grave pour refus de mutation ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt attaqué (Bordeaux, 21 mai 2002) d'avoir dit sans cause réelle et sérieuse le licenciement de Mme X... et condamné, en conséquence, la société Histoire d'or à lui verser diverses indemnités de rupture, alors, selon le moyen :
1 / que le refus du salarié d'obtempérer à une mutation prononcée en application d'une clause de mobilité de son contrat de travail est constitutif d'une faute grave ; que, par ailleurs, quand une partie de la rémunération est constituée par un intéressement calculé en pourcentage du chiffre d'affaires et que seul ce pourcentage a été convenu dans le contrat de travail, ni le chiffre d'affaires ni le montant subséquent de l'intéressement ne sont des éléments contractuels ne pouvant être modifiés qu'avec l'accord du salarié ; qu'en l'espèce, le contrat de travail de directeur de magasin conclu par Mme X... avec la société Histoire d'or qui exploite des magasins sur l'ensemble du territoire national ne précisait pas le lieu d'affectation mais contenait une clause de mobilité ; que la rémunération convenue comportait, outre un fixe, un intéressement calculé en fonction du chiffre d'affaires du magasin selon des paramètres qui avaient seuls un caractère contractuel ; qu'il s'ensuit que la mutation de la salariée du magasin de Bègles à celui de l'Hay-les-Roses, sans remise en cause ni du fixe ni des paramètres de l'intéressement, non seulement n'emportait aucune modification d'un élément du contrat de travail, mais encore constituait une application pure et simple des stipulations de celui-ci ; que, dans ces conditions, en décidant que la salariée était fondée à refuser sa mutation dès lors que le chiffre d'affaires du magasin de Bègles était supérieur à celui de l'Hay-les-Roses et qu'il en résulterait une modification de sa rémunération globale, et que son licenciement consécutif à son refus n'était pas justifié par une faute grave, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil, ensemble les articles L. 122-4, L. 122-6, L. 122-8 et L. 122-9 du Code du travail ;
2 / que le refus du salarié d'accepter une modification des conditions de travail qui n'est que la mise en oeuvre, sans remise en cause des éléments convenus de la rémunération, d'une stipulation expresse, telle la clause de mobilité, est constitutif d'une faute disciplinaire qui, même quand elle n'est pas une faute grave, caractérise à tout le moins une cause réelle et sérieuse de licenciement ; que dès lors, en décidant qu'était dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement de Mme X... consécutif à son refus d'accepter sa mutation du magasin de Bègles à celui de l'Hay-les-Roses, prononcée en application de la clause de mobilité figurant à son contrat de travail et sans remise en cause des seuls éléments de sa rémunération stipulés dans celui-ci, la cour d'appel a, en toute hypothèse, violé les articles L. 122-14-3 et L. 14-4 du Code du travail, ensemble l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu que la mise en oeuvre d'une clause de mobilité ne peut être imposée au salarié lorsqu'elle entraîne une réduction de sa rémunération ;
Et attendu que la cour d'appel, qui a constaté que la rémunération de la salariée aurait été réduite du fait de cette mise en oeuvre, a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ;
Cass. soc. 21 mai 2002 n° 1686 F-P, SA Flandre Air c/ Régis-Constant.
Vu l'article 1134 du Code civil ; Attendu que M. Régis-Constant a été engagé le 20 novembre 1996 par la compagnie aérienne Flandre Air en qualité de commandant de bord ; que l'article 4 de son contrat de travail prévoyait qu'il pourrait être appelé à suivre des stages de qualification et que, dans ce cas, il s'engageait à servir la société pendant une durée dépendant de la qualification obtenue ou à lui rembourser prorata temporis les frais de stage ; que, le jour même de cette embauche, les parties ont signé un contrat de formation aux termes duquel l'employeur s'engageait à financer l'obtention par le salarié de la qualification sur appareil de type Embraer E120 ; que l'article 4 de ce contrat stipulait qu'en contrepartie de la formation reçue, le salarié s'engageait à rester au service de l'employeur pendant une durée minimale de 48 mois et qu'en cas d'inobservation de cette obligation, il serait redevable d'une indemnité de dédit-formation ; que par lettre du 15 juillet 1997, le salarié a démissionné avec effet au 17 octobre suivant ; que l'employeur a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir le paiement d'une indemnité au titre de la clause de dédit-formation ainsi que d'une indemnité compensatrice pour le défaut d'exécution du préavis de démission ;
Attendu que pour débouter l'employeur de cette demande, l'arrêt attaqué énonce qu'au travers de l'article 4 du contrat de travail, la compagnie aérienne a obligé par avance le salarié à accepter la stipulation d'une clause de dédit-formation chaque fois qu'elle déciderait de lui faire obtenir une nouvelle qualification ; qu'en mettant cette clause en œuvre lors de l'embauche par la signature d'un contrat de formation contenant une clause de dédit-formation, la société s'est donnée les moyens de prolonger de façon potestative la période pendant laquelle il n'était pas possible de démissionner sans contrepartie financière ; qu'à cette entrave à la liberté de démissionner, s'ajoute une restriction à la liberté du travail dès lors que l'article 15 de l'accord d'entreprise institue une clause de non-concurrence qui coïncide avec la période d'amortissement ; qu'il apparaît ainsi que, par la combinaison de ces différentes sources d'obligations, la clause de dédit formation insérée dans le contrat de formation est illicite ;
Attendu, cependant, que les clauses de dédit-formation sont licites si elles constituent la contrepartie d'un engagement pris par l'employeur d'assurer une formation entraînant des frais réels au-delà des dépenses imposées par la loi ou la convention collective, si le montant de l'indemnité de dédit est proportionné aux frais de formation engagés et si elles n'ont pas pour effet de priver le salarié de la faculté de démissionner ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors que la circonstance que le contrat de formation ait été signé le jour même de l'embauche, et que l'interdiction faite au salarié d'exploiter la qualification payée par l'employeur auprès d'une autre compagnie française pendant la période d'amortissement du coût de cette qualification, ne rendaient pas illicite la clause de dédit-formation contenue dans ce contrat, laquelle était conforme tant aux stipulations du contrat de travail qu'à l'article 15 de l'accord d'entreprise, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Par ces motifs : Casse et annule mais seulement en sa disposition déboutant la société Flandre Air de sa demande en paiement d'une indemnité au titre de la clause de dédit formation, l'arrêt rendu le 20 mars 2000, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Reims.
Cass. Soc. 11 juillet 2000, n° 3318 FS-PF, Marchal c/ Pimouguet et autre.
Vu le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, les articles L 120-2, L 212-4-2, et L 751-1 du Code du travail, l'article 5 de l'accord national interprofessionnel des VRP ;
Attendu que la clause par laquelle un salarié s'engage à consacrer l'exclusivité de son activité à un employeur porte atteinte à la liberté du travail ; qu'elle n'est valable que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise et si elle est justifiée par la nature de la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché ; qu'il en résulte que la clause d'un contrat de travail par laquelle un salarié s'engage à travailler pour un employeur à titre exclusif et à temps partiel ne peut lui être opposée et lui interdire de se consacrer à temps complet à son activité professionnelle ; qu'un VRP, s'il est engagé à titre exclusif, ne peut se voir imposer de travailler à temps partiel et a droit à la rémunération minimale forfaitaire prévue par l'article 5 de l'accord national interprofessionnel des VRP ;
(…)
Par ces motifs : Casse et annule, mais seulement en ses dispositions limitant le montant des créances de la salariée à inscrire au passif de la liquidation judiciaire de la sté AT Cobra au titre de ses demandes de rappel de salaires, de congés payés et de l'indemnité compensatrice de la clause de non-concurrence, l'arrêt rendu le 6 novembre 1997, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles.
Cass. soc. 5 mars 1997, n° 1085 P, Jagou c/ Sté Pico Océan Indien
Vu l'article 8 de la convention collective nationale des ingénieurs, assimilés et cadres du 31 août 1955 et l'article 1134 du Code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Jagou a été engagé, le 9 novembre 1990, par l'entreprise Pico en qualité de conducteur de travaux avec une période d'essai de trois mois ; que l'entreprise Pico a mis fin au contrat par lettre du 13 février 1991 ; que M. Jagou a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en paiement de diverses indemnités pour non-respect de la procédure de licenciement et licenciement abusif ;
Attendu que, pour le débouter de ses demandes, la cour d'appel a énoncé que la lettre d'embauche signée du salarié disposait " la période des congés de fin d'année (en principe du 20 décembre au 21 janvier 1991) sera neutralisée et la période d'essai prolongée d'autant ", que cette disposition, contractuellement souscrite entre les parties, parfaitement claire et précise avait eu pour effet de suspendre la période d'essai de M. Jagou pendant les congés de l'entreprise, même si M. Jagou lui-même n'avait pas effectivement pris la totalité de ses congés pendant cette période, et de prolonger la période d'essai de cette durée soit d'un mois, que la période d'essai de M. Jagou s'était donc terminée le 12 mars 1991 ;
Attendu, cependant, d'une part, que la durée de la période d'essai fixée par le contrat de travail ne peut être supérieure à celle prévue par la convention collective applicable, d'autre part, que l'essai n'est valablement suspendu pendant les congés annuels de l'entreprise et, par suite, ne peut être prolongé pour une durée correspondante qu'autant que le salarié est lui-même en congé ;
D'où il suit, qu'en statuant comme elle l'a fait, alors qu'elle avait relevé que le salarié avait travaillé pendant une partie des congés de fin d'année, la cour d'appel, qui n'a pas recherché si, compte tenu de ce travail, la durée de l'essai fixée à trois mois par la convention collective expressément visée dans la lettre d'embauche n'était pas expirée au jour de la rupture, n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Par ces motifs : Casse et annule, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 novembre 1993, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, autrement composée.
Cass. soc. 31 octobre 1989, Girard c/ Sté d'entreprise et de gestion, n° 4259 P
Vu l'article 4 de l'annexe ingénieurs et cadres à la convention collective des entreprises de pompage, traitement et distribution d'eau à usage public ou particulier ;
Attendu qu'il résulte de ce texte que la durée de la période d'essai est fixée à six mois renouvelables pour les cadres positions I et Il et à un an pour les cadres position III ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Girard a été engagé par la société d'entreprise et de gestion à compter du 16 août 1982 en qualité d'ingénieur technico-commercial, cadre position Il suivant la classification de l'annexe cadre à la convention collective susvisée ; que son contrat de travail stipulait une période d'essai de douze mois ; que le 1er juillet 1983, l'employeur a mis fin à l'essai ;
Attendu que pour débouter M. Girard de sa demande en paiement de dommages intérêts pour licenciement abusif, la cour d'appel a énoncé que la convention collective prévoyant une période d'essai d'une durée de six mois renouvelable, rien n'interdisait aux parties de convenir dès l'origine que le renouvellement serait acquis et que l'essai s'étendrait sur la durée maximum autorisée par la convention collective ;
Qu'en statuant ainsi alors que la durée de la période d'essai initialement fixée ne pouvait excéder six mois et que si l'employeur entendait se prévaloir de la faculté de renouveler la période d'essai, il lui appartenait de le faire savoir au salarié avant l'expiration de la première période sans pouvoir stipuler dès l'origine que l'essai serait renouvelé, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Par ces motifs, et sans qu'il ait lieu de statuer sur le second moyen :
Casse et annule, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 mars 1986, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bourges.
Cass. Soc. 7 janvier 1988 Sodebis c/ Roy
Sur les deux moyens réunis :
Attendu que, selon le jugement attaqué (conseil de prud'hommes de Besançon, 31 janvier 1986) la Société Sodebis a engagé Mme Roy en qualité de caissière de libre-service le 15 avril 1985 avec une période d'essai d'un mois qui a été renouvelée ; que la salariée a été licenciée le 30 mai 1985 au motif que l'essai n'était pas satisfaisant ;
Attendu que la Société Sodebis fait grief au conseil de prud'hommes de l'avoir condamnée à payer à Mme Roy une indemnité conventionnelle de préavis et des dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'en affirmant que la période d'essai ne pouvait excéder la durée d'un mois prévue par l'article 2 de la convention collective, le conseil de prud'hommes a fait une fausse application de cet accord qui n'interdisait pas de procéder au renouvellement de l'essai, et alors, d'autre part, qu'en énonçant que l'essai avait été prorogé sans raison valable, et que l'employeur n'alléguait aucun motif de licenciement, le conseil de prud'hommes a dénaturé les faits, dès lors que la société n'avait prorogé la période d'essai que sur la demande de Mme Roy et en se réservant la faculté de l'interrompre à tout moment, sans préavis ni indemnité ;
Mais attendu que, contrairement à ses dispositions relatives, d'une part, aux agents de maîtrise et techniciens, et d'autre part, aux cadres, lesquelles prévoient une possibilité de prolongation de la période d'essai, la convention collective des magasins de vente d'alimentation et d'approvisionnement général du 29 mai 1969 fixe, à l'article 2 de son annexe I, à un mois la durée de la période d'essai des employés et ouvriers sans envisager la possibilité de sa prorogation ; d'où il suit qu'en décidant que la période d'essai de Mme Roy, dont il a relevé qu'elle n'exerçait pas des fonctions impliquant d'importantes initiatives et responsabilités, ne pouvait être renouvelée, le conseil de prud'hommes a fait une exacte application de la convention collective et en a justement déduit que le licenciement de la salariée avait été prononcé hors de la période d'essai ;
Que le moyen n'est donc pas fondé ;
Par ces motifs : Rejette le pourvoi.
Cass. soc. 17 juillet 1996, n° 3378 P, Sté Perthois Distribution c/ Banchet
Attendu, selon le jugement attaqué (conseil de prud'hommes de Châlons-sur-Marne, 22 octobre 1993), que M. Banchet a été embauché, le 1er octobre 1992, par la société Perthois Distribution en qualité d'employé libre-service avec une période d'essai d'un mois ; que le 2 novembre 1992, il a été engagé par le même employeur en qualité de chef de rayon, en vertu d'un nouveau contrat à durée indéterminée comportant une période d'essai de deux mois ; que l'employeur a mis fin à la période d'essai le 6 novembre 1992 ;
Attendu que la société Perthois Distribution fait grief au jugement de l'avoir condamnée à payer à M. Banchet une somme à titre de dommages intérêts pour rupture abusive de la période d'essai alors, selon le moyen, qu'il résulte de l'article L 122-4, alinéa 2, du Code du travail que les parties peuvent durant la période d'essai mettre fin au contrat sans justification, qu'en retenant que la société Perthois Distribution avait mis fin au contrat au seul motif que M. Banchet ne présentait pas les qualités requises, le conseil de prud'hommes a violé les dispositions de cet article ;
Mais attendu, qu'ayant exactement énoncé que si l'employeur peut discrétionnairement mettre fin aux relations contractuelles pendant la période d'essai, ce n'est que sous réserve de ne pas abuser de son droit, le conseil de prud'hommes, qui a relevé que l'employeur avait mis fin au contrat au seul motif que le salarié ne présentait pas les qualités professionnelles requises quatre jours seulement après l'avoir jugé apte à un emploi de qualification supérieure, a pu décider que l'employeur avait agi avec une légèreté blâmable et abusé de son droit de résiliation ;
Par ces motifs : Rejette le pourvoi.
Cass. soc. 15 décembre 1999, n° 4866 D, SA Alcatel Cit c/ Auffret
Attendu que la société Cit Alcatel ayant décidé à la fin de l'année 1986, de procéder au licenciement collectif d'une partie du personnel de son établissement de Guingamp, soit 523 salariés, a proposé un plan social prévoyant notamment le versement d'une indemnité d'aide à la réorientation pour tout départ volontaire ; que la question de savoir si cette indemnité était ou non soumise à l'impôt sur le revenu ayant été posée, la direction a été amenée à donner sur ce point certaines informations au cours d'une réunion du comité d'établissement des 5 et 6 novembre 1986 ; que les salariés concernés s'étant vu ultérieurement imposer sur cette indemnité, certains d'entre eux ont accepté la proposition de leur ancien employeur d'engager, aux frais de ce dernier, une procédure devant la juridiction administrative et qu'ils ont obtenu l'annulation de ce redressement ; que d'autres ont saisi la juridiction prud'homale d'une action en dommages intérêts en soutenant que leur ancien employeur leur avait donné des informations erronées ;
Attendu que l'arrêt attaqué (Angers, 18 décembre 1997) rendu sur renvoi après cassation a condamné la société à payer à chacun des intéressés la moitié de leur préjudice en retenant, d'une part, la faute de l'employeur qui avait manqué à son obligation de renseignement et, d'autre part, le choix des salariés d'acquiescer à la décision d'imposition ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen, qu'ayant constaté que dès qu'elle avait été avisée du redressement fiscal frappant les salariés, la société Alcatel Cit avait proposé à ces derniers d'engager une procédure devant les juridictions administratives, dont elle s'engageait à supporter les frais, afin d'obtenir la mise à néant de ce redressement et que les salariés, qui ont accepté cette proposition, ont obtenu la décharge intégrale du complément d'impôts injustifié qui leur était réclamé sur la prime perçue dans le cadre du plan social au titre de la négociation de leur départ, la cour d'appel aurait dû en déduire que le refus des salariés d'entreprendre sans frais une procédure auprès de la juridiction administrative était à l'origine de l'intégralité de leur préjudice ; qu'en jugeant que le refus des salariés n'avait contribué que partiellement à leur préjudice, elle n'a pas déduit de ses constatations les conséquences légales qui s'en évinçaient et violé l'article 1147 du Code civil ; que de leur côté les salariés font grief à l'arrêt d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen, que, d'une part, le seul " refus d'entreprendre sans frais une procédure auprès de la juridiction administrative " dont l'issue, selon les propres constatations de l'arrêt était d'ailleurs aléatoire puisque " la jurisprudence en la matière était fluctuante ainsi que chacune des parties tend à l'admettre " ne saurait constituer une faute engageant même partiellement la responsabilité des salariés ; que le préjudice dont les salariés demandaient réparation avait pour seule cause la faute commise par la société Alcatel dans son obligation de renseignement de bonne foi, peu important la validité des redressements ; qu'en considérant que les salariés avaient commis une faute en n'agissant pas en justice, la cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil ; alors que, d'autre part, la faculté d'ester ou non en justice relève d'une liberté fondamentale qui ne saurait être source de responsabilité, sous réserve de l'abus dans son exercice, tel que prévu par l'article 32-1 du nouveau Code de procédure civile ; qu'en reprochant aux salariés de ne pas avoir introduit une instance en contestation des redressements fiscaux qui leur étaient adressés, la cour d'appel a violé l'article 30 du nouveau Code de procédure civile " ;
Mais attendu que la cour d'appel a retenu, d'une part, que l'employeur aurait dû informer les salariés afin qu'ils soient à même de négocier leur départ en pleine connaissance de cause des risques de redressement que l'administration des impôts lui avait signalés, d'autre part, que le refus des salariés d'entreprendre une action en annulation de l'imposition devant la juridiction administrative a contribué à la réalisation de leur préjudice ;
Qu'en l'état de ces constatations et énonciations, elle a pu en déduire, d'une part, que la faute de l'employeur était en relation de cause à effet avec le préjudice, d'autre part, que l'attitude passive des salariés exonérait partiellement l'employeur de sa responsabilité ; que les moyens ne sont pas fondés ;
Par ces motifs : Rejette les pourvois, tant principal qu'incident.
Cass. soc. 15 mars 2000, n° 1414 D, Sté France Restauration rapide c/ Gavin.
Attendu que Mlle Gavin a été engagée, le 19 janvier 1987, par la société France restauration rapide, en qualité d'employée polyvalente, puis nommée, après plusieurs promotions, assistant 3, responsable de magasin ; qu'invoquant des difficultés relationnelles et l'impossibilité de poursuivre son activité à la suite de l'arrivée d'un nouveau directeur de magasin, elle a saisi la juridiction prud'homale en demandant la résiliation judiciaire de son contrat de travail et le paiement de diverses indemnités et de dommages-intérêts ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt attaqué (Riom, 28 octobre 1997), de l'avoir condamné à payer à la salariée diverses sommes à titre d'indemnités de congés payés, de préavis et de licenciement ainsi que des dommages intérêts, alors, selon le moyen, que, d'une part, si la salarié a la faculté de demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur, la charge lui incombe de prouver que ce dernier n'a pas satisfait à ses obligations au sens de l'article 1184 du Code civil ; que cette preuve ne peut se satisfaire de la présomption de responsabilité susceptible de peser sur ledit employeur du fait de ses préposés ; qu'en se bornant à relever, en l'espèce, que l'employeur devait répondre des conséquences dommageables du comportement fautif et critiquable de M. Bouis à l'égard de la salariée, sans caractériser aucune faute précise à l'encontre de l'employeur, la cour d'appel a violé par fausse application l'article 1384, alinéa 5, du Code civil, ensemble l'article 1184 de ce Code ; alors que, d'autre part, si tant est que l'employeur soit tenu à l'égard de ses salariés d'une obligation générale et accessoire de contrôle de l'attitude des uns et des autres, et notamment des cadres de l'entreprise à l'égard de subordonnés, un manquement à cette obligation secondaire et informelle ne saurait justifier à lui seul la résiliation judiciaire du contrat de travail ; qu'en se bornant à affirmer, en l'espèce, que l'employeur n'aurait pas mis en place " la procédure de contrôle " propre à éviter les désagréments dont se plaint la salariée, sans caractériser aucun autre manquement plus substantiel de l'employeur à ses obligations nées du contrat de travail, ni prendre en considération le fait que l'intéressée avait très longtemps caché ses déboires avec son directeur, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1184 du Code civil ;
Mais attendu que la cour d'appel a décidé, à bon droit, que l'employeur était directement engagé par les agissements d'un cadre titulaire d'une délégation de pouvoir et assurant sa représentation à l'égard du personnel placé sous ses ordres ; qu'ayant constaté que ce cadre avait jeté le discrédit sur la salariée qui était sa subordonnée, l'affectant personnellement et portant atteinte à son image, à sa fonction et à son autorité, elle a pu juger par ce seul motif que l'employeur avait manqué à ses obligations et a estimé que ces manquements présentaient une gravité suffisante pour justifier la résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur ; que le moyen n'est pas fondé ;
Par ces motifs : Rejette le pourvoi.
Cassation sociale du 21 juin 2006 Salariés Propara c/M.X
Attendu que plusieurs salariés de l'association Propara se sont plaints du comportement brutal, grossier, humiliant et injurieux à leur égard de leur directeur, M. X..., et ont dénoncé les menaces, dénigrements, intimidations et sanctions injustifiées dont ils faisaient l'objet au travail ; qu'un rapport de l'inspection du travail du 26 novembre 2002 a conclu que M. X... se livrait effectivement à "une pratique de harcèlement moral généralisée entraînant une dégradation des conditions de travail, une atteinte aux droits des personnes et à leur dignité ainsi qu'une altération de la santé physique et morale de certains salariés" ; qu'un médiateur a également relevé des faits de même nature commis par M. X... à l'encontre de ses subordonnés ; que le 28 février 2003, plusieurs salariés ont saisi le conseil de prud'hommes d'une action dirigée tant contre M. X... personnellement que contre l'association en réparation du préjudice subi du fait du harcèlement moral dont ils avaient été victimes ; que l'association, qui avait déchargé M. X... de ses fonctions d'encadrement du personnel le 28 janvier 2003, puis l'avait licencié le 7 mars 2003, a contesté sa responsabilité, tandis que M. X... demandait que l'association soit déclarée responsable des faits reprochés et condamnée au paiement des indemnités réclamées ; que l'arrêt attaqué, retenant que M. X... avait commis des faits de harcèlement moral au sens de l'article L. 122-49 du code du travail, l'a condamné à payer des dommages-intérêts aux salariés et a déchargé l'association Propara de toute responsabilité ;
Sur le premier moyen du pourvoi de M. X... :
Attendu que M. X... fait grief aux arrêts attaqués (Montpellier, 25 mai 2005) de l'avoir condamné à verser à chacun des salariés des dommages-intérêts pour harcèlement moral alors, selon le moyen :
1 / que le préposé n'engage pas sa responsabilité civile lorsque la faute qui lui est reprochée n'est pas détachable de la mission qui lui a été confiée par le commettant ; qu'en condamnant M. X... à réparer le préjudice invoqué par la salariée sans rechercher si les agissements qui lui étaient reprochés étaient détachables de ses fonctions de directeur de l'association Propara, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 et 1384, alinéa 5, du code civil ;
2 / que l'employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et la santé de ses salariés ; qu'il lui appartient de prévenir les agissements de harcèlement à l'intérieur de l'entreprise ;
qu'en condamnant M. X..., pour altération de la santé de la salariée, en lieu et place de son employeur, l'association Propara, la cour d'appel a violé les articles L. 122-49, L. 122-51, L. 230-2 et L 230-4 du code du travail, ainsi que l'article 1134 du code civil ;
3 / qu'en application de la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002, les agissements de harcèlement commis à l'occasion du travail relèvent du régime spécial de responsabilité des articles L. 122-49 et suivants du code du travail ;qu'en condamnant M. X... sur le fondement de l'article 1382, la cour d'appel a violé les articles L. 122-49, L. 122-50, L. 122-51 et L. 122-52 du code du travail ;
Mais attendu, d'une part, que selon l'alinéa 1 de l'article L. 122-49 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; que, d'autre part, la responsabilité de l'employeur, tenu de prendre, en vertu de l'article L. 230-2 II (g) du code du travail, les mesures nécessaires à la prévention des risques professionnels liés au harcèlement moral n'exclut pas la responsabilité du travailleur auquel il incombe, selon l'article L. 230-3 du même code, de prendre soin de la sécurité et de la santé des personnes concernées du fait de ses actes ou de ses omissions au travail ; qu'il résulte de ces dispositions spécifiques aux relations de travail au sein de l'entreprise, qu'engage sa responsabilité personnelle à l'égard de ses subordonnés le salarié qui leur fait subir intentionnellement des agissements répétés de harcèlement moral ;
D'où il suit qu'ayant retenu que le directeur de l'association, M. X..., avait sciemment harcelé moralement, au sens de l'article L. 122-49 du code du travail, des salariés qui lui étaient subordonnés, c'est à bon droit que la cour d'appel l'a condamné à leur verser des dommages-intérêts ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen de M. X... :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur le premier moyen commun aux pourvois incidents des autres salariés :
Vu les articles L. 122-49, L. 122-51 et L. 230-2 du code du travail, ce dernier interprété à la lumière de la directive CE n° 89/391 du 12 juin 1989 concernant la mise en oeuvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et la santé des travailleurs ;
Attendu que pour décider que l'association Propara n'était pas responsable du harcèlement moral dont ses salariés ont été les victimes, l'arrêt retient que l'employeur n'a commis aucune faute ;
Attendu, cependant, que l'employeur est tenu envers ses salariés d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise, notamment en matière de harcèlement moral et que l'absence de faute de sa part ne peut l'exonérer de sa responsabilité ;
D'où il suit qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :
CASSE et ANNULE, mais seulement en ce qu'ils ont débouté les salariés victimes du harcèlement de leurs demandes dirigées contre l'employeur, les arrêts rendus le 25 mai 2005, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;
Cass. soc. 28 février 2002, n° 881 FS-PBRI, Deschler c/ SA Textar France.
Attendu que M. Deschler a été engagé en 1986 par la société Textar France en qualité de responsable du bureau d'études, assurant également, par la suite, la direction du service entretien ; qu'en janvier 1995 la société Textar a confié à la société " Chaudronnerie tuyauterie construction " (CTC) dont le gérant était M. Weng, la fourniture, la confection, le montage et l'épreuve de pression d'une nouvelle tuyauterie sur la centrale hydraulique de son unité de fabrication de plaquettes de freins ; que le 25 février 1995 lors du démontage de l'ancienne conduite de l'installation, et à la suite du desserrage de la bride de fixation d'un clapet anti-retour, deux salariés ont été tués par la projection d'huile sous haute pression ; que la société Textar a licencié M. Deschler le 31 mars 1995 pour faute grave ;
Attendu que M. Deschler fait grief à l'arrêt attaqué (Metz, 7 décembre 1999) de l'avoir débouté de ses demandes en paiement de diverses sommes à titre d'indemnité de préavis, de congés payés sur préavis, d'indemnité de licenciement ainsi qu'à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen :
1° que la faute grave s'entend d'un manquement caractérisé par le salarié à ses obligations contractuelles ; que les dispositions du décret du 22 février 1992 relatif aux prescriptions applicables aux travaux effectués dans un établissement par une entreprise extérieure mettent à la charge du chef d'entreprise ou d'un délégué investi de l'autorité, de la compétence et des moyens nécessaires, les mesures de prévention préalables à l'exécution d'une opération, et notamment l'établissement d'un plan de prévention ; que la seule circonstance que M. Deschler ait eu à assurer, outre la responsabilité du bureau d'études, la direction du service entretien, n'avait pas pour effet de lui conférer une responsabilité déléguée en matière de sécurité et de prévention des risques au regard des sociétés intervenantes extérieures ; que M. Deschler contestait avoir à assumer une telle responsabilité ; que la cour d'appel, qui n'a pas constaté que M. Deschler ait été chargé par délégation expresse ou tacite de la prévention des risques résultant des travaux effectués par une entreprise extérieure, et des compétences nécessaires à cet effet, du fait d'une formation adaptée, mais l'a tenu pour responsable de la non-information de l'entreprise extérieure des particularités du clapet anti-retour à l'origine de l'accident mortel, a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L 122-8 et 9 et L 122-14-4 du Code du travail ;
2° que M. Deschler soutenait que le défaut de délégation ou de formation adéquate, comme la déclaration de culpabilité à la charge de M. Bour résultant du jugement correctionnel et les mesures prises ultérieurement démontraient qu'un salarié ne pouvait se voir imputer à faute la désorganisation de l'entreprise en matière de sécurité ; que faute de s'être expliqué sur ce moyen déterminant, la cour d'appel n'a encore pas justifié sa décision au regard des textes susvisés ;
3° que M. Deschler soulignait que l'entreprise extérieure intervenante, la société CTC, dirigée par M. Weng, n'avait pour mission, le samedi 25 février, que de terminer la pose de la nouvelle conduite sans branchement sur le réseau existant ; qu'aucune intervention sur le clapet n'était nécessaire pour l'exécution de cette mission ; que l'accident n'aurait pas eu lieu si la société CTC n'était pas intervenue sous la responsabilité de M. Weng pour récupérer une pièce qui, d'après le marché, devait être fabriquée par elle ; que la cour d'appel, qui n'a pas manifesté avoir pris en considération ce moyen péremptoire dont il résultait que M. Deschler ne pouvait être tenu pour responsable de la non-information d'un risque inhérent à une intervention qui n'aurait pas dû être effectuée, a entaché sa décision d'un défaut de motifs en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que selon l'article L 230-3 du Code du travail, il incombe à chaque travailleur de prendre soin, en fonction de sa formation et selon ses possibilités, de sa sécurité et de sa santé ainsi que de celles des autres personnes concernées du fait de ses actes ou de ses omissions au travail ; que dès lors, alors même qu'il n'aurait pas reçu de délégation de pouvoir, il répond des fautes qu'il a commises dans l'exécution de son contrat de travail ;
Et attendu que l'arrêt confirmatif attaqué, statuant par motifs propres ou adoptés, a constaté, d'abord, que M. Deschler était responsable du service entretien, qu'il entrait dans ses attributions de passer les commandes relatives à la maintenance des installations de la société, de définir avec les entreprises intervenantes les conditions de leur intervention et de les renseigner sur les mesures de sécurité, ensuite, qu'il n'avait pas correctement établi le plan de prévention lors de l'intervention de la société CRM et ne l'avait pas avertie des dangers liés à cette intervention, qu'il connaissait pourtant, notamment en ce qui concernait les particularités du clapet anti-retour à l'origine de l'accident ; que la cour d'appel, qui s'est expliquée sur les moyens invoqués par M. Deschler, a pu déduire de ces constatations, qu'il avait commis une faute grave ; que le moyen n'est pas fondé ;
Par ces motifs : Rejette le pourvoi.
Cassation sociale du 30 juin 2004 Mme X c/ STE SEGEC
Attendu que Mme X..., salariée de la société Segec depuis le 10 juillet 1989 en qualité d'assistante de révision, a été licenciée le 4 février 1994 pour faute lourde :
"inobservation de l'obligation de discrétion absolue et secret professionnel, vol de documents couverts par le secret professionnel, rétention de documents, caractère difficile et esprit d'opposition permanente avec intention de nuire" ; qu'elle a saisi le conseil de prud"hommes de diverses demandes ;
(....)
Sur le moyen unique du pourvoi n° V 02-41.771 de l'employeur :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le licenciement de la salariée ne reposait ni sur une faute lourde, ni sur une faute grave, ni sur une cause réelle et sérieuse de licenciement et d'avoir condamné la société au paiement de diverses sommes à ce titre, alors, selon le moyen :
1 / que la cour d'appel qui, tout en ne contestant pas que la salariée ait méconnu l'obligation de discrétion et de secret professionnel qui pesait sur elle, ni qu'elle ait volé des documents couverts par ce secret, conservé ces documents puis refusé de les restituer, a néanmoins considéré que l'intention de nuire n'était pas caractérisée et que la qualification de faute lourde devait, en conséquence, être écartée, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et violé l'article L. 223-14 du Code du travail ;
2 / que la qualification de faute grave doit être retenue s'agissant d'une salariée ayant versé aux débats d'une instance prud'homale des documents couverts par le secret professionnel ; qu'en affirmant, dès lors, que la violation des obligations mises à la charge de la salariée tant par son contrat de travail que par la convention collective était justifiée par la nécessité de remettre à ses défenseurs les documents litigieux, et qu'en conséquence les faits reprochés à la salariée ne constituaient ni une faute lourde, ni une faute grave, ni même une cause réelle et sérieuse de licenciement, la cour d'appel a violé l'article L. 122-6 du Code du travail ;
Mais attendu qu'un salarié, lorsque cela est strictement nécessaire à l'exercice des droits de sa défense dans le litige l'opposant à son employeur, peut produire en justice des documents dont il a eu connaissance à l'occasion de ses fonctions ; que les énonciations de l'arrêt attaqué caractérisant cette nécessité, le moyen ne peut être accueilli ;
(....)
Cass. soc. 14 décembre 1999, n° 4863 PB, Pierre c/ SNC Sanijura.
Vu l'article L 120-2 du Code du travail ;
Attendu que M. Pierre, directeur administratif et financier de la société Sanijura, a été licencié le 6 décembre 1994 ; qu'il lui était reproché d'avoir remis aux membres du comité de direction, auquel il appartenait, un document critiquant la nouvelle organisation mise en place par l'employeur et d'avoir ainsi manqué à son obligation de réserve ;
Attendu que pour décider que le licenciement procédait d'une cause réelle et sérieuse, l'arrêt attaqué retient que le document diffusé par l'intéressé aux membres du comité directeur ne rentre pas dans le cadre du droit d'expression du salarié et constitue des critiques vives de l'organisation administrative, financière et comptable mise en place à la suite de la prise de contrôle de l'entreprise ; que la rédaction et la diffusion dudit document révèlent une grande détermination du salarié, qui avait la possibilité de retenir sa plume et de modérer ses ardeurs et que le contenu du document va au-delà du simple devoir d'expression critique d'un cadre dirigeant ;
Attendu, cependant que, si, à bon droit, la cour d'appel a jugé que l'acte reproché au salarié ne pouvait se rattacher au droit d'expression des salariés sur le contenu, les conditions d'exercice et l'organisation de leur travail prévu à l'article L 461-1 du Code du travail, qui s'exerce seulement dans le cadre de réunions collectives organisées sur les lieux et pendant le temps de travail, elle a méconnu que, sauf abus, le salarié jouit, dans l'entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d'expression, qu'il ne peut être apporté à celle-ci que des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait alors qu'il résultait de ses constatations que l'intéressé était chargé d'une mission administrative, comptable et financière de très haut niveau dans des circonstances difficiles, de sorte qu'il pouvait être amené à formuler, dans l'exercice de ses fonctions, et du cercle restreint du comité directeur dont il était membre, des critiques, même vives, concernant la nouvelle organisation proposée par la direction, et alors que le document litigieux ne comportait pas de termes injurieux, diffamatoires ou excessifs, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Par ces motifs : Casse et annule, mais seulement en ce qu'il a débouté M. Pierre de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt rendu le 7 mars 1997, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Dijon.
Cass. soc. 8 janvier 1997, n° 89 P, Saudubray c/ Caisse fédérale du Crédit mutuel
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Angers, 17 février 1994), que M. Saudubray, au service de la Caisse fédérale du Crédit mutuel de Laval depuis le 1er juin 1974 en qualité de gérant, en dernier lieu responsable du point de vente de Brûlon (72), a été licencié le 12 septembre 1992 pour faute grave ;
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir débouté de ses demandes en paiement d'indemnité de préavis et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen, d'une part, qu'en cas de refus d'une modification non substantielle, la faute grave du salarié s'apprécie au regard de son attitude face à la modification et non compte tenu des faits ayant motivé la mutation ; alors, d'autre part, que les juges doivent rechercher si, compte tenu des circonstances, la faute reprochée est d'une importance telle qu'elle nécessite le départ immédiat du salarié, sans pouvoir se contenter de l'affirmer ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L 122-6 et suivants du Code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui a constaté le refus du salarié de continuer le travail après un changement de ses conditions de travail décidé par l'employeur dans l'exercice de son pouvoir de direction, a pu décider que ce comportement constituait une faute grave qu'il appartenait à l'employeur de sanctionner par un licenciement ; que le moyen n'est pas fondé ;
Par ces motifs : Rejette le pourvoi.
Cass. soc. 17 octobre 2000, n° 3609 FS-PB, Ancey c/ Sté Clinique Sainte-Marie.
Vu les articles L 122-6, L 122-8 et L 122-9 du Code du travail ;
Attendu que Mme Ancey, au service de la Clinique Sainte-Marie depuis le 7 mars 1977 en qualité d'aide-comptable secrétaire, a été licenciée le 9 mai 1996 pour faute grave, en raison de son refus de travailler un samedi matin sur deux par roulement, ce qu'elle ne faisait pas auparavant ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale d'une demande tendant au paiement d'indemnités compensatrices de préavis, de licenciement et pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Attendu que, pour rejeter la demande de la salariée, la cour d'appel a énoncé que, le contrat de travail n'ayant pas été modifié, le refus de la salariée était constitutif d'une faute grave ;
Attendu cependant qu'à défaut d'une clause contractuelle expresse excluant le travail du samedi, l'employeur, en demandant aux salariés de travailler ce jour ouvrable, fait usage de son pouvoir de direction ; que, si le refus de la salariée de poursuivre l'exécution du contrat en raison non d'une modification du contrat mais d'un simple changement des conditions de travail décidé par l'employeur dans l'exercice de son pouvoir de direction était fautif et rendait la salariée responsable de l'inexécution du préavis qu'elle refusait d'exécuter aux nouvelles conditions, ce refus n'était pas constitutif d'une faute grave, dès lors que la salariée avait une ancienneté de 19 années pendant lesquelles elle avait disposé librement du samedi matin ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Par ces motifs : Casse et annule dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 février 1998, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon.
Cass. soc. 28 janvier 1998, n° 370 PBR, Sté Systia Informatique c/ Bernard
(Extraits) Attendu que M. Eric Bernard a été engagé par la société " Systia Informatique " à compter du 1er juillet 1987, en qualité d'ingénieur commercial ; qu’un avenant à son contrat de travail précisait qu'en sus d'un salaire fixe, il percevrait une commission de 5% sur les marges dégagées sur les ventes de matériel informatique et sur la totalité des prestations facturées ; que bien qu'il ait été prévu au contrat de travail que ces conditions seraient revues chaque année, il n'en a rien été et le salarié a été rémunéré sur cette base jusqu'au 1er juillet 1991, date à laquelle l'employeur a établi un avenant prévoyant, pour une période d'un an, un nouveau barème de commissionnement : les taux de commissions étaient fixés à 15% en ce qui concerne les clients nouveaux et à 8% en ce qui concerne les clients anciens, et que si ce taux était applicable à la totalité des ventes de matériel, il ne s'appliquait qu'à la moitié des prestations de services facturées ; que le 6 avril 1992, le salarié a informé la société qu'il considérait qu'en lui imposant cette modification, elle avait rompu le contrat de travail tel qu'il avait été déterminé lors de son embauche et tel qu'il avait été exécuté pendant 4 ans ; que l'employeur lui a répondu le 6 avril qu'il le tenait pour démissionnaire ; que c'est dans ces conditions que M. Bernard, imputant à l'employeur la responsabilité de la rupture, a saisi le conseil de prud'hommes de demandes en paiement de rappels de commissions, d'indemnités de rupture et de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
(…) Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt (Chambéry, 15 novembre 1994) d'avoir dit que la rupture du contrat de travail s'analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'avoir, en conséquence, condamné la société au paiement d'indemnités de rupture et de dommages intérêts, alors premièrement, que la cour d'appel ne pouvait, sans entacher sa décision de contradiction de motifs, constater, d'une part que les nouvelles modalités de rémunération de M. Bernard avaient entraîné une diminution de son salaire de plus de 50% et constituaient ainsi une modification substantielle de son contrat de travail, tout en relevant d'autre part que la baisse de la rémunération de l'intéressé était due à la chute des prix de vente et des marges rétrocédées par les constructeurs et que l'intéressé n'établissait pas avoir droit à un rappel de commissions en application de son système de rémunération ; qu'ainsi la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors, deuxièmement, que la cour d'appel ne pouvait affirmer que la diminution du salaire de l'intéressé était aussi due à l'application des nouveaux taux de commissionnement sans répondre aux conclusions de la société faisant valoir que la baisse de la rémunération de M. Bernard provenait de l'insuffisance de son activité et que le mode de rémunération proposé en juillet 1991 aurait dû le conduire à percevoir une rémunération supérieure en démarchant de nouveaux clients ; qu'ainsi la cour d'appel a de nouveau violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors troisièmement, qu'en tenant pour établi " par l'examen des bulletins de paie versés aux débats " (notamment ceux des mois d'octobre, novembre et décembre 1991) que le salaire mensuel de M. Bernard avait parfois diminué après application des nouveaux taux, de plus de 50% " tout en relevant que les bulletins de paie des mois d'avril et novembre 1991 et de mars 1992 n'avaient pas été communiqués aux débats, de telle sorte que la cour d'appel n'a pas disposé des éléments pour comparer le niveau de rémunération de l'intéressé avant et après, la cour d'appel n'a pas motivé sa décision de lier la baisse de rémunération constatée à l'application des nouveaux taux ; qu'elle a ainsi encore violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors, enfin, et subsidiairement, à supposer que le contrat de travail n'ait pas fait l'objet d'une modification substantielle, il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que le salarié ne s'était pas borné à cesser ses fonctions, mais avait pris l'initiative de rompre le contrat par lettre postée le 4 avril 1992 ; que dès lors, nonobstant la volonté de M. Bernard d'imputer la responsabilité de la rupture dont il prenait acte à son employeur, cette lettre devait s'analyser en une lettre de démission ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article L 122-4 du Code du travail ;
Mais attendu que le mode de rémunération d'un salarié constitue un élément du contrat de travail qui ne peut être modifié sans son accord, peu important que l'employeur prétende que le nouveau mode serait plus avantageux ;
Et attendu que la cour d'appel, ayant relevé, sans contradiction, que l'employeur avait imposé au salarié un système de commissionnement différent de celui prévu au contrat, a exactement décidé, d'une part, qu'il y avait eu modification du contrat de travail, d'autre part, que le fait pour l'employeur de prendre acte de la rupture, en assimilant le refus du salarié d'accepter cette modification à une démission, s'analysait en un licenciement ; que le moyen n'est pas fondé ; (…)
.Cass. soc. 3 juillet 2001, Aviceau c/ SA Trouvay et Cauvin.
Vu l'article 1134 du Code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme Adjal a été engagée le 5 juillet 1976 par la société Trouvay et Cauvin en qualité d'employée de machines de bureau, coefficient 155 de la convention collective des industries métallurgiques ; que sa rémunération était déterminée selon deux paramètres, d'une part le coefficient hiérarchique conventionnel, d'autre part un coefficient individuel correspondant à la valeur professionnelle du salarié ; que faisant valoir que lors de son passage du coefficient 155 au coefficient 170, son salaire n'avait pas progressé pour autant, l'employeur ayant diminué son coefficient individuel, Mme Adjal a saisi la juridiction prud'homale ;
Attendu que pour débouter la salariée de sa demande en paiement d'un rappel de salaire et de congés payés y afférents, la cour d'appel énonce que l'intéressée a toujours perçu un salaire au moins équivalent au SMIC et au minimum prévu par la convention collective ; que l'absence d'augmentation de salaire consécutive au refus d'augmentation du coefficient individuel relevait du pouvoir de direction de l'employeur ; qu'il ressort des pièces produites que les mesures salariales étaient fondées sur la seule appréciation des qualités professionnelles et qu'elles ne dissimulaient aucune sanction pécuniaire illicite ; que l'intéressée ne peut soutenir n'avoir pas eu connaissance de son coefficient individuel puisqu'il lui suffisait d'en demander la communication à son employeur ; qu'aucune fraude de ce dernier n'est démontrée ;
Mais attendu que le mode de rémunération contractuelle d'un salarié constitue un élément du contrat de travail qui ne peut être modifié sans son accord, peu important que l'employeur prétende que le nouveau mode de rémunération serait plus avantageux que l'ancien ; qu'une clause du contrat de travail ne peut valablement permettre à l'employeur de modifier unilatéralement la rémunération contractuelle du salarié ;
Et attendu que la cour d'appel, qui a constaté que la rémunération d'un salarié malgré l'élévation de son coefficient hiérarchique n'avait pas augmenté au motif que son coefficient " d'individualisation ", déterminé en fonction de sa valeur professionnelle et de la qualité du travail fourni, avait été abaissé corrélativement par une décision unilatérale de l'employeur, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, d'où il résultait une modification du contrat de travail de l'intéressée, et a violé le texte susvisé ;
Par ces motifs :
Casse et annule, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 février 1999, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Caen.
Cass. soc. 20 octobre 1998, n° 4196 P, Courcelles et autres c/ CRAMA de la Loire
Vu l'article L 121-1 du Code du travail, ensemble l'article 1134 du Code civil ;
Attendu que, selon l'arrêt attaqué, antérieurement à la création de la Caisse régionale d'assurance mutuelle agricole (CRAMA) Loire Bourgogne issue de la fusion des CRAMA du Loir-et-Cher, de l'Indre-et-Loire, du Loiret et de l'Yonne, ces CRAMA appliquaient un mode de rémunération variable différent résultant d'un usage propre à chacune d'elles ; qu'à la suite de l'échec de la négociation collective entreprise en vue de définir un mode de rémunération variable commun à chaque CRAMA, la CRAMA Loire-Bourgogne a dénoncé l'usage relatif à ce mode de rémunération variable et a fixé un nouveau mode de rémunération variable ; que MM. Courcelles, Dubois, Lajou et Paumier, invoquant une modification de leur contrat de travail et imputant la responsabilité de la rupture à leur employeur, et M. Trottereau soutenant que sa démission avait pour cause une modification de son contrat de travail ont saisi le conseil de prud'hommes pour obtenir notamment le paiement d'un rappel de salaire, d'une indemnité de licenciement et de dommages intérêts ;
Attendu que pour décider que la résiliation du contrat de travail de MM. Courcelles, Dubois, Lajou et Paumier devait être prononcée à leurs torts exclusifs et que la démission de M. Trottereau lui était opposable, l'arrêt énonce que la dénonciation par l'employeur d'un usage était opposable aux cinq salariés concernés qui ne pouvaient prétendre à la poursuite du contrat de travail aux conditions antérieures, que la dénonciation régulière de l'usage interdit aux salariés de soutenir que ce mode de rémunération et ses modalités s'incorporaient au contrat de travail et, partant, que l'employeur avait modifié un élément substantiel du contrat de travail ; que ne constituait pas une modification substantielle du contrat de travail la dénonciation régulière d'un usage même relatif au mode de rémunération ; qu'en conséquence, la résolution judiciaire sollicitée expressément par les quatre salariés ne peut qu'être prononcée aux torts de MM. Dubois, Lajou, Courcelles et Paumier qui décidaient finalement de rompre l'engagement le 31 mars 1994 (M. Dubois) et 1er juillet 1994 (MM. Lajou, Paumier et Courcelles) ; que la démission de M. Trottereau lui est donc opposable sans qu'il puisse en rejeter l'imputabilité sur son ex-employeur ;
Attendu cependant que la rémunération, contrepartie du travail du salarié, résulte en principe du contrat de travail sous réserve, d'une part, du SMIC et, d'autre part, des avantages résultant des accords collectifs, des usages de l'entreprise ou des engagements unilatéraux de l'employeur ; que dans l'hypothèse où la rémunération du salarié résulterait en totalité d'un accord collectif, la dénonciation de cet accord, qui ne serait pas suivi d'un accord de substitution dans le délai de l'article L 132-8 du Code du travail, entraînerait le maintien du salaire antérieur, par intégration dans le contrat de l'avantage individuel acquis ; que, dans le cas où la rémunération du salarié résulterait exclusivement de l'usage ou de l'engagement unilatéral de l'employeur, la dénonciation régulière de cet usage ou de l'engagement unilatéral ne permet pas à l'employeur de fixer unilatéralement le salaire ; que celui-ci doit alors résulter d'un accord contractuel, à défaut duquel il incombe au juge de se prononcer ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la troisième branche du moyen : Casse et annule, mais seulement en ce qu'il a dit que la résiliation du contrat de travail devait être prononcée aux torts exclusifs de MM. Dubois, Lajou, Courcelles et Paumier, en ce qu'il les a déboutés de leurs demandes en paiement de l'indemnité de licenciement et de dommages intérêts, et en ce qu'il a dit que la démission de M. Trottereau lui était opposable et l'a en conséquence débouté des indemnités de rupture abusive, l'arrêt rendu le 29 juin 1995, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bourges.
b) Modifications des attributions
Cass. soc. 10 octobre 2000, n° 3707 FS-PB, Villena c/ Sté Selectimo.
Sur les deux moyens réunis :
Attendu que M. Villena, embauché en 1974 par la société La Hénin, aux droits de laquelle se trouve la société Selectimo, est devenu, en dernier lieu, fondé de pouvoir au sein du département Développement de la direction investissement (DDDI) ; que par lettre du 10 juin 1996 l'employeur l'a informé de son intention de le muter à la Direction gestion-département vie des immeubles (DDVI) avec effet à compter du 21 août 1996 ; que cette mutation a été confirmée par lettre du 14 août 1996 ; qu'il a été licencié le 30 août 1996 pour faute grave en raison de son refus d'occuper ses nouvelles fonctions ;
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt attaqué (Paris, 14 juin 1998) d'avoir dit que le licenciement reposait sur une faute grave, alors que, selon les moyens, premièrement, d'une part, la rupture résultant du refus par le salarié d'une modification de son contrat de travail, imposée par l'employeur pour un motif non inhérent (à sa personne) constitue un licenciement économique ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a omis de répondre aux conclusions d'appel faisant valoir que les termes de la lettre du 10 juin 1996 l'informaient que l'employeur ne pouvait plus le maintenir à son poste de " fondé de pouvoir " eu égard à la crise économique ; que faute par lui d'accepter une modification du contrat de travail dans le cadre d'une proposition de reclassement interne, le refus devait entraîner la mise en œuvre de la procédure de licenciement pour motif économique ; qu'ainsi, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
alors, d'autre part, et en tout état de cause que la cour d'appel qui a expressément relevé que la suppression du poste de " fondé de pouvoir " était justifiée par la crise économique et que son reclassement n'avait pas un caractère disciplinaire n'a pas tiré de ses propres constatations les conséquences qui s'imposaient en refusant de constater le caractère économique du licenciement ; que, par suite, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L 321-1 du Code du travail ;
alors que, deuxièmement, l'employeur ne peut, sans l'accord du salarié, modifier substantiellement le contrat individuel de travail ; qu'en l'espèce, il faisait valoir dans ses conclusions d'appel laissées sans réponse que le niveau de responsabilité des deux postes laissait apparaître de profondes différences ; que le nouveau poste proposé était totalement différent puisqu'il ne s'agissait plus que de vérification technique et de gestion d'immeubles, sans nécessiter de connaissances financières concernant les investissements ; que les budgets dont il était responsable au sein de la Direction investissement étaient sans commune mesure avec ceux dont il aurait dû assumer la responsabilité au sein de la Direction gestion du département vie des immeubles ; qu'en n'examinant pas ces conclusions d'appel propres à établir le caractère substantiel de la modification du contrat de travail, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que l'employeur, dans le cadre de son pouvoir de direction, peut changer les conditions de travail d'un salarié ; que la circonstance que la tâche donnée à un salarié soit différente de celle qu'il exécutait antérieurement, dès l'instant où elle correspond à sa qualification ne caractérise pas une modification du contrat de travail ; que la cour d'appel, qui a répondu aux conclusions et relevé que le changement de poste du salarié ne modifiait pas son degré de subordination à la direction générale, que sa rémunération, sa qualification de fondé de pouvoir et son niveau hiérarchique étaient conservés, a pu décider que le changement de département auquel était affecté le salarié constituait une simple modification de ses conditions de travail ; que le refus par un salarié d'un changement de ses conditions de travail, quel que soit le motif du changement, constitue une faute en sorte que le licenciement présentait un caractère disciplinaire ; que le moyen n'est pas fondé ;
Par ces motifs : Rejette le pourvoi.
1e espèce Cass. soc. 3 juin 2003 n° 1605 FP-PBRI, Suret c/ SA Coop Atlantique.
Attendu que Mme Suret a été engagée le 18 juin 1998 par la société Coop Atlantique en qualité de caissière à temps partiel " dans le magasin Stoc de Saint-Palais-sur-Mer " ; qu'elle a été licenciée le 29 mars 1999 pour avoir refusé une affectation au magasin de Royan, distant de 5 km ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale d'une demande fondée sur un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Attendu que la salariée reproche à l'arrêt attaqué (Poitiers, 12 décembre 2000) de dire que le contrat n'était pas modifié dès lors que la nouvelle affectation se trouvait dans le même secteur géographique et de rejeter sa demande alors, selon le moyen, que la précision d'une embauche définitive au magasin Stoc de Saint-Palais-sur-Mer s'imposait et n'autorisait aucun transfert ou mutation et qu'il y avait donc modification du contrat ;
Mais attendu que la mention du lieu de travail dans le contrat de travail a valeur d'information, à moins qu'il ne soit stipulé par une clause claire et précise que le salarié exécutera son travail exclusivement dans ce lieu ;
Et attendu qu'en l'absence d'une telle clause dans le contrat de Mme Suret, la cour d'appel a décidé à bon droit que le changement de localisation intervenu dans le même secteur géographique constituait un simple changement des conditions de travail et non une modification du contrat ; que le moyen n'est pas fondé ;
Par ces motifs : Rejette le pourvoi.
2e espèce Cass. soc. 3 juin 2003 n° 1606 FP-PBRI, SA Résoserv c/ Queniat.
Vu l'article 1134 du Code civil ensemble l'article L 121-1 du Code du travail ;
Attendu que la mention du lieu de travail dans le contrat de travail a valeur d'information à moins qu'il soit stipulé par une clause claire et précise que le salarié exécutera son travail exclusivement dans ce lieu ;
Attendu que Mme Queniat a été engagée le 16 février 1990 comme comptable par la société Alphadis, aux droits de laquelle se trouve la société DMP Computel, dénommée aujourd'hui Résoserv ; que son contrat mentionnait que ses fonctions s'exerceraient à Antony ; qu'ayant refusé d'aller travailler dans les nouveaux locaux de la société situés à Chaville, elle a été licenciée le 21 mai 1997 pour faute grave ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de paiement d'indemnités de rupture et d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Attendu que pour décider que l'employeur avait modifié le contrat de travail de la salariée, la cour d'appel a relevé que celle-ci rapportait la preuve que le lieu de travail était un élément déterminant de son contrat et qu'il importait peu que le changement se situe dans le même secteur géographique ;
Qu'en statuant ainsi, sans relever que le contrat stipulait que le travail s'exercerait exclusivement dans le lieu qu'il mentionnait, la cour d'appel a violé les textes susvisés;
Par ces motifs : Casse et annule, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 26 avril 2001, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris.
Cass. soc. 16 décembre 1998, n° 5429 P, Tisserand c/ Cuvillier
Vu l'article 1134 du Code civil ;
Attendu que M. Cuvillier a été engagé le 5 janvier 1987 par la société Tisserand en qualité de serrurier et affecté à la section des serruriers poseurs, appelé à se déplacer sur les chantiers avec un autre salarié pour y poser les matériels fabriqués par l'entreprise ; que le 20 juin 1994, il a appris la décision de son employeur de l'affecter à des travaux de fabrication dans son atelier de serrurerie de Ceaulmont et a reçu, par écrit, l'ordre de se présenter le lendemain dans cet atelier ; que, ne s'étant pas conformé à cet ordre, il a été licencié pour faute grave par une lettre du 30 juin 1994 invoquant son " refus de travailler " ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale ;
Attendu que, pour condamner la société Tisserand à payer à M. Cuvillier diverses sommes à titres de solde de salaire, d'indemnité de préavis, d'indemnité de congés payés sur préavis et d'indemnité de licenciement avec intérêts au taux légal à compter de la demande ainsi que des dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt énonce, après avoir écarté le caractère provisoire de l'affectation litigieuse, que, si les indemnités de grand déplacement perçues par le salarié sont en principe censées couvrir les frais par lui exposés, l'employeur ne peut ignorer qu'il fait en sorte de limiter les frais engagés au maximum pour en conserver le bénéfice d'une partie ; que l'affectation de M. Cuvillier domicilié à Palluau-sur-Indre à l'atelier de Ceaulmont situé à une distance de 66 km aurait eu pour conséquence de contraindre le salarié à exposer des frais de route quotidiens importants non pris en charge par l'employeur et constitutifs de sujétions professionnelles contribuant à aggraver l'atteinte portée à ses conditions de rémunération ; que, dès lors, le salarié, qui justifiait de l'existence d'une modification substantielle de ses conditions de travail, était fondé à refuser d'aller travailler à Ceaulmont sans encourir le grief de refus de travailler ;
Attendu, cependant, que si la rémunération contractuelle ne peut être modifiée sans l'accord du salarié, les indemnités de grand déplacement ne constituent pas, en principe, un élément de la rémunération contractuelle, mais un remboursement de frais, même s'il est avantageux pour le salarié, qui n'est pas dû lorsque le salarié n'a plus à effectuer de déplacements ;
Attendu, ensuite, que le fait d'affecter un salarié, qui travaillait sur des chantiers, à un atelier fixe, situé dans le même secteur géographique, n'entraîne pas modification du lieu de travail et constitue un simple changement des conditions de travail relevant du pouvoir de direction de l'employeur ; qu'en statuant comme elle l'a fait sans constater que le poste de travail auquel avait été affecté M. Cuvillier était situé dans un secteur géographique différent de celui où il travaillait précédemment, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé une modification du contrat de travail, a violé le texte susvisé ;
Par ces motifs : Casse et annule, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 novembre 1995, entre les parties, par la cour d'appel de Bourges ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Riom.
Cass. soc. 4 mai 1999, n° 1899 P, Hczyszyn c/ Sté Paul Jacottet
Vu les articles L 122-6, L 122-8 et L 122-9 du Code du travail ;
Attendu que M. Hczyszyn a été embauché par la société Paul Jacottet le 16 décembre 1968 en qualité de cadre comptable ; que, par lettre du 2 février 1993, la société, se référant à une note de service du 21 janvier 1993, l'a informé qu'en raison d'un transfert de ses bureaux de Versailles à Chartres, il devait se présenter à compter du 15 décembre 1993 dans les nouveaux bureaux ; qu'estimant que ce changement constituait une modification de son contrat de travail, M. Hczyszyn l'a refusé et a imputé à la société la rupture du contrat ; que, le 26 février 1993, la société a licencié le salarié pour faute grave ; que celui-ci a alors saisi le conseil de prud'hommes ;
Attendu que, pour décider que le licenciement était justifié par une faute grave, la cour d'appel énonce que le salarié, qui reconnaît que l'utilisation de son véhicule personnel n'aurait augmenté la durée du trajet quotidien que d'environ une demi-heure et qui ne justifie pas de l'utilisation pour le trajet Elancourt-Versailles de transports en commun, ne démontre pas que le changement intervenu soit constitutif, pour ce qui le concerne, d'une modification substantielle de son contrat de travail alors qu'en outre son statut de cadre, au salaire mensuel de 16 026 francs au moment de la rupture des relations contractuelles, lui permettait de prendre des dispositions susceptibles d'atténuer sensiblement les effets de ce changement ;
Attendu, cependant, que le changement du lieu de travail doit être apprécié de manière objective ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher si le lieu de travail auquel était affecté M. Hczyszyn était situé dans un secteur géographique différent de celui où il travaillait précédemment et si, dès lors, le déménagement constituait une modification du contrat de travail, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Par ces motifs : Casse et annule, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 décembre 1996, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris.
Cass. soc. 22 janvier 2003 n° 177 FP-PBRI, Société Travaux hydrauliques et bâtiments (THB) c/ Tavarès.
Vu les articles L 122-14-3 du Code du travail et 1134 du Code civil ;
Attendu que M. Tavarès a été embauché par la société Travaux hydrauliques et bâtiments à compter du 22 février 1982 en qualité de chef de chantier ; que son contrat à durée indéterminée ne comportait aucune mention du lieu de travail ni aucune clause de mobilité ; que le salarié a été promu chef de chantier principal puis maître compagnon, ayant le statut de cadre ; qu'ayant refusé de se rendre, pour une durée de deux mois, sur un chantier éloigné de la région toulousaine où il travaillait habituellement, il a été licencié pour faute grave par lettre du 22 septembre 1997 ; que contestant cette mesure, il a saisi le conseil de prud'hommes pour obtenir le paiement de diverses sommes au titre de la rupture du contrat de travail ;
Attendu que pour dire que le licenciement ne reposait ni sur une faute grave ni sur une cause réelle et sérieuse et condamner l'employeur à payer au salarié différentes sommes au titre de la rupture du contrat de travail, la cour d'appel, après avoir rappelé que son contrat ne comportait pas de clause de mobilité et que, depuis une dizaine d'années, son secteur d'activité était la région proche de Toulouse, retient que son affectation sur un chantier situé à plus de 300 kilomètres de cette ville constituait pour l'intéressé un changement de secteur géographique et par là même une modification de son contrat de travail nécessitant son consentement ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le déplacement occasionnel imposé à un salarié en dehors du secteur géographique où il travaille habituellement ne constitue pas une modification de son contrat de travail dès lors que la mission est justifiée par l'intérêt de l'entreprise et que la spécificité des fonctions exercées par le salarié implique de sa part une certaine mobilité géographique, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du premier moyen et sur le second moyen : Casse et annule, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 mai 2000, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux.
Cass. soc. 12 juillet 1999, n° 3543 PB, Brisson c/ Sté SGI Surveillance
Vu les articles L 122-4, L 122-14-3 et L 321-1-2 du Code du travail ;
Attendu que selon ce dernier texte : " Lorsque l'employeur, pour l'un des motifs énoncés à l'article L 321-1, envisage une modification substantielle des contrats de travail, il en informe chaque salarié par lettre recommandée avec accusé de réception. La lettre de notification informe le salarié qu'il dispose d'un mois à compter de sa réception pour faire connaître son refus. À défaut de réponse dans le délai d'un mois, le salarié est réputé avoir accepté la modification proposée " ; qu'il en résulte qu'en notifiant une telle proposition, l'employeur reconnaît qu'elle a pour objet de modifier le contrat de travail ;
Attendu que M. Brisson, au service de la société SGI France Nord depuis le 23 février 1990, a refusé le 24 février 1995 la modification de son contrat de travail proposée le 15 février 1995 par l'employeur, consistant en une réduction de la durée du travail et un changement de lieu de travail ; que, le 1er mars 1995, il s'est présenté sur son lieu de travail et a fait constater par huissier que l'employeur refusait de lui fournir du travail ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale le 9 mars 1995 d'une demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'il a été licencié, le 27 mars 1995, pour motif économique ;
Attendu que, pour débouter le salarié de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt attaqué énonce que seule la réduction du temps de travail proposée le 15 février 1995 constituait une modification du contrat mais non le changement du lieu de travail, de sorte que si l'employeur était tenu de fournir au salarié un travail à temps plein pendant le délai légal de réflexion d'un mois, M. Brisson, lui, ne pouvait prétendre se maintenir sur le même lieu de travail pendant ce délai et qu'il n'existait à la date du 1er mars 1995, aucun manquement de l'employeur de nature à caractériser une rupture du contrat de travail, qui lui aurait été imputable ;
Qu'en statuant ainsi alors, d'une part, qu'elle ne pouvait, en l'état de la proposition faite par l'employeur conformément à l'article L 321-1-2 du Code du travail, dénier l'existence de la modification du contrat de travail, et alors, d'autre part, que l'employeur ayant licencié le salarié, il lui appartenait de se prononcer sur la cause du licenciement, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Par ces motifs : Casse et annule dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 novembre 1996, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux.
Cass. soc. 13 avril 1999, n° 1754 PB, Société Panzani William Saurin c/ Guichard
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 5 mars 1997), que les sociétés William Saurin et Panzani ont décidé en 1995 de fusionner ; que la société William Saurin a établi un plan social prévoyant la suppression de 81 postes, dont celui de M. Guichard ; que, le 24 août 1995, la société a informé M. Guichard que son contrat de travail se poursuivrait à compter du 1er janvier 1996 au siège de la nouvelle société à Lyon ; que, M. Guichard ayant écrit à son employeur, le 20 décembre 1995, qu'il avait décidé de ne pas accepter sa mutation à Lyon, il a été licencié pour motif économique le 22 décembre 1995 ; qu'il a été embauché à effet du 1er janvier 1996 à un salaire sensiblement inférieur à celui qu'il percevait au sein de la société William Saurin ;
Attendu que la société Panzani William Saurin fait grief à l'arrêt de lui avoir ordonné de verser au salarié une somme à titre d'indemnité différentielle de salaire prévue par le plan social alors, selon le moyen, que le salarié qui ne répond pas dans le délai d'un mois à la proposition de modification substantielle de son contrat de travail pour motif économique qui lui est faite par son employeur est réputé avoir accepté la modification proposée ; qu'en retenant, pour condamner l'employeur à verser la somme de 520 000 francs au salarié, que la date limite de refus ou d'acceptation de la mutation proposée à M. Guichard n'était assortie d'aucune sanction, la cour d'appel a violé l'article L 321-1-2 du Code du travail ; alors que la clause du plan social accordant aux salariés mutés une période d'adaptation de 6 mois leur permettait seulement de rompre leur contrat pendant cette période sans que la rupture leur soit imputable ; que les salariés mettant en œuvre cette clause ne bénéficiaient pas des autres dispositions du plan social ; qu'en retenant, pour condamner l'employeur à verser l'indemnité différentielle de salaire prévue par les autres dispositions du plan social, que les salariés mutés pouvaient pendant 6 mois après leur mutation exercer un droit de repentir et bénéficier des autres dispositions du plan social, la cour d'appel a dénaturé le plan social et ainsi violé l'article 1134 du Code civil ; alors que les salariés ayant refusé leur mutation à Lyon et ayant été reclassés à l'extérieur ne pouvaient bénéficier de l'indemnité différentielle de salaire accordée par le plan social en cas de différence entre leur nouveau et leur ancien salaire qu'à la condition qu'aucune solution de reclassement interne n'ait pu être trouvée ; qu'en retenant qu'aux termes du plan social, l'indemnité différentielle de salaire était due dès lors que l'emploi du salarié était supprimé et que la rémunération du nouvel emploi était inférieure, quand l'octroi de cette indemnité supposait que le salarié n'ait pas refusé par avance toute proposition de reclassement interne, la cour d'appel a dénaturé le plan social et ainsi violé l'article 1134 ; alors que si l'indemnité différentielle de salaire devait être versée en fin de période d'essai, elle ne présentait pas pour autant un caractère forfaitaire ; que cette indemnité était expressément destinée à compenser la différence entre l'ancien et le nouveau salaire pendant une durée de 24 mois, de sorte que la somme versée à ce titre devait correspondre précisément à la disparité entre l'ancien et le nouveau salaire pendant la période concernée ; qu'en refusant de tenir compte, pour condamner l'employeur à verser au salarié la somme de 520 000 francs à titre d'indemnité différentielle, de l'augmentation de la rémunération du salarié dans son nouvel emploi au cours de la période concernée, la cour d'appel a dénaturé le plan social et ainsi violé l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu, d'abord, que la proposition de modification du contrat de travail faite à un salarié dans l'exécution par l'employeur de son obligation de reclassement n'est pas soumise aux dispositions de l'article L 321-1-2 du Code du travail ; que par ce motif de droit la décision attaquée n'encourt pas le premier grief du moyen ;
Et attendu, ensuite, que la cour d'appel a pu décider, d'une part, que le bénéfice de l'indemnité différentielle de salaire pour les salariés reclassés à l'extérieur de l'entreprise n'était pas subordonné à une tentative préalable de reclassement interne, d'autre part, que l'indemnité différentielle de salaire avait un caractère forfaitaire ;
Que les moyens ne sont pas fondés ;
Par ces motifs : Rejette le pourvoi.
Cass. soc. 4 février 1993, n° 586 PF, Bel Hadj c/ Sté des laboratoires Nicholas
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'employé par la société des Laboratoires Nicholas, M. Bel Hadj a été sanctionné, le 4 septembre 1985, par cinq jours de mise à pied pour avoir, le 24 juillet 1985, refusé d'effectuer un travail commandé par son chef d'équipe et avoir menacé celui-ci ; que cette sanction a été annulée par jugement du 10 février 1986 ; que la société, après s'être désistée de son appel formé contre ce jugement, a notifié, le 5 mars 1986, au salarié, pour le même motif, une mise à pied de deux jours ;
Sur le premier moyen :
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de l'avoir débouté de sa demande d'annulation de cette sanction, alors, selon le moyen, que la cour d'appel n'a pas répondu aux conclusions du salarié faisant valoir, d'une part, que la prescription de deux mois, prévue par l'article L 122-44 du Code du travail, ne pouvait être suspendue par la première procédure prud'homale ayant donné lieu au jugement du 10 février 1986, mais par la seule cause, qui est l'engagement des poursuites pénales, indiquée par l'article L 122-44 du Code du travail, disposition d'ordre public et d'interprétation limitative ; d'autre part, que plus de deux mois s'étaient écoulés entre les faits litigieux du 24 juillet 1985, la prise de la première sanction plus d'un mois après, le 4 septembre 1985, et le jugement du 10 février 1986 et la seconde sanction intervenue le 5 mars 1986 ; qu'en admettant même que la procédure prud'homale ait suspendu le cours de la prescription, celle-ci était définitivement acquise le 5 mars 1986 ; que la cour d'appel a ainsi violé l'article L 122-44 du Code du travail ;
Mais attendu qu'aux termes de l'article L 122-44 du Code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu, dans le même délai, à l'exercice de poursuites pénales ; que le conseil de prud'hommes, qui a fait ressortir que les poursuites disciplinaires ayant donné lieu à la sanction annulée avaient été engagées dans ce délai, a légalement justifié sa décision ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que le salarié fait encore grief à la cour d'appel d'avoir statué comme elle l'a fait, alors, selon le moyen, d'une part, que l'entretien préalable fixé par la convocation le 25 février 1986, s'est déroulé le 4 mars, de sorte que le délai d'un jour franc prévu par l'article L 122-41 du Code du travail n'a pas été respecté ; alors, d'autre part, que la cour d'appel ne pouvait décider que la première sanction annulée laissait subsister la procédure disciplinaire antérieure ; qu'en admettant que l'entretien préalable du 28 août 1985 ait pu subsister, malgré l'annulation par le jugement du 10 février 1986, la seconde sanction a été prononcée plus d'un mois après l'entretien préalable du 28 août 1985 ; alors, enfin, que la cour d'appel ne pouvait qualifier de superfétatoire l'entretien du 4 mars 1986, et ce d'autant plus que cet entretien et le délai de réflexion de l'employeur étaient substantiels dans la mesure où des éléments nouveaux étaient intervenus, ayant entraîné, ainsi que le faisait valoir le salarié dans ses écritures, le licenciement du chef d'équipe à la fin du mois de mai 1986 ; que la prise en considération des explications du salarié était de nature à infléchir la position de l'employeur ; qu'en décidant que l'irrégularité de forme n'était pas de nature à permettre l'annulation de la sanction, au motif que le jugement ayant annulé la première sanction pour disproportion, l'entretien était superfétatoire, la cour d'appel a violé les dispositions des articles L 122-41 et L 122-43 du Code du travail ;
Mais attendu, d'une part, que la cour d'appel a exactement décidé que l'annulation de la sanction pour disproportion à la faute commise avait laissé subsister la procédure antérieure ; que le moyen n'est pas fondé ;
Attendu, d'autre part, que le conseil de prud'hommes a fait ressortir que la seconde sanction avait été notifiée dans le mois de la notification de la décision d'annulation de la précédente sanction ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Mais sur le troisième moyen :
Vu l'article 1351 du Code civil ;
Attendu que, pour statuer comme elle l'a fait, la cour d'appel a énoncé que les faits ayant motivé la sanction étaient contestés par le salarié ; que, cependant, M. Bel Hadj, qui ne s'est pas pourvu contre le jugement du conseil de prud'hommes du 10 février 1986 annulant pour disproportion la sanction de mise à pied de cinq jours qui lui avait été infligée le 4 septembre 1985, n'est pas fondé à remettre en cause la réalité de la faute qui lui est reprochée, laquelle a été retenue par la décision définitive ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'autorité de chose jugée s'attache au seul dispositif d'un jugement, et que le jugement du 10 février 1986 s'est borné à annuler la décision, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Par ces motifs : Casse et annule, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 mars 1988, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble.
Cass. soc. 18 janvier 1995, n° 330 PBBS, Hammadi c/ Sté Sogaral
Sur le moyen unique :
Vu l'article L 122-44 du Code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le salarié, responsable de l'équipe de préparation des véhicules à la société Sogaral, a, par lettre du 27 mars 1987 qui lui reprochait un certain nombre de faits, été rétrogradé au poste de simple préparation de véhicules avec perte de la prime de responsabilité ; que, saisi d'un recours du salarié, le conseil de prud'hommes, par jugement du 7 décembre 1987, a annulé la sanction pour irrégularité de forme en raison de l'absence d'entretien préalable ; que le 27 janvier 1988, l'employeur a convoqué le salarié à un entretien préalable fixé le 29 suivant, et, le 4 février 1988, lui a notifié sa rétrogradation au poste de préparateur avec perte de la prime de responsabilité à compter du 4 février 1988 ;
Attendu que, pour déclarer régulière la sanction disciplinaire prononcée le 4 février 1988 et débouter le salarié de sa demande de dommages-intérêts représentant la perte de la prime mensuelle supprimée du fait de sa rétrogradation, la cour d'appel a énoncé qu'il ressort de l'interprétation littérale des dispositions de l'article L 122-44 du Code du travail que la courte prescription opposable à l'employeur s'oppose à l'" engagement de poursuites disciplinaires " et qu'au contraire, c'est la manifestation formelle et écrite par l'employeur de relever le fait fautif et d'en tirer des conséquences contractuelles qui constitue l'engagement de poursuites disciplinaires et interrompt la prescription ; que, si la décision du 27 mars 1987 a été annulée pour vice de forme, cette annulation ne peut porter que sur les conséquences de la décision de l'employeur concernant l'exécution du contrat de travail du salarié, mais ne saurait faire disparaître la manifestation de volonté de la société Sogaral exprimée le 27 mars 1987 de relever des faits fautifs et d'engager des poursuites ; qu'il s'en déduit que l'employeur ne saurait se voir opposer une nouvelle prescription alors que la décision du 7 décembre 1987 n'avait pour effet que de remettre les parties dans l'état où elles se trouvaient antérieurement et que la société avait engagé le 27 mars 1987 les poursuites disciplinaires dans le délai prévu par la loi ;
Attendu, cependant, qu'aucun acte d'engagement des poursuites n'ayant précédé la sanction du 27 mars 1987, laquelle a été annulée, faute d'entretien préalable, et qui ne peut produire aucun effet, le délai prévu par l'article L 122-44 du Code du travail n'a pas été interrompu ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Par ces motifs : Casse et annule, mais seulement en ce qu'il a déclaré régulière la sanction disciplinaire du 4 février 1988, et a débouté le salarié de ses demandes d'indemnisation, l'arrêt rendu le 1er février 1990, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble.
Cass. soc. 29 octobre 1996, n° 4133 PF, Sté Delzongle c/ Ponsolle
Attendu que, selon l'ordonnance de référé attaquée (conseil de prud'hommes de Toulouse, 26 juin 1992), Mme Ponsolle a été embauchée le 6 novembre 1990 par la société Delzongle en qualité de secrétaire administrative, puis le 6 mars 1991, en qualité de secrétaire de direction moyennant un salaire brut mensuel de 8 000 francs ; que, faisant valoir que son salaire mensuel était calculé sur une durée supérieure à la durée légale de travail et qu'il était en outre inférieur à celui d'autres secrétaires effectuant un travail comparable au sien, elle a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en paiement d'heures supplémentaires et d'un rappel de salaires ;
Sur la fin de non-recevoir soulevée par la défense :
Attendu que Mme Ponsolle conclut à titre principal à l'irrecevabilité du pourvoi formé par la société Delzongle au motif que la déclaration de pourvoi faite par le président directeur général de la société n'était pas accompagnée du pouvoir spécial qui lui aurait été donné à l'effet de former le pourvoi ;
Mais attendu, qu'agissant non en qualité de mandataire de la société mais comme son représentant légal, le président directeur général n'avait pas à produire de pouvoir spécial ;
Qu'il s'ensuit que le pourvoi est recevable ; (...)
Sur le second moyen :
Attendu que la société Delzongle reproche encore au conseil de prud'hommes de l'avoir condamnée à payer à Mme Ponsolle un rappel de salaire sur le fondement de l'article L 140-2 du Code du travail, alors, selon le moyen, que le principe d'égalité de rémunération posé par cet article s'applique entre les hommes et les femmes et qu'en la condamnant au paiement d'un rappel de salaire pour une rémunération différente entre femmes, le conseil de prud'hommes en a fait une fausse application ;
Mais attendu que le conseil de prud'hommes a exactement rappelé que la règle de l'égalité de rémunération entre les hommes et les femmes était une application de la règle plus générale " à travail égal, salaire égal " énoncée par les articles L 133-5, 4o et L 136-2, 8o du Code du travail ; qu'il s'en déduit que l'employeur est tenu d'assurer l'égalité de rémunération entre tous les salariés de l'un ou l'autre sexe, pour autant que les salariés en cause sont placés dans une situation identique ;
Et attendu qu'ayant relevé que la salariée accomplissait, avec un coefficient salarial identique et une qualification supérieure, le même travail qu'une autre salariée et percevait une rémunération moindre, et que l'employeur se bornait, pour justifier cette situation, à alléguer la différence d'ancienneté entre les salariées, le conseil de prud'hommes, qui a constaté que l'ancienneté respective des salariées était prise en compte par une prime d'ancienneté distincte du salaire de base, a légalement justifié sa décision ;
Par ces motifs : Rejette le pourvoi.
Cass. soc. 18 janvier 2000, n° 293 P, Sté Renault France automobiles c/ Fleury et autres
Attendu qu'à la suite d'un concours, dit " challenge après vente ", organisé au cours de l'année 1996 par la société Renault et à l'issue duquel les salariés des deux équipes gagnantes ont reçu des lots sous forme de bons d'achat dans une grande surface, M. Fleury et huit autres salariés de la société ont saisi la juridiction prud'homale de demande en rappel de salaires correspondant au montant des gains perçus par les salariés de l'équipe gagnante ;
Attendu que l'employeur fait grief aux jugements attaqués (conseil de prud'hommes de Mantes-la-Jolie, 15 juin 1998) de l'avoir condamné à payer aux salariés une somme à titre de " rappel de salaire année 1996, majorée des intérêts de retard à compter du 14 mai 1997 ", alors, selon le moyen, d'une part, que les règles visées par l'article L 148-1 du Code du travail, selon lequel il est interdit à l'employeur d'annexer à son établissement un économat destiné à la vente, directe ou indirecte, aux salariés et à leurs familles de denrées ou marchandises de quelque nature que ce soit ou d'imposer à ses salariés l'obligation de dépenser tout ou partie de leur salaire dans des magasins désignés par lui, ont pour but d'interdire la dation en paiement, c'est-à-dire la remise d'objets ou de marchandises pour payer un salaire stipulé en argent ; que dès lors, en se bornant à déclarer que l'attribution de chèques Auchan contrevenait aux dispositions de l'article L 148-1 du Code du travail, sans rechercher si le caractère bénévole de cet avantage, qui n'a donc pas le caractère de salaire ou de complément de salaire, n'excluait pas l'application de cette règle, le conseil de prud'hommes n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article susvisé ; d'autre part, qu'en affirmant que les critères retenus pour le " challenge " n'avaient pas été préalablement définis de manière objective sans rechercher s'il ne résultait pas des déclarations de M. Thomas, chef des services techniques, lors de l'enquête du 11 mars 1998, la mise en place de critères objectifs dont les résultats étaient contrôlés par les chefs d'équipe ou un service extérieur, pour la qualité et l'accueil client, le conseil de prud'hommes a entaché sa décision d'un manque de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil ; enfin, qu'en affirmant que le système retenu avait rendu impossible une vérification par les salariés non-attributaires, sans répondre aux conclusions de la société Renault France automobiles selon lesquelles les salariés, qui n'avaient jamais contesté l'objectivité des résultats, n'avaient à aucun moment demandé un contrôle des résultats et des points distribués, le conseil de prud'hommes a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que si l'employeur peut accorder des avantages particuliers à certains salariés, c'est à la condition que tous les salariés de l'entreprise placés dans une situation identique puissent bénéficier de l'avantage ainsi accordé, et que les règles déterminant l'octroi de cet avantage soient préalablement définies et contrôlables ;
Et attendu que le conseil de prud'hommes a constaté que les critères retenus par l'employeur dans l'organisation du concours donnant lieu à l'attribution aux équipes gagnantes de lots sous forme de bons d'achat, n'avaient pas été préalablement définis selon des normes objectives, ce qui rendait impossible une vérification par les salariés non-attributaires ; qu'il a, par ces seuls motifs, abstraction faite du motif surabondant critiqué par la première branche du moyen, légalement justifié sa décision ; que le moyen, qui se borne à remettre en cause dans ses autres branches les éléments de fait et de preuve constatés par les juges du fond, ne saurait être accueilli ;
Par ces motifs : Rejette les pourvois.
Cass. Soc. 18 avril 2000, n° 97/43.743 P, Gastinger c/SGEM et autres
(Extraits) Attendu que M. Gastinger a été engagé, à compter du 1er janvier 1987, par la Société générale d’éditions (SGE) en vertu d’un contrat de travail stipulant qu’il était " chargé, en qualité de représentant exclusif, de la prospection et de la vente d’annonces publicitaires destinées au journal hebdomadaire " Le Marin ", édité par la Société d’éditions Ouest-France " qui, elle-même " a mandaté la SGE pour ce faire " ; que la SGE, devenue la Société générale d’éditions maritimes (SGEM), a été reprise par la Société générale et de régie (SGER) ; que M. Gastinger a été licencié le 4 octobre 1990 par la société SGEM ; que M. Gastinger a engagé une instance contre la Société générale d’éditions maritimes (SGEM), la Société d’éditions et de régie (SGER), la Société d’éditions Ouest-France et la Société Editmar pour, notamment, obtenir leur condamnation solidaire au paiement d’un rappel d’indemnité de congés payés et de commissions ainsi que d’une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Vu l’article L.122.14.4. du Code du travail ;
Attendu que pour débouter M. Gastinger de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l’arrêt énonce que les objectifs étaient contractuels ; que, pour l’année 1987, le contrat de travail prévoit expressément un objectif de chiffre d’affaires de 1 500 000 F et, pour les années postérieures, il stipule que l’objectif " sera réétudié chaque année en tenant compte du plan de développement du journal qui a été établi pour les quatre années suivantes : 1987, 1988, 1989 et 1990, et qui est accepté par les membres du service de publicité et par M. Gastinger " ; que M. Gastinger a accepté, dans son contrat, de se voir fixer annuellement des objectifs qu’il n’établit pas avoir contestés notamment pour leur irréalisme ; qu’il est démontré que ces objectifs n’ont pas été atteints, alors, au contraire, que les résultats enregistrés étaient en diminution sévère pour les huit premiers mois de l’année 1990 sans que M. Gastinger n’établisse la réalité d’éléments extérieurs qu’il invoque comme susceptibles de justifier la situation reprochée ;
Qu’en statuant ainsi, alors qu’elle a constaté que, d’une part, la fixation des objectifs devait résulter d’un accord des parties et que, d’autre part, les objectifs avaient été fixés unilatéralement par l’employeur, ce dont il résultait que l’absence de leur réalisation, reprochée au salarié, ne constituait pas un motif de licenciement, la Cour d’appel a violé le texte susvisé ;
Cass. soc. 14 novembre 2000, n° 4727 FS-PB, Ders c/ Sté Affichage Giraudy.
Vu l'article 122-14-3 du Code du travail ;
Attendu que Mme Ders a été engagée, le 1er octobre 1985, par la société Affichage Giraudy, en qualité d'attachée technico-commerciale ; qu'un avenant contractuel, intervenu le 1er octobre 1988, a prévu que la non-réalisation d'un ou de plusieurs objectifs, à concurrence de 20 % de l'objectif annuel sur chaque trimestre et pendant deux trimestres consécutifs, pourrait être considérée par la société comme un motif de rupture du contrat de travail ; que Mme Ders a été licenciée le 4 juillet 1994, motif pris, notamment, de la non-atteinte, pendant deux trimestres consécutifs, des objectifs ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale d'une demande tendant au paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Attendu que, pour infirmer le jugement du conseil de prud'hommes et rejeter la demande de la salariée, la cour d'appel a énoncé que les objectifs sur le chiffre d'affaires local facturé n'ayant pas été atteints et les conditions de la rupture étant remplies, les premiers juges ne pouvaient qu'en tirer les conséquences juridiques en validant le licenciement qui reposait sur une cause réelle et sérieuse ;
Attendu, cependant, qu'aucune clause du contrat de travail ne peut valablement décider qu'une circonstance quelconque constituera une cause de licenciement ; qu'il appartient au juge d'apprécier, dans le cadre des pouvoirs qu'il tient de l'article L 122-14-3 du Code du travail, si les faits invoqués par l'employeur dans la lettre de licenciement peuvent caractériser une cause réelle et sérieuse de licenciement ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors qu'il lui appartenait d'apprécier, d'une part, si les objectifs, fussent-ils définis au contrat, étaient réalistes, d'autre part, si la salariée était en faute de ne pas les avoir atteints, la cour d'appel, qui a méconnu ses pouvoirs, a violé le texte susvisé ;
Par ces motifs : Casse et annule dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 mars 1998, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes.
Cass. soc. 20 avril 2005 n° 1057 FS-PBRI, Dobel c/ Sté Honeywell Garett.
Vu les articles L 122-42 et L 144-1 du Code du travail ;
Attendu que M. Dobel, engagé en juin 1996 par la société Garrett, s'est vu remettre le 1er janvier 1998 un badge neuf lui permettant d'accéder au site de travail et a fait savoir à son employeur que son badge était détérioré ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale aux fins d'obtenir le remboursement de la somme retenue sur son salaire et correspondant au coût du renouvellement du badge ; Attendu que pour rejeter cette demande, le conseil de prud'hommes, après avoir énoncé que l'article L 144-1 du Code du travail permet une compensation sur les salaires dus pour fournitures diverses, a considéré que le badge est un outil nécessaire au travail et qu'en conséquence les directives données par la direction en ce qui concerne le coût du renouvellement d'un badge détérioré doivent être appliquées ;
Attendu, cependant, que la responsabilité pécuniaire d'un salarié à l'égard de son employeur ne peut résulter que de sa faute lourde, même en ce qui concerne le droit à compensation prévu à l'article L 144-1 du Code du travail ; d'où il suit qu'en statuant comme il l'a fait, le conseil de prud'hommes a violé le texte susvisé ;
Par ces motifs et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
Casse et annule dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 14 octobre 2002, entre les parties, par le conseil de prud'hommes d'Epinal ;
Cass. soc. 18 mars 2003 n° 843 F-D, Union mutuelle solidarité c/ Clain. Vu les articles L 122-6, L 122-8, L 122-9, L 122-14-2 et L 122-14-3 du Code du travail ;
Attendu que pour dire le licenciement de Mme Clain dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamner l'UMS à lui verser diverses indemnités à ce titre, la cour d'appel énonce que la non-communication du mot de passe informatique à M. Delaunay ne saurait être sérieusement reprochée à une salariée se trouvant en arrêt maladie justifié, et qui ne pouvait se trouver la seule détentrice de ce mot de passe ;
Attendu cependant, que si le salarié n'est pas tenu de poursuivre une collaboration avec l'employeur durant la suspension de l'exécution du contrat de travail provoquée par la maladie ou l'accident l'obligation de loyauté subsiste durant cette période et le salarié n'est pas dispensé de communiquer à l'employeur qui en fait la demande les informations qui sont détenues par lui et qui sont nécessaires à la poursuite de l'activité de l'entreprise ;
D'où il suit qu'en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher si l'employeur avait effectivement la possibilité, sans recourir à la salariée, d'avoir communication du mot de passe informatique et si de ce fait, comme le soutenait l'employeur en demandant la confirmation du jugement, la salariée n'avait pas eu une volonté de bloquer le fonctionnement de l'entreprise, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les premier et deuxième moyens et les autres branches du troisième moyen : Casse et annule, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 novembre 2000, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis-de-la-Réunion ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis-de-la-Réunion, autrement composée.
Cour de Cassation (Chambre Sociale) 4 novembre 1988
La Cour, sur le moyen unique commun aux trois pourvois :
Attendu, selon les jugements attaqués (conseil de prud’hommes de Marseille, 20 mars 1986) et la procédure, que la Caisse d’épargne des Bouches-du-Rhône et de la Corse, à laquelle MM. Jais, Périssol et Paul avaient demandé un supplément de deux jours de congés payés en raison du fractionnement de leur congé annuel, a refusé de satisfaire à cette réclamation ; que les trois salariés ont saisi la juridiction prud’homale d’une demande tendant à l’attribution par la Caisse, des jours qu’ils prétendaient leur être dus ;
Attendu qu’il est fait grief au conseil de prud’hommes d’avoir fait droit à cette demande, alors, selon le moyen que lorsque l’employeur fait connaître aux salariés, par une note de service qu’il n’accordera des autorisations de départ fractionné à la demande des intéressés que s’ils renoncent au bénéfice des jours supplémentaires, et qu’un salarié forme une demande de congé fractionné postérieure à la note, il se forme entre eux une convention individuelle dérogeant aux dispositions de l’article L.223.8 du Code du travail relatives aux avantages accordés en cas de fractionnement des jours de congé ; qu’en outre, la commission paritaire nationale instituée par la loi du 26 mars 1937 relative au statut des Caisses d’épargne ordinaire, est un organisme professionnel qui ne peut émettre que des avis sans valeur réglementaire et n’a pas pouvoir de prononcer des décisions obligatoires, opposables au personnel des caisses ; que dès lors en statuant comme il l’a fait, le conseil des prud’hommes n’a pas légalement justifié au regard des articles L.223.8 du Code du travail et 11 du statut du personnel des caisses d’épargne susvisé ;
Mais attendu qu’il n’a pas été constaté par le conseil des prud’hommes, ni même soutenu devant lui, en l’absence de dispositions conventionnelles, que chacun des salariés concernés avait individuellement et expressément renoncé au bénéfice des jours de congé supplémentaires prévus en cas de fractionnement du congé annuel par l’article L.223.8 du Code du travail ; que la renonciation par le salarié à un droit qu’il tient de la loi ne se présumant pas, le moyen n’est pas fondé ;
Par ces motifs : Rejette les pourvois.
Cass. soc. 16 décembre 1998, n° 5438 PB, SCA Manufacture française des pneumatiques Michelin c/ Minchin
Attendu que M. Minchin, salarié de la société Manufacture française de pneumatiques Michelin, invoquant les dispositions de l'article 7 de l'avenant " ouvriers " à la convention collective nationale du caoutchouc prévoyant notamment le bénéfice d'une autorisation exceptionnelle d'une journée d'absence pour le mariage d'un enfant, a saisi la juridiction prud'homale de demandes en paiement d'une somme correspondant à la journée du vendredi 7 juillet 1995 prise en raison du mariage de sa fille célébré le samedi 8 juillet 1995, en restitution du congé annuel imposé unilatéralement ce jour-là par l'employeur, outre des dommages intérêts pour préjudice subi ;
Sur la première branche du moyen unique :
Attendu que l'employeur fait grief au jugement attaqué de l'avoir condamné à verser à M. Minchin une somme à titre d'indemnisation du 7 juillet 1995, à lui restituer le congé annuel imposé ce jour-là et à lui payer des sommes à titre de dommages intérêts et sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, alors, selon le moyen, que l'article 7 de l'avenant " ouvriers " de la Manufacture Michelin, prévoit qu'à l'occasion d'événements familiaux, sur justification, les ouvriers bénéficieront d'une autorisation d'absence payée, à savoir d'une journée en cas de mariage d'un enfant ; qu'en l'espèce, la fille de M. Minchin s'étant mariée le 8 juillet 1995 et M. Minchin s'étant absenté à ce titre le 7 juillet 1995 sans autorisation, viole les textes conventionnels précités le jugement attaqué qui considère que le salarié avait conventionnellement droit à cette journée d'absence et condamne la Manufacture Michelin à lui verser la somme de 364,48 francs à titre d'indemnisation de cette journée ainsi qu'à la restitution d'une journée de congé payé ;
Mais attendu que l'article L 226-1 du Code du travail dispose que tout salarié bénéficie, sur justification et à l'occasion de certains événements familiaux d'une autorisation exceptionnelle d'absence, notamment d'un jour pour le mariage d'un enfant et que ce jour d'absence n'entraîne pas de réduction de la rémunération ; que l'article 7 de l'avenant " ouvriers " à la convention collective nationale du caoutchouc n'est que la reprise sur ce point des dispositions légales ; qu'il en résulte que le jour d'autorisation d'absence ainsi accordé n'a pas à être nécessairement pris le jour de l'événement le justifiant ;
Et attendu que le conseil de prud'hommes qui a constaté que le salarié avait justifié du mariage de sa fille et qu'il avait pris ce congé la veille de cet événement, a exactement décidé que l'avenant en indiquant " événements " ne fixe pas dans le temps une date précise, mais fixe une période qui doit être raisonnable durant laquelle le jour chômé et rémunéré est accordé ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :
Vu l'article L 223-1 du Code du travail ;
Attendu que pour condamner l'employeur à payer au salarié une somme à titre d'indemnisation de la journée du vendredi 7 juillet 1995 et à restituer le congé annuel imposé ce jour-là, le conseil de prud'hommes a retenu le bien-fondé en son principe de la demande du salarié ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il avait constaté que la journée d'absence du 7 juillet 1995 avait été décomptée par l'employeur comme une journée de congés payés, et donc rémunérée à ce titre, ce dont il résultait que si le salarié était en droit d'obtenir la restitution du congé annuel imposé ce jour-là il ne pouvait prétendre à son indemnisation compte tenu du paiement déjà intervenu, le conseil de prud'hommes qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations a violé le texte susvisé ;
Et attendu qu'il y a lieu en application de l'article 627, alinéa 2 du Nouveau Code de procédure civile de mettre fin au litige en appliquant la règle de droit appropriée ;
Par ces motifs : Casse et annule, mais seulement en sa disposition ayant condamné l'employeur à verser au salarié la somme de 364,48 francs au titre de l'indemnisation du vendredi 7 juillet 1995, le jugement rendu le 30 avril 1996, entre les parties, par le conseil de prud'hommes de Clermont-Ferrand ;
Dit n'y avoir lieu à renvoi.
Cass. soc. 1er avril 2003 n° 1044 FS-D, Sté Cibomat c/ Bucchi.
Attendu que M. Buchi a été engagé à compter du 15 février 1973 en qualité de chef d'agence par la société Cibomat, négociant en matériaux de construction ; qu'il a pris un congé sabbatique de onze mois à compter du 6 décembre 1995 ; qu'il a exercé, durant la suspension de son contrat, les fonctions de gérant de la société Junger Bâtiment qui, en sa qualité d'entreprise de construction, avait comme fournisseur la société Cibomat ; qu'après avoir démissionné au terme de son congé, il a saisi le conseil de prud'hommes pour obtenir le paiement de la contrepartie financière à la clause de non-concurrence ; que faisant valoir que, pendant son congé sabbatique, M. Buchi avait violé son obligation de loyauté en rompant les relations commerciales qu'elle entretenait avec la société Junger Bâtiment, la société Cibomat a demandé à titre reconventionnel des dommages-intérêts en réparation de son préjudice ;
Attendu que la société Cibomat fait grief à l'arrêt attaqué (Colmar, 15 juin 2000) de l'avoir déboutée de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour violation de l'obligation de loyauté alors, selon le moyen :
1° qu'en ne recherchant pas si en rompant brutalement les relations contractuelles anciennes existant entre la société Point P (Cibomat) et l'entreprise Junger dont il était devenu gérant en 1996 et représentant un chiffre d'affaires important annuel de plus de 600 000 francs, M. Buchi n'avait pas manqué à son obligation de loyauté à laquelle il restait tenu envers son employeur pendant la durée de son congé sabbatique, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles 1134 du Code civil et L 122-32-17 du Code du travail ;
2° qu'en outre, dans ses conclusions en réplique, la société Cibomat avait démontré que loin de pratiquer des prix prohibitifs à l'encontre de l'entreprise Junger qui l'auraient incitée à rompre les relations contractuelles, elle lui avait au contraire accordé des escomptes à plusieurs reprises et des prix avantageux ; qu'en ne s'expliquant pas sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile;
Mais attendu qu'au cours du congé sabbatique, aucune interdiction d'avoir une activité salariée ne s'impose au bénéficiaire du congé, lequel demeure seulement tenu de respecter les obligations de loyauté et de non-concurrence à l'égard de son employeur ; qu'ayant constaté que les deux sociétés n'étaient pas en situation de concurrence et que la rupture de leurs relations commerciales ne présentait pas de caractère abusif, la cour d'appel, qui a procédé à la recherche prétendument omise et qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a pu décider que le salarié n'avait pas commis de manquement à son obligation de loyauté pendant la suspension de son contrat ; que le moyen n'est pas fondé ; Par ces motifs : Rejette le pourvoi.
Cass. soc. 16 mai 1990, Bazillet c/ Ets Rosa, n° 1985
Attendu, selon la procédure, que Mme Bazillet, salariée de l'entreprise Rosa depuis le 5 mai 1966, a été licenciée le 13 février 1986 pour faute lourde consistant en la falsification habituelle de ses fiches de contrôle et de production ;
Attendu que, pour décider que la salariée avait commis une faute lourde, l'arrêt attaqué a relevé qu'elle avait reconnu avoir sérieusement majoré les quantités déclarées " par peur de faire l'objet d'une sanction pour travail insuffisant de la part du chef de fabrication " ;
Qu'en statuant ainsi, sans relever l'intention de la salariée de nuire à l'employeur, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Par ces motifs : Casse et annule, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 février 1988, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Agen.
Cass. soc., 16 novembre 1999, n° 97-43.285 D, Sarl Gelso'Mi c/Domingues
Attendu que M. Domingues, salarié de la société Gelso'Mi depuis juillet 1992, a été licencié pour faute grave par lettre du 17 juin 1993Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt attaqué (Versailles, 25 février1997) d'avoir déclaré la faute grave non caractérisée et le licenciement non fondé et de l'avoir condamné à verser des indemnités, alors, selon le moyen, d'une part, que les motifs de la lettre de licenciement fixent les limites du litige et il appartient au juge prud'homal d'en contrôler le caractère réel et sérieux;
qu'en l'espèce, la lettre de licenciement reprochait à M. Domingues de n'avoir pas exécuté les instructions de se rendre à Rungis le 25 mai 1993, de n'avoir pas prévenu son employeur en cours de tournée, d'avoir refusé d'attendre auprès du client afin qu'il puisse informer l'employeur de la situation et d'être parti de chez le client en emportant les clefs du véhicule;
que la cour d'appel, qui s'est bornée à constater que M. Domingues n'avait pas effectué son chargement à Rungis et a affirmé qu'il n'est pas établi qu'il avait quitté le client en emportant abusivement les clefs du véhicule, n'a pas entièrement rempli son office et a, de ce fait, violé les articles L. 12214-1 et L. 122-14-3 du Code du travail; d'autre part, que toute décision doit être suffisamment motivée; qu'en l'espèce, l'analyse du disque contrôlographe concluait que, pour la journée du 25 mai 1993, " M. Domingues n'avait pas fait son temps de travail effectif à Rungis ";que la cour d'appel, qui a retenu que cela ne contredisait pas l'affirmation de M. Domingues selon laquelle il ne pouvait exécuter ce travail avec ses horaires et avec ceux d'ouverture du client de Rungis sans caractériser quels étaient ses horaires, à quel moment le refus avait eu lieu, ni quelle durée demandait ce travail, la cour d'appel, qui n'a pas vérifié les simples affirmations du salarié, n'a pas mis la Cour de Cassation en mesure d'exercer son contrôle, entachant son arrêt d'un manque de base légale au regard de l'article L. 122-14-3 du Code du travail; enfin, que lorsqu'elle ne recherche pas si le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse, une cour d'appel ne doit pas faire peser la charge de la preuve sur une partie en particulier;
qu'en l'espèce, la cour d'appel qui a reproché à l'employeur de n'avoir pas établi que M. Domingues avait abusivement emporté les clefs du véhicule, sans rechercher elle-même la réalité de ce motif, a violé l'article L. 122-14-3 du Code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel a retenu que le salarié n'avait pas commis de fautes, ne pouvant accomplir le travail demandé dans un temps compatible avec ses horaires et n'ayant pas emporté les clefs du camion; qu'elle a ainsi, sans encourir les griefs du moyen, légalement justifié sa décision; que le moyen n'est pas fondé.
Cass. soc. 22 juin 1983 1269 Herin c/ Brouette
Sur le moyen unique, pris de la violation des articles L 122-14-3 et L. 122-14-6 du Code du travail ;
Attendu que M. Henri Hérin, qui avait été engagé le 12 avril 1977, en qualité de manœuvre, par M. Gaston Brouette, artisan, et avait cessé le travail pour cause de maladie le 3 février 1978, a été licencié sans préavis, le 3 avril 1978 en raison de la nécessité de maintenir l'entreprise dans son état normal de fonctionnement ;
Attendu que M. Hérin fait grief à la Cour d'appel de l'avoir débouté de ses demandes de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'indemnité de préavis, alors que le caractère prolongé de l'absence, nécessitée par la maladie du salarié, n'était pas établie après deux mois d'interruption de travail consécutive à une intervention chirurgicale, et alors que l'employeur ne prouvait pas l'impossibilité de remplacer temporairement l'ouvrier malade ;
Mais attendu que la Cour d'appel, appréciant les éléments de fait, a relevé que l'employé avait dû cesser son travail pour cause de maladie, nécessitant une absence prolongée et rendant impossible tout travail même pendant la période de préavis ; que, compte tenu des dimensions modestes de l'entreprise, l'employeur artisan couvreur n'ayant que deux salariés à son service, avait été, eu égard aux délais impartis pour l'exécution des travaux, dans l'obligation absolue de procéder au remplacement effectif du salarié malade, qu'elle a ainsi justifié sa décision ;
Par ces motifs :
Rejette le pourvoi formé contre l'arrêt rendu le 22 mai 1980 par la Cour d'appel de Douai ;
Condamne le demandeur, envers le défendeur, aux dépens liquidés à la somme de..., en ce non compris le coût des significations du présent arrêt ;
Ainsi fait, jugé et prononcé par la Cour de cassation, Chambre sociale, en son audience publique du vingt-deux juin mille neuf cent quatre-vingt-trois.
Cass. soc. 4 juin 1998, n° 2747 PB, Manufacture française des pneumatiques Michelin c/ Driss et autres
Attendu que M. Driss, engagé le 21 mars 1977 en qualité d'agent spécialisé puis qualifié, par la manufacture française des pneumatiques Michelin, a été en arrêt de travail pour maladie à partir du 10 avril 1991, qu'il a été licencié le 28 juin 1993 pour absence prolongée ayant nécessité son remplacement définitif ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt attaqué (Riom, 13 novembre 1995) d'avoir réformé le jugement du conseil de prud'hommes de Clermont-Ferrand du 7 septembre 1994 et de l'avoir condamné à payer à M. Driss des sommes à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, et à l'ASSEDIC de la région Auvergne une somme correspondant au montant, plafonné à 6 mois, des prestations de base de l'allocation de chômage versée par cet organisme à M. Driss à la suite de son licenciement, alors, selon le moyen, d'une part, que l'article 21 de la convention collective nationale du caoutchouc dispose, sous le titre " maladie et accidents " : " Au cas cependant où elles (les absences) se prolongeraient ou se répéteraient, et notamment en cas de longue maladie reconnue par la sécurité sociale, le contrat de travail pourra être rompu si le remplacement effectif de l'intéressé a dû être effectué. Notification de ce remplacement devra alors être faite à l'intéressé par lettre recommandée avec accusé de réception et vaudra congédiement. Mais les employeurs s'engagent à ne procéder à un tel congédiement qu'en cas de nécessité et s'il n'a pas été possible de recourir à un remplacement provisoire " ; que viole ce texte l'arrêt attaqué qui considère que la manufacture française des pneumatiques Michelin l'aurait méconnu en remplaçant M. Driss par un salarié déjà membre du personnel, sans avoir " engagé une autre personne pour exercer les fonctions du salarié absent ", en ajoutant ainsi une condition que ledit texte ne comporte pas ; alors, d'autre part, que si l'article 21 de la convention collective nationale du caoutchouc dispose que la notification du remplacement du salarié absent doit être effectuée à l'intéressé par lettre recommandée avec accusé de réception, ce qui vaut congédiement, il était constant que, par lettre recommandée avec accusé de réception du 28 juin 1993, la société Michelin avait écrit à M. Driss : " Votre longue absence sans interruption depuis le 10 avril 1991 nous a mis dans l'obligation de vous remplacer dans le poste de travail. Lors de notre dernière rencontre le 17 juin 1993, vous nous avez déclaré être dans l'incapacité de reprendre votre travail. En conséquence, nous décidons de vous licencier ", ce qui correspondait exactement à la condition précitée de la convention collective ; qu'il s'ensuit que viole de nouveau ledit texte conventionnel l'arrêt attaqué qui considère que la société n'aurait pas respecté ladite condition de la convention collective pour la raison qu'il avait été au préalable (et prématurément) adressé au salarié un courrier en date du 2 mars 1992 lui annonçant son remplacement dans son poste, lettre qui n'avait eu aucune conséquence pratique, l'intéressé étant demeuré à l'effectif et ayant continué à percevoir les compléments de salaires qui lui étaient dus en vertu de la convention collective, ce qui n'était pas contesté ;
Mais attendu que la cour d'appel a exactement énoncé qu'en application de l'article 21 de la convention collective nationale du caoutchouc, la prolongation ou la répétition des absences pour maladie, et notamment le cas de longue maladie reconnue par la sécurité sociale, ne permet à l'employeur de rompre le contrat de travail que si s'impose le remplacement définitif du salarié malade ; qu'ayant constaté que le remplacement définitif auquel l'employeur prétendait avoir procédé n'avait entraîné l'embauche d'aucun nouveau salarié, la cour d'appel, abstraction faite d'un motif surabondant critiqué par la seconde branche du moyen, a pu en déduire que le contrat de travail avait été rompu en violation de l'article précité ; que le moyen n'est pas fondé ;
Par ces motifs : Rejette le pourvoi.
Cass. Soc. 14 Mai 1996 Roussel c./Outico :
(Extraits) Attendu selon l’arrêt attaqué, que M. Roussel a été engagé par la société Premeco le 13 juin 1988 ; qu’il est passé au service de la société Outico, filiale de la précédente, et a fait l’objet de plusieurs arrêts de travail pour maladie, le dernier se situant entre le 10 juin 1990 et une date postérieure au 4 octobre 1990, jour où l’employeur a pris acte de la rupture de son contrat de travail en se fondant sur l’article 16 de la convention collective ; que M. Roussel a alors réclamé à son employeur diverses sommes ;
(….)
Mais sur les premier et troisième moyens réunis :
Vu l'article L. 122-14-3 du Code du travail et l'article 16 de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie ;
Attendu qu'il résulte du second de ces textes qu'à l'issue de la période de maladie qui fait l'objet d'une indemnisation conformément à la convention collective le contrat de travail peut être rompu ; que cette rupture implique la nécessité du remplacement effectif du salarié ;
Attendu que pour décider que le contrat de travail de M. Roussel avait été valablement rompu au terme de la période d'indemnisation à plein tarif prévue par la convention collective et débouter le salarié de ses demandes de dommages-intérêts, la cour d'appel tout en rappelant la condition du remplacement effectif, énonce que cette condition est en l'espèce remplie puisqu'un autre salarié de l'entreprise a été affecté dans l'emploi occupé par M. Roussel ;
Qu'en statuant ainsi, sans rechercher, ainsi que l'y invitaient les conclusions de M. Roussel si l'employeur, tout en conservant la faculté de procéder à des mutations internes avait embauché un autre salarié, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des textes susvisés ;
Par ces motifs : Casse et annule l'arrêt rendu le 8 janvier 1993, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon; les renvoie devant la cour d'appel de Dijon.
Cass. soc. 7 octobre 1997, n° 3253 D, Ounanian c/ Compagnie régionale des commissaires aux comptes
(Extrait) Attendu que Mme Ounanian, engagée le 16 janvier 1989, par la Compagnie régionale des commissaires aux comptes, en qualité d'opératrice de saisie à mi-temps, a été licenciée pour faute grave le 14 novembre 1991 ;
Sur le second moyen :
Attendu que la salariée reproche à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la procédure de licenciement était régulière, alors que, selon le moyen, elle n'avait pu se rendre à l'entretien préalable et que l'employeur aurait dû la reconvoquer ;
Mais attendu que n'est pas irrégulier le licenciement d'un salarié qui n'a pu se rendre à l'entretien préalable pour cause de maladie, l'employeur n'étant pas tenu de faire droit à sa demande d'une nouvelle convocation ; que le moyen n'est pas fondé ;
(….)
Par ces motifs : Casse et annule, mais seulement en ce qu'il a débouté la salariée de ses demandes, à l'exception de celle relative à l'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement, l'arrêt rendu le 26 avril 1994, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles.
Cass. soc. 12 mars 1986 n° 378 P Deuff c/ Sté CIE
Sur les quatre moyens réunis, pris de la violation des articles L 122-14, L 122-14-3, R122-3 du Code du travail et 455 du Nouveau Code de procédure civile :
Attendu que Mlle Deuff, salariée licenciée par le Centre d'Informatique et d'Enseignement (CIE), fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir déboutée de ses demandes d'indemnités pour inobservation de la procédure de licenciement et pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, d'une part, que lors de l'entretien préalable au licenciement, l'employeur était assisté du conseiller juridique de l'entreprise, au mépris des dispositions de l'article L 122.14 qui n'accorde qu'au salarié le droit de se faire assister d'une personne de son choix et, alors d'autre part, l'employeur n'ayant pas fait connaître à la salariée, malgré sa demande écrite, les motifs de son licenciement, la cour d'appel aurait dû constater que les prescriptions d'ordre public de l'article L 122.14-3 du Code du travail n'avaient pas été respectées et faire application de la présomption irréfragable d'illégitimité du licenciement découlant de cette non-énonciation des motifs d'autant que la salariée avait fait valoir qu'elle ignorait la cause réelle de son licenciement et que l'absence de réponse de l'employeur justifiait à elle seule l'allocation de dommages et intérêts et alors, en outre, que la cour d'appel ne pouvait retenir, à l'appui de sa décision justifiant le licenciement, des faits remontant à l'année 1979 qui, Mlle Deuff étant alors salariée protégée, avaient été soumis à l'inspecteur du travail à l'occasion d'une première procédure de licenciement, que ce fonctionnaire avait refusé d'autoriser et que les juges d'appel auraient dû rechercher si, depuis le 3 janvier 1980, date de la décision administrative, la salariée avait commis des faits justifiant son licenciement, et alors enfin, que la cour d'appel qui a estimé le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, s'est contredite en retenant d'une part, que la salariée avait fait l'objet au cours du dernier trimestre 1979 d'une vigilance sévère compte-tenu de son activité syndicale et d'autre part, que le caractère répétitif des avertissements à elle infligés ne saurait être pris en compte ;
Mais attendu d'une part, qu'il n'a été ni établi ni même allégué que la personne ayant assisté l'employeur au cours de l'entretien préalable eut été étrangère à l'entreprise ni que sa présence eut fait grief aux intérêts de la salariée ; que la décision attaquée se trouve ainsi sur ce point légalement justifiée ; que, d'autre part, la cour d'appel, après avoir constaté, en appréciant la valeur probante et la portée des éléments qui lui étaient soumis, que la salariée avait eu connaissance des motifs de son licenciement avant sa demande de leur énonciation, a exactement décidé que la présomption découlant de l'article L 122-14-2 du Code du travail, ne pouvait recevoir application en l'espèce ; qu'enfin, après avoir relevé que la salariée avait manifesté à plusieurs reprises une insuffisance de rendement et commis des actes d'indiscipline, dont l'un était postérieur à la décision administrative ayant refusé d'autoriser la première mesure de licenciement, ce qui permettait à l'employeur de faire revivre les précédents griefs, la cour d'appel a de ces seuls motifs et abstraction faite de toute autre considération, déduit l'existence d'une cause réelle et sérieuse de licenciement ; que les moyens ne sauraient être accueillis ;
Par ces motifs : Rejette le pourvoi.
Cass. soc. 20 juin 1990, Petit c/ SA Nouveau Courrier de la presse, n° 2735 P, 4e moyen
Vu les articles L 122-41, L 122-43 et L 122-14 du Code du travail ;
Attendu que, pour débouter M. Petit de ses demandes d'annulation de la mise à pied de trois jours notifiée le 2 juillet 1985, de paiement d'un rappel de salaire correspondant à cette période et en paiement d'une indemnité pour inobservation de la procédure de licenciement, la cour d'appel, qui était saisie de conclusions du salarié soutenant que, lors de l'entretien préalable à ces mesures, l'employeur était assisté d'un conseiller étranger à l'entreprise, a énoncé qu'il n'était pas établi que la présence de ce tiers ait empêché un dialogue direct entre les parties ;
Qu'en statuant ainsi, alors que lors de l'entretien préalable, l'employeur ne peut se faire assister que par une personne appartenant au personnel de l'entreprise, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Par ces motifs (...) : Casse et annule, mais seulement en ce qu'il a débouté M. Petit de ses demandes d'annulation de la mise à pied, de paiement du rappel de salaire correspondant et en paiement d'une indemnité pour inobservation de la procédure de licenciement, l'arrêt rendu le 26 novembre 1986, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.
Cass. crim. 21 novembre 1989, Béchet, P. n° R 89-80-847-P-RA.
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article L 425-1, du Code du travail et de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Bechet coupable du délit d'entrave à la libre désignation des délégués du personnel, du fait du licenciement de Mlle Colin ;
" aux motifs que si l'article L 425-1 alinéa 8 prévoit que les salariés qui ont demandé l'organisation d'élections de délégués du personnel bénéficient de la protection pendant une durée de 6 mois qui court à compter de l'envoi à l'employeur de la lettre recommandée par laquelle une organisation syndicale a, la première, demandé ou accepté qu'il soit procédé à des élections, l'alinéa 9 dispose que " la procédure prévue à l'alinéa précédent ne peut s'appliquer qu'à un seul salarié non mandaté par une organisation syndicale " ; qu'il n'existe aucune obligation à ce que le salarié qui demande l'organisation des élections des délégués du personnel soit mandaté par une organisation syndicale ; qu'en l'espèce Mlle Colin était bien protégée ; que de plus l'employeur avait le 30 mai 1986 sollicité de l'autorité administrative l'autorisation de licencier Barbara Colin reconnaissant ainsi sa qualité de salariée protégée ;
" alors qu'il résulte de l'article L 425-1, alinéa 8 du Code du travail, que le délai de protection de 6 mois ne court qu'à compter de l'envoi par l'organisation syndicale à l'employeur d'une lettre recommandée demandant ou acceptant l'organisation d'élections dans l'entreprise ; qu'en l'espèce, il n'est pas contesté que la lettre du syndicat CFDT confirmant la demande de la salariée n'a été adressée au chef d'entreprise que le 23 juin 1986 ; qu'ainsi la salariée n'avait pu bénéficier de la protection avant cette date ; qu'en considérant néanmoins que Mlle Colin, licenciée à effet du 21 juin 1986, bénéficiait à cette date de la protection instituée en faveur du salarié non mandaté par une organisation syndicale ayant demandé l'organisation des élections, l'arrêt a violé par fausse application les textes susvisés ;
" alors que l'aveu ne peut porter sur un point de droit ; qu'en considérant néanmoins que la demande d'autorisation de licencie ment de Mlle Colin présentée par Béchet à l'inspecteur du travail valait de sa part reconnaissance de la qualité de salariée protégée, l'arrêt a violé les règles de la preuve " ;
Et sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles L 423-14, L 423-18, L 425-1 du Code du travail, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Béchet coupable du délit d'entrave à la libre désignation des délégués du personnel du fait du licenciement de Mlle Colin ;
" aux motifs que les lettres d'avertissement et de convocation à l'entretien préalable datées du 20 mai 1986 ont été adressées à Mlle Colin le 21 mai 1986 comme en fait foi le cachet de la poste ; qu'il est inconcevable qu'un employeur adresse à sa salariée une simple lettre d'avertissement ne faisant aucune allusion à l'engagement d'une autre procédure après avoir convoqué celle-ci à un entretien préalable en vue de son licenciement ; qu'il est raisonnable de penser que la lettre de convention a été dactylographiée et postée le 21 mai 1986 postérieurement à la réception de la lettre de Barbara Colin du 20 mai 1986 ; que l'analyse des circonstances et la chronologie des divers courriers démontrent que Béchet a eu connaissance de la candidature avant d'adresser sa lettre de convocation à l'entretien préalable ;
- 1° alors qu'il incombe aux organisations syndicales représentatives, qui ont le monopole de présentation des listes au premier tour de scrutin, de notifier à l'employeur le nom des candidats présentés par elles aux élections professionnelles ; qu'ainsi le simple fait pour un salarié de manifester à titre individuel son intention de se porter candidat ne saurait avoir pour effet de lui conférer la protection exceptionnelle réservée par le législateur aux seuls candidats dont la liste a été adressée à l'employeur par les organisations syndicales ; qu'en l'espèce Mlle Colin avait par lettre datée du 20 mai 1986 demandé à l'employeur d'organiser l'élection des délégués du personnel tout en l'informant de son intention de se porter candidat ; qu'en considérant que Béchet avait connaissance de la candidature de Mlle Colin lors de l'envoi à la même date de la convocation à l'entretien préalable au licenciement, quand la simple déclaration d'intention de la salariée ne pouvait lui conférer le bénéfice de la protection instituée en faveur des candidats aux élections de délégués du personnel, l'arrêt a violé les textes susvisés ;
- 2° alors que le demandeur avait fait valoir dans ses conclusions qu'il ne pouvait supposer que la candidature de Mlle Colin aux élections de délégués du personnel était imminente alors que les opérations de scrutin s'étaient clôturées par un procès-verbal de carence depuis à peine 4 jours ; qu'en s'abstenant de répondre à ce chef des conclusions susceptibles d'établir que la candidature de Mlle Colin en date du 20 mai 1986 était totalement imprévisible pour l'employeur à la date où elle est intervenue, l'arrêt n'a pas motivé sa décision " ;
Les moyens étant réunis ;
Vu lesdits articles ;
Attendu, d'une part, qu'il résulte des alinéas 8 et 9 de l'article L 425-1 du Code du travail que le délai de protection de six mois accordé au salarié, non mandaté par une organisation syndicale, qui a, le premier, demandé l'organisation d'élections de délégués du personnel, ne court qu'à compter de l'envoi à l'employeur de la lettre recommandée par laquelle une organisation syndicale a, la première, demandé ou accepté qu'il soit procédé aux élections, et non à compter de la demande faite par le salarié ;
Attendu, d'autre part, qu'il résulte de l'article L 423-14 dudit Code qu'au premier tour de scrutin de ces élections, les listes de candidats ne peuvent être présentées que par les organisations syndicales représentatives ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et du procès-verbal de l'inspecteur du travail, base de la poursuite, que Barbara Colin, employée de la société Socachère dont Maurice Béchet préside le conseil d'administration, a le 20 mai 1986 envoyé à son employeur, qui l'a reçue le 21 mai, une lettre lui demandant d'organiser des élections de délégués du personnel afin qu'elle puisse présenter sa candidature ; que Maurice Béchet, qui avait notifié à cette salariée deux avertissements le 25 avril 1986 puis le 17 mai, lui en adressait un troisième le 21 mai en la convoquant à un entretien préalable au licenciement ; qu'il demandait ensuite l'autorisation de procéder à cette mesure à l'inspecteur du travail qui la refusait ; qu'il notifiait cependant le 20 juin son congédiement à Mlle Colin ; que le 27 juin une organisation syndicale confirmait la demande de la salariée et sa candidature ; que Maurice Béchet, poursuivi pour entrave à la libre désignation des délégués du personnel, a été déclaré coupable par le tribunal en application de l'alinéa 5 de l'article L 425-1 du Code du travail ;
Attendu que le prévenu a soutenu d'une part que la salariée, bien qu'elle eût, la première, demandé l'organisation d'élections, ne bénéficiait pas de la protection prévue par les alinéas 8 et 9 de l'article L 425-1 du Code du travail en l'absence d'intervention d'une organisation syndicale avant la demande d'autorisation de licenciement ; qu'il a prétendu d'autre part qu'à supposer que la candidature puisse être jugée régulière, rien n'établissait qu'il en ait eu connaissance avant l'envoi de la convocation à l'entretien préalable ou qu'il ait su que cette candidature était imminente ;
Attendu que, pour répondre à cette argumentation et confirmer la déclaration de culpabilité tant sur le fondement de l'alinéa 5 que sur celui des alinéas 8 et 9 de l'article L 425-1 précité, la juridiction du second degré énonce en premier lieu qu'il n'était pas nécessaire que la salariée fût mandatée par une organisation syndicale pour bénéficier de la protection accordée à celui qui, le premier, demande l'organisation d'élections et que l'employeur, en sollicitant l'autorisation de l'inspecteur du travail, avait reconnu à Mlle Colin la qualité de salariée protégée ; qu'elle observe en second lieu " que l'analyse des circonstances et la chronologie des divers courriers démontrent que Maurice Béchet avait connaissance de la candidature " de la salariée avant l'envoi de la lettre de convocation à l'entretien préalable au licenciement ;
Mais attendu que, s'il est vrai qu'il n'est pas nécessaire que le salarié, ayant, le premier, demandé l'organisation d'élections, soit mandaté par un syndicat pour être protégé par les dispositions des alinéas 7 et 8 de l'article L 425-1 susvisé, cette protection ne lui est cependant acquise qu'à compter de l'intervention d'une organisation syndicale et qu'il résulte des constatations des juges du fond que cette intervention ne s'est produite qu'après la notification du licenciement ; qu'en outre, le fait que l'employeur ait pu croire d'abord qu'il devait demander une autorisation administrative est sans conséquence sur l'existence de la protection ; qu'enfin, même si l'employeur avait reçu la lettre de la salariée avant de convoquer cette dernière à un entretien préalable au licenciement, une telle lettre ne pouvait ni constituer une déclaration de candidature ni établir l'imminence d'une candidature alors qu'un salarié non présenté par une organisation syndicale ne peut être candidat au premier tour du scrutin et ne peut en conséquence bénéficier de la protection prévue par l'alinéa 5 de l'article L 421-5 que si un deuxième tour doit être organisé ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs : Casse et annule l'arrêt de la cour d'appel d'Orléans en date du 20 janvier 1989 en toutes ses dispositions,
Et attendu qu'il ne reste rien à juger,
Dit n'y avoir lieu à renvoi.
a) Sauvegarde de la compétitivité
Cass. soc. 5 avril 1995, n° 1955 PB, SATRW Repa c/ Mabon et autres.
Attendu que constitue un licenciement pour motif économique le licenciement résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification substantielle du contrat de travail consécutives notamment à des difficultés économiques, à des mutations technologiques ou à une réorganisation ; que, si la réalité de la suppression ou transformation d'emploi ou de la modification substantielle du contrat de travail est examinée au niveau de l'entreprise, les difficultés économiques doivent être appréciées au regard du secteur d'activité du groupe auquel appartient l'entreprise concernée ; que lorsqu'elle n'est pas liée à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques, une réorganisation ne peut constituer un motif économique que si elle est effectuée pour sauvegarder la compétitivité du secteur d'activité ; qu'enfin, les possibilités de reclassement des salariés doivent être recherchées à l'intérieur du groupe parmi les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation leur permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel ;
Attendu que la société TRW Repa, qui avait repris, en 1983, l'activité de la société Sécuraiglon exercée dans l'usine d'Angers, a, par lettre du 7 novembre 1990, proposé au personnel de renoncer à un certain nombre de primes et d'avantages et d'autoriser une refonte des classifications afin de faire face aux difficultés économiques et de sauvegarder l'emploi ; qu'elle a dénoncé les usages instituant ces avantages, a procédé à une réduction des salaires sur la base des nouvelles classifications, et a fait connaître au personnel qui refuserait les nouvelles normes qu'elle serait contrainte de le licencier ; que, le 15 février 1991, elle a procédé au licenciement des salariés qui avaient exprimé un refus ;
Attendu que, pour décider que les licenciements n'étaient pas justifiés par un motif économique, l'arrêt attaqué, après avoir relevé que la réalité du motif économique susceptible de justifier les réductions de salaire doit s'apprécier dans le cadre du groupe auquel la société appartient, retient que la compression d'effectif qui a accompagné les licenciements procédait d'une décision au niveau du groupe ne correspondant pas à l'intérêt de la société angevine ;
Qu'en statuant ainsi, alors que les difficultés économiques s'apprécient dans le secteur d'activité du groupe auquel appartient l'entreprise concernée, la cour d'appel, qui ne s'est pas livrée à cette recherche, a violé les textes susvisés ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :
Casse et annule, mais seulement en ce qu'il a condamné la société TWR Repa à payer diverses indemnités aux salariés non protégés concernés par le présent arrêt, l'arrêt rendu le 8 juin 1993, entre les parties, par la cour d'appel d'Angers ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Cass. soc. 24 juin 2003 n° 1734 F-D, Bugnard c/ Noyès.
Attendu que M. Noyès, engagé le 1er avril 1973, en qualité de préparateur en pharmacie, par Mme Gibert, aux droits de laquelle vient M. Bugnard, a été licencié pour motif économique le 8 avril 1999, à la suite de son refus d'une modification de son contrat de travail ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt (Toulouse, 9 mars 2001) d'avoir décidé que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse alors, selon le moyen :
1° qu'est suffisamment motivée la lettre de licenciement qui se réfère à un licenciement économique, consécutif à une réorganisation de l'entreprise et au refus du salarié d'accepter une modification substantielle de son contrat de travail, refus qui a entraîné la suppression de son poste (violation de l'article L 122-14-2 du Code du travail) ;
2° que le licenciement consécutif au refus du salarié d'accepter une modification substantielle de son contrat de travail repose sur un motif économique, lorsque la modification est nécessaire pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise, sans qu'il soit besoin que la survie de l'entreprise soit en cause ; que la cour d'appel a donc considéré à tort que, pour justifier le licenciement, l'employeur devait rapporter la preuve d'un événement " particulier susceptible de mettre en danger son devenir " (violation de l'article L 321-1 du Code du travail) ;
3° que la cour d'appel n'a pas répondu aux conclusions de M. Bugnard faisant valoir qu'il ne lui était financièrement pas possible d'embaucher un deuxième pharmacien à mi-temps et de garder M. Noyés à temps plein à son poste (violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile) ;
Mais attendu qu'une réorganisation, lorsqu'elle n'est pas liée à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques, ne peut constituer un motif économique de licenciement que si elle est effectuée pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ; qu'ayant constaté que dans la lettre de licenciement l'employeur se bornait à invoquer des considérations personnelles, et retenu, répondant par là même aux conclusions prétendument délaissées, que la compétitivité de la pharmacie n'était pas menacée, la cour d'appel a pu décider que le licenciement était dépourvu de cause économique ; que le moyen n'est pas fondé ;
Par ces motifs : Rejette le pourvoi.
Cass. soc. 11 janvier 2006 n° 26, 27 et 28 FS-PBRI, 3 espèces …./ Sté Les Pages Jaunes.
. (Extraits)
Attendu que la société Les Pages Jaunes, appartenant au groupe France Télécom, a mis en place, en novembre 2001, un projet de réorganisation, afin d'assurer la transition entre les produits traditionnels (annuaire papier et minitel) et ceux liés aux nouvelles technologies de l'information (internet, mobile, site), qu'elle jugeait indispensable à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise compte tenu des conséquences prévisibles de l'évolution technologique et de son environnement concurrentiel ; que le projet, soumis au comité d'entreprise, prévoyait la modification du contrat de travail des 930 conseillers commerciaux portant sur leur condition de rémunération et l'intégration de nouveaux produits dans leur portefeuille ; que M. Ains et trente-quatre autres conseillers commerciaux de l'établissement de Dijon, après avoir refusé cette modification, ont saisi la juridiction prud'homale de demandes tendant, notamment, au paiement d'une indemnité pour absence de proposition d'une convention de conversion et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; (...)
Et sur le troisième moyen : Attendu que pour des motifs pris de la violation des articles L 122-14-4 du Code du travail et 455 du nouveau Code de procédure civile les salariés font grief à l'arrêt de les avoir déboutés de leur demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;
Mais attendu que la réorganisation de l'entreprise constitue un motif économique de licenciement si elle est effectuée pour en sauvegarder la compétitivité ou celle du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient ; que répond à ce critère la réorganisation mise en oeuvre pour prévenir des difficultés économiques à venir liées à des évolutions technologiques et leurs conséquences sur l'emploi, sans être subordonnée à l'existence de difficultés économiques à la date du licenciement ;
qu'il s'ensuit que la modification des contrats de travail résultant d'une telle réorganisation a elle-même une cause économique ; Et attendu que la cour d'appel, ayant retenu qu'il ne pouvait être reproché à l'employeur d'avoir anticipé des difficultés économiques prévisibles et mis à profit une situation financière saine pour adapter ses structures à l'évolution de son marché dans les meilleures conditions, a pu en déduire que la modification des contrats de travail des salariés s'inscrivait dans le cadre d'une réorganisation rendue nécessaire pour la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise et que le licenciement des intéressés, qui avaient refusé la modification de leur contrat de travail, était fondé sur une cause économique réelle et sérieuse ;
que le moyen n'est pas fondé ;
Par ces motifs : Rejette le pourvoi.
Sur le moyen unique :
Attendu que M. Debris a été engagé, le 23 octobre 1989, en qualité de contrôleur de qualité, par la société MPG ; que le 16 juillet 1992, son contrat de travail a été rompu par son adhésion à une convention de conversion ;
Attendu que l’employeur fait grief à l’arrêt attaqué (Rouen, 6 avril 1995), de l’avoir condamné au paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors selon le moyen, que conformément aux articles L.321.6 et L.122.14.4 du Code du travail, le contrat de travail d’un salarié qui a accepté de bénéficier d’une convention de conversion est rompu du fait du commun accord des parties et cet accord, nécessairement exclusif de la notion de licenciement ne saurait donner lieu à l’octroi des indemnités spécifiques au licenciement ; que la cour d’appel, qui a constaté que le salarié avait accepté d’adhérer à la convention de conversion proposée par son employeur, la société MPG, mais qui a néanmoins condamné celle-ci à payer au salarié la somme de 250 000 F à titre de dommages-intérêts pour licenciement économique sans cause réelle et sérieuse a, en statuant ainsi, violé les dispositions susvisées ; alors, encore, que conformément aux articles L.122.14.3 et L.321.1 du Code du travail, constitue un licenciement pour motif économique celui qui résulte d’une suppression d’emploi consécutive à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques et le motif économique est caractérisé dans le cas où l’emploi occupé par le salarié licencié a été supprimé et que cette suppression a trouvé sa cause dans la nécessité de réorganiser un service afin de faire cesser un sureffectif ; que la cour d’appel qui a constaté que le poste occupé par le salarié avait été supprimé et que son employeur avait procédé à une réorganisation du service afin de le rendre plus rationnel mais qui a néanmoins condamné l’employeur à payer au salarié licencié des dommages-intérêts pour licenciement sans cause économique réelle et sérieuse a, en statuant ainsi, violé les dispositions susvisées ; alors, enfin, que conformément aux articles L.321.6 et L.511.1 du Code du travail, le salarié, qui a adhéré à une convention de conversion, n’est pas recevable à contester l’ordre des licenciements ; que la cour d’appel qui, pour condamner l’employeur à payer au salarié des dommages-intérêts, s’est déterminée en considération du fait que l’employeur ne lui avait pas proposé de le reclasser a, en statuant ainsi, violé la disposition susvisée ;
Mais attendu, d’abord, qu’il résulte des articles L.321.6 et L.511.1 du Code du travail que la convention de conversion qui entraîne la rupture du contrat de travail d’un commun accord des parties implique l’existence d’un motif économique de licenciement qu’il appartient au juge de rechercher en cas de contestation ;
Attendu, ensuite, qu’une réorganisation, lorsqu’elle n’est pas liée à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques, ne peut constituer un motif économique que si elle est effectuée pour sauvegarder la compétitivité de l’entreprise ; d’où il suit que la cour d’appel, qui a constaté, d’une part, que l’employeur ne justifiait pas de difficultés financières, ni de l’impossibilité de reclasser le salarié et, d’autre part, qu’il avait supprimé l’emploi du salarié dans l’unique but d’assurer une gestion plus rationnelle de l’entreprise a, en condamnant l’employeur à des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, légalement justifié sa décision ;
Par ces motifs : Rejette le pourvoi.
Cass. soc. 13 mai 2003 n° 1403 F-D, Société Lee Cooper International import-export textile c/ Colomb et a.
(extraits)
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué (Paris, 19 octobre 2000) d'avoir dit le licenciement pour motif économique de MM. Colomb et Besnard-Chantecler dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamné en conséquence la société Lee Cooper International à verser à chacun des deux salariés une somme à titre de dommages-intérêts alors, selon le moyen :
1° que pour justifier le transfert du service informatique du groupe Lee Cooper Ltd de Saint-Ouen à Slough (Angleterre), la société Lee Cooper International avait produit diverses notes techniques qu'elle avait adressées au comité d'entreprise afin de l'informer de ce que l'informatique et son administration représentaient un élément important de la stratégie du groupe consistant à améliorer ses performances et les services offerts à la clientèle, ainsi qu'à avoir une vue d'ensemble de l'activité de toutes les filiales, de telle sorte qu'il était nécessaire d'un point de vue stratégique d'installer la direction de l'informatique au siège social du groupe ; que, dès lors, en se fondant sur l'affirmation que la société Lee Cooper International ne lui avait fourni aucun élément probant de nature à justifier la réorganisation de son service informatique et sa délocalisation en Angleterre, sans rechercher si les explications mentionnées dans les notes techniques en cause n'étaient pas de nature à établir que la restructuration litigieuse était bien nécessaire pour sauvegarder la compétitivité du groupe Lee Cooper Ltd, et en s'abstenant même de donner la moindre analyse, fût-ce succinctement, de ces documents, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 321-1 du Code du travail ;
2° que l'introduction de nouvelles technologies dans l'entreprise est de nature à justifier sa restructuration et à constituer une cause économique de la suppression de certains emplois ; que, dès lors, en affirmant péremptoirement, sans s'en expliquer autrement, que le remplacement du logiciel utilisé jusqu'alors par le groupe Lee Cooper Ltd, et devenu obsolète en raison des nombreuses déficiences qu'il présentait, par un progiciel beaucoup plus performant permettant d'avoir une vue d'ensemble de l'activité des filiales, ne constituait pas une innovation technologique de nature à justifier la restructuration décidée par le groupe et donc la suppression des postes occupés par MM. Colomb et Besnard-Chantecler, la cour d'appel a violé l'article L 321-1 du Code du travail ;
(...)
Mais attendu, d'abord, qu'après avoir rappelé que si l'employeur peut réorganiser son entreprise dans le cadre de son pouvoir de direction, la seule prise en compte de l'intérêt général de l'entreprise telle qu'invoquée par la société employeur, sans référence à la sauvegarde de la compétitivité n'ait pas suffisante pour justifier un licenciement économique, la cour d'appel relève qu'en l'espèce aucun élément probant permettant d'apprécier la nécessité de réorganiser le service informatique de la société Lee Cooper International en le centralisant en Angleterre n'est communiqué par l'employeur, la seule recherche d'économies par la centralisation des services concernés ou le fait que le directeur en charge du service informatique soit basé en Angleterre n'étant pas suffisant pour caractériser un motif économique réel et sérieux justifiant le licenciement compte tenu des possibilités de communication offertes par les systèmes d'information en vigueur quel que soit le site concerné ;
Attendu, ensuite, que c'est par une appréciation souveraine qui échappe au contrôle de la Cour de cassation et sans commettre de dénaturation, que la cour d'appel a estimé que le simple changement de prologiciel ou logiciel ne saurait constituer une innovation technologique en tant que telle au sens de l'article L 321-1 du Code du travail ;
qu'elle a par ce seul motif justifié sa décision ;
que le moyen n'est pas fondé ;
Par ces motifs : Rejette le pourvoi.
Cass. soc. 26 novembre 1996, n° 4501 P, Sté Marquis hôtels limited partnership c/ Alia et autres.
( extraits )
Sur le deuxième moyen :
Attendu qu'il est encore reproché à la cour d'appel d'avoir dit que la rupture du contrat de travail était injustifiée et d'avoir condamné la société MHLP au paiement de sommes à titre de provision sur dommages-intérêts alors, selon le moyen, en premier lieu, d'une part, que la cour d'appel qui ne relève de la part de l'employeur aucun fait de nature à caractériser un détournement de son pouvoir de direction, a violé l'article L 122-14-3 du Code du travail ; et alors, d'autre part, que si le licenciement d'un salarié à la suite du refus d'une modification substantielle, peut être dépourvu de cause réelle et sérieuse dans
l'hypothèse où cette modification n'a pas été motivée par l'intérêt de l'entreprise, il n'appartient pas au juge de porter une appréciation sur la pertinence de la gestion de l'employeur ; qu'en retenant, pour déclarer que la réduction collective de salaire, consécutive à la modification du système de rémunération qui avait été à l'origine du licenciement des salariés demandeurs, n'était pas conforme à l'intérêt de l'entreprise, que la stratégie de l'employeur, consistant à privilégier aux dépens des bénéfices immédiats un accroissement en valeur du capital, était manifestement inspiré par le souci de favoriser la croissance de la société-mère et non par l'intérêt de l'entreprise elle-même, la cour d'appel a violé l'article L 122-14-3 du Code du travail ; alors en second lieu, d'une part, qu'en énonçant, à l'appui de son affirmation de l'absence de difficultés économiques suffisamment caractérisées, que l'expert avait relevé que l'entreprise avait dégagé un compte d'exploitation positif en 1989, alors que l'expert-comptable du comité a constaté pour cet exercice une perte d'exploitation de plusieurs millions de francs, la cour d'appel a dénaturé ce rapport, et ainsi violé l'article 1134 du code civil ; alors, d'autre part, que la cour d'appel énonce que l'expert-comptable du comité d'entreprise a relevé que la situation s'était redressée en 1990, les charges financières étant réduites de 6 millions de francs ; mais que le rapport de l'expert, daté du 13 avril 1990, n'énonce nullement que la situation s'est redressée en 1990, se bornant à émettre l'hypothèse que l'exercice 1990 serait " encore meilleur, en termes d'exploitation " que l'exercice 1989 ; qu'ainsi, la cour d'appel a dénaturé le rapport auquel elle se réfère, en violation de l'article 1134 du Code civil ; et alors, de troisième part, que la cour d'appel, en énonçant que l'expert avait relevé que les dépenses de personnel avaient été notablement diminuées avant même la mise en œuvre de la politique dite des prix nets, énonciation qui ne figure pas dans le rapport, et qui est contraire aux documents comptables qui lui sont annexés et qui font apparaître sur les trois exercices auxquels ils se réfèrent une augmentation constante du montant des charges salariales, a encore une fois dénaturé ce rapport ; qu'ainsi, elle a violé l'article 1134 du Code civil ; alors en troisième lieu, qu'une réorganisation de l'entreprise, dès lors qu'elle est décidée dans l'intérêt de l'entreprise, peut constituer une cause économique de modification substantielle du contrat de travail, même en l'absence de difficultés économiques ou de mutations technologiques ; qu'en s'abstenant de répondre aux conclusions de la société Marquis hôtels limited partneship soutenant que la modification qu'elle avait mise en place était justifiée par l'inadéquation aux conditions actuelles d'exploitation d'un hôtel de luxe du système antérieurement pratiqué et par la volonté de proposer à tous les employés des salaires correspondant à leur qualification et de supprimer ainsi les disparités entre les salaires des employés payés " au service " par rapport à ceux payés " au fixe ", la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; et alors, d'autre part, qu'en s'abstenant de s'expliquer sur l'inadéquation de l'ancien système et sur cette nécessité de supprimer les disparités de salaire entre les salariés payés au service et les salariés payés au fixe, la cour d'appel a, en toute hypothèse, privé sa décision de base légale au regard des articles L 122-14-3 et L 321-1 du Code du travail ; et alors enfin, que le fait pour l'employeur à le supposer démontré, de ne pas avoir " négocié sérieusement ", au cours de la procédure ayant suivi la dénonciation de l'accord collectif, et d'avoir, à l'expiration de ce délai, fait application des dispositions qu'il avait unilatéralement arrêtées, n'est pas de nature à priver de cause réelle et sérieuse le licenciement des salariés consécutifs à leur refus de la modification de leur contrat de travail résultant de la mise en œuvre des nouvelles dispositions décidées par l'employeur ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les articles L 132-8, L 321-1 et L 122-14-3 du Code du travail ;
Mais attendu que, pour dire si les licenciements avaient une cause réelle et sérieuse, la cour d'appel devait rechercher si la modification proposée par l'employeur était justifiée par une cause économique ; qu'elle a, sans encourir les griefs du moyen, constaté que ni la société MHLP ni le groupe auquel elle appartient n'éprouvaient de difficultés économiques et que la réorganisation du régime des rémunérations ne se justifiait que par la volonté de réaliser des bénéfices plus importants et non par la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ou du groupe ; qu'elle a, dès lors, exactement décidé que ces licenciements n'étaient pas justifiés par une cause économique ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
b) Pouvoir d'appréciation du juge
Cour de cassation - Assemblée plénière . 8 décembre 2000. société anonyme de télécommunications (S.A.T.) c/ Coudière et autres.
Sur le moyen relevé d'office, après avertissement donné aux parties :
Vu les articles L. 321-1 et L. 122-14-3 du Code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Silec, aux droits de laquelle s'est trouvée la société SAT, possédait des établissements sur les sites de Riom et de Montereau ; qu'en 1994, elle a soumis à la consultation de son comité central d'entreprise un projet de licenciement économique collectif concernant 318 salariés et résultant de la fermeture du site de Riom ; que le comité d'entreprise a désigné un expert-comptable qui, dans son rapport, a indiqué que l'entreprise avait envisagé initialement trois hypothèses : 1°/ le maintien de la situation existante avec des réductions d'effectifs (86 licenciements), 2°/ le maintien du site de Riom mais avec spécialisation sur certains produits (213 licenciements), 3°/ la suppression du site de Riom et le regroupement des activités à Montereau (318 licenciements) ; que l'expert a conclu que seule la dernière hypothèse permettait à l'entreprise d'atteindre les objectifs qu'elle s'était fixée ; que M. Coudière et treize autres salariés, licenciés en 1995, ont saisi la juridiction prud'homale pour obtenir une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Attendu que pour décider que les licenciements étaient dépourvus de cause économique réelle et sérieuse, la cour d'appel a retenu que la pérennité de l'entreprise et le maintien de sa compétitivité étant assurés dans les trois hypothèses envisagées de réorganisation, l'entreprise en choisissant la solution du regroupement d'activités à Montereau et de la fermeture du site de Riom n'a pas intégré dans ses calculs, comme elle en avait cependant l'obligation, le concept de préservation de l'emploi et a donc excédé la mesure de ce qui était nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité du secteur considéré de l'entreprise ; Attendu, cependant, que les licenciements ont une cause économique réelle et sérieuse lorsqu'il est établi que la réorganisation de l'entreprise, qui entraîne des suppressions d'emplois, est nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise ou du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient ;
Qu'en statuant comme elle a fait, alors, d'une part, qu'elle reconnaissait que cette condition était remplie dans les trois hypothèses de réorganisation envisagées initialement par l'employeur, alors, d'autre part, qu'il ne lui appartenait pas de contrôler le choix effectué par l'employeur entre les solutions possibles, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 1er juillet 1997, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Cass. soc. 12 janvier 1999, n° 737 PBR, Fédération générale des mines et de la métallurgie CFDT, et autres c/ Cie IBM France
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 6 décembre 1996) qu'à partir de novembre 1995, la direction de la société Compagnie IBM France a élaboré un projet dit " projet emploi pour 1996 " visant à la réduction de ses effectifs salariés à concurrence de 420 " équivalents temps plein " ; que cette opération intéressant notamment l'établissement de Montpellier devait se produire en deux temps à savoir, en premier lieu, par le recueil de candidatures de salariés en vue de l'application de l'une des modalités prévues (temps partiel indemnisé, congé sans solde indemnisé, préretraite progressive, disponibilité) et, en second lieu, par une sélection parmi les candidats déclarés ; que le projet a été soumis à l'avis du comité central d'entreprise en application de l'article L 432-1 du Code du travail ; que la Fédération générale des mines et de la métallurgie CFDT, le syndicat CFDT de la métallurgie de l'Hérault et le comité d'établissement IBM de Montpellier ont fait assigner la société IBM pour qu'il soit constaté que le " projet emploi 1996 " était en réalité un projet de licenciement collectif au sens des dispositions du titre 2 du livre III du Code du travail et qu'il soit en conséquence ordonné à la société de mettre en œuvre la procédure prévue aux articles L 321-2 et suivants du même Code, procédure prévoyant une consultation spécifique et un plan social ;
Attendu que la Fédération générale des mines et de la métallurgie CFDT, le syndicat CFDT de la métallurgie de l'Hérault et le Comité d'établissement IBM de Montpellier font grief à l'arrêt d'avoir dit n'y avoir lieu de constater au regard des dispositions des articles L 321-3 du Code du travail une quelconque irrégularité de la procédure suivie à la société Compagnie IBM France et intitulée " projet emploi 1996 " alors, selon le moyen, que l'employeur qui envisage de supprimer de nombreux emplois pour motif économique est tenu de respecter les dispositions d'ordre public des articles L 321-1 et suivants du Code du travail, peu important que ces emplois ne soient supprimés que par la voie d'une sélection opérée parmi des candidats aux modalités proposées de modifications substantielles de contrats de travail ou de suppressions d'emploi, qu'en décidant autrement la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Mais attendu que, si l'employeur qui envisage de procéder dans une même période de 30 jours au licenciement ou à la rupture du contrat de travail pour motif économique d'au moins dix salariés est tenu de consulter le comité d'entreprise en lui soumettant notamment un plan social, le projet qui consiste à rechercher parmi les salariés ceux qui seraient candidats à des mesures n'entraînant pas la rupture du contrat de travail, telles que temps partiel indemnisé, congé sans solde indemnisé, préretraite progressive, mise en disponibilité, constitue une mesure de gestion prévisionnelle du personnel qui ne donne lieu qu'à la consultation prévue par l'article L 432-1 du Code du travail ;
Et attendu, dès lors, que c'est à bon droit que la cour d'appel, qui a constaté qu'aucune proposition de modification du contrat de travail au sens de l'article L 321-1-2 du Code du travail n'avait été formulée, a décidé que le projet " emploi pour 1996 " n'avait pas à être soumis à la procédure prévue aux articles L 321-2 et suivants du Code du travail ; que le moyen n'est pas fondé ;
Par ces motifs : Rejette le pourvoi.
Cass. soc. 28 mars 2000, n° 1524 PB, CE Sté Lasnon c/ SA Lasnon
Vu l'article L 321-4-1 du Code du travail ;
Attendu que, selon ce texte, dans les entreprises employant au moins 50 salariés, lorsque le nombre de licenciements est au moins égal à 10 dans une même période de 30 jours, l'employeur doit établir et mettre en œuvre un plan social pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre et pour faciliter le reclassement du personnel dont le licenciement ne pourrait être évité notamment les salariés âgés ou qui présentent des caractéristiques sociales ou de qualification rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile ; que le plan social doit prévoir des mesures, autres que les dispositions concernant les conventions de conversion telles que par exemple des actions de reclassement interne ou externe à l'entreprise, des créations d'activités nouvelles, des options de formation ou de conversion, des mesures de réduction ou d'aménagement de la durée du travail ; qu'il en résulte que l'employeur doit mettre en œuvre toutes les mesures possibles, appréciées en fonction des moyens dont dispose l'entreprise, pour maintenir les emplois ou faciliter le reclassement ;
Attendu que la société Lasnon, envisageant le licenciement pour motif économique de 14 salariés, a présenté le 24 février 1998 un plan social au comité d'entreprise qui, après avoir émis un avis défavorable, a saisi le tribunal de grande instance pour faire constater la nullité du plan social ;
Attendu que, pour débouter le comité d'entreprise de son action en nullité, l'arrêt infirmatif attaqué énonce que la loi, lorsqu'elle cite à titre d'exemple les mesures à prendre dans le plan social, n'impose pas à l'employeur de les prendre toutes dès lors qu'une seule par son efficacité, est de nature à assurer le maintien de l'emploi ; que précisément, le plan social, qui proposait 30 postes de reclassement aux 14 salariés concernés avec le bénéfice d'une aide financière, répond aux exigences légales ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il lui appartenait de rechercher si, en dehors de reclassements impliquant pour des salariés anciens un déplacement dans une autre région et se traduisant par une modification du contrat de travail, l'employeur ne pouvait pas prendre, comme le soutenait le comité d'entreprise, d'autres mesures telles que réduction de la durée du travail, passage au temps partiel et développement d'activités nouvelles, la cour d'appel, qui a méconnu les exigences s'imposant à l'employeur, a violé les textes susvisés ;
Par ces motifs : Casse et annule, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 septembre 1998, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen.
c) Sanction de la carence du plan social :
Cass. Soc. 6 juin 2000, n° 98-42.860 P + B, SA Ronéo c/Syndicat CFDT de la métallurgie des Deux-Sèvres et autres
Attendu que M. Avril et cinq autres salariés de la société Ronéo ont été licenciés pour motif économique dans le cadre d’une procédure de licenciement collectif pour motif économique ; que huit autres à l’issue de la même procédure ont adhéré à la convention de conversion qui leur était proposée ;
Attendu que la société Ronéo fait grief aux arrêts attaqués (Poitiers, 31 mars 1998) de l’avoir condamnée à payer aux salariés des dommages-intérêts pour licenciement abusif fixés à six mois de salaire, alors, selon le moyen, que les salariés licenciés en violation du plan social dont l’employeur n’a pas respecté les mesures ne peuvent prétendre à une indemnisation pour licenciement abusif mais à des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la perte d’une chance de conserver leur emploi ; que, dès lors, en condamnant la société Ronéo à payer à chaque salarié une indemnité pour licenciement abusif équivalant à six mois de salaire pour non-respect du plan social et non à des dommages-intérêts évalués en fonction du préjudice subi par chacun d’eux, la cour d’appel a violé les articles L.321 et suivants du Code du travail ;
Mais attendu que le plan de reclassement intégré au plan social en application de l’article L.321.4.1 du Code du travail a pour objet, dans les licenciements collectifs de plus de dix salariés sur une période de trente jours, d’assurer l’obligation de reclassement de l’employeur ; qu’en ne respectant pas les engagements pris dans ce plan, l’employeur viole nécessairement l’obligation de reclassement et le licenciement du salarié, victime de cette violation, se trouve de ce fait dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
Et attendu que c’est dès lors à bon droit que la cour d’appel, ayant constaté que l’employeur n’avait pas respecté l’engagement pris dans le plan social de transformer des emplois à temps plein en emplois à temps partiel pour favoriser des reclassements et limiter les licenciements, a décidé que le licenciement des salariés en cause était dépourvu de cause réelle et sérieuse ; que le moyen n’est pas fondé.
Cass. soc. 25 novembre 2003 , BSN Glasspack et autre c/ Syndicat CFDT Chimie Énergie de Rhône-Alpes Ouest et autres.
Extraits
Attendu, selon la procédure et l'arrêt attaqué (Lyon, 11 octobre 2001), que la société BSN, relevant alors du groupe Danone, a soumis en 1998 et 1999 à son comité central d'entreprise un projet dit "BSN 2003" prévoyant une réorganisation avec réduction d'effectifs et limitation à un nombre voisin de 700 des licenciements susceptibles d'intervenir jusqu'en 2003 ; que le 18 octobre 2000 a été conclu au sein de la société BSN Glasspack, produit d'une scission de la société BSN, un accord de réduction du temps de travail prévoyant le respect de la "cible des effectifs" précédemment définie, avec sauvegarde de 70 emplois ; qu'après le désengagement du groupe Danone, les sociétés BSN Glasspack et VMC, qui succédaient à la société BSN, ont soumis le 9 avril 2001 à leurs comités centraux d'entreprises de nouveaux projets impliquant de nouveaux licenciements ;
(…)
Mais sur le premier moyen pris dans sa troisième branche :
Vu l'article 1142 du Code civil, ensemble les articles L. 321-2 et L. 321-4-1 du Code du travail ;
Attendu que pour prononcer la nullité des procédures engagées le 9 avril 2001 et des plans sociaux alors présentés l'arrêt attaqué retient qu'ils constituent la violation des engagements relatifs au maintien du volume d'emplois précédemment pris ;
Attendu cependant, que lorsque l'employeur ne tient pas l'engagement unilatéral qu'il a pris de limiter le nombre de licenciements pendant une période déterminée, la procédure et le plan de sauvegarde de l'emploi qu'il met alors en oeuvre en envisageant des licenciements ne sont pas pour autant frappés de nullité si le plan comporte des mesures d'accompagnement suffisantes ; que les salariés licenciés ont seulement la possibilité de demander la réparation du préjudice que l'inobservation de l'engagement de l'employeur peut leur causer ; D'où il suit qu'en statuant comme elle l'a fait la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et attendu que la cour est en mesure, en cassant sans renvoi, de mettre fin au litige en appliquant la règle de droit appropriée, comme le prévoit l'article 627, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile ;
Par ces motifs: casse et annule, mais seulement en ce qu'il a prononcé la nullité des procédures consultatives engagées le 9 avril 2001 par la société BSN Glasspack et la société VMC et des plan sociaux alors présentés par ces sociétés à leurs comités centraux d'entreprise, l'arrêt rendu le 11 octobre 2001, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; Dit n'y avoir lieu à renvoi ;
Dit n'y avoir lieu à annulation desdits plans et procédures ;
Cass. soc. 13 février 1997, n° 1300 PFR, Sté des grands magasins La Samaritaine c/ Benoist et autre
Attendu, selon les arrêts attaqués, (Paris, 23 février 1996), statuant en référé, que Mmes Benoist et Guiglielmi, salariées de la société des Grands magasins de la Samaritaine (la société) ont adhéré respectivement les 29 septembre et 7 octobre 1993 à une convention de conversion dans le cadre d'une procédure de licenciement pour motif économique portant sur 121 emplois et accompagnée d'un plan social ; que la cour d'appel de Paris ayant décidé, par arrêt du 9 mai 1995 devenu définitif à la suite du rejet, par l'arrêt de la Cour de cassation de ce jour, du pourvoi formé par la société, que le plan social présenté aux représentants du personnel ainsi que les mesures de reclassement qui l'accompagnaient n'étaient pas conformes aux dispositions de l'article L 321-4-1 du Code du travail et déclaré nulle et de nul effet la procédure de licenciement collectif, les deux salariées ont saisi en référé la juridiction prud'homale afin d'obtenir leur réintégration et la poursuite de leur contrat de travail ;
Attendu que la société fait grief à l'arrêt d'avoir fait droit à ces demandes, alors, selon le moyen, que l'annulation de la procédure de licenciement collectif n'affecte pas la validité des licenciements notifiés aux salariés antérieurement à son prononcé ; qu'en décidant du contraire, la cour d'appel a violé les articles L 122-14-4, L 321-2, L 321-4-1, alinéa 2, L 321-6 et L 321-7 du Code du travail, ensemble le principe " pas de nullité sans texte " ;
Mais attendu qu'aux termes de l'article L 321-4-1, alinéa 2, du Code du travail, la procédure de licenciement est nulle et de nul effet tant qu'un plan visant au reclassement des salariés s'intégrant au plan social, n'est pas présenté par l'employeur aux représentants du personnel, qui doivent être réunis, informés et consultés ; qu'il en résulte que la nullité qui affecte le plan social s'étend à tous les actes subséquents et qu'en particulier les licenciements prononcés par l'employeur, qui constituent la suite et la conséquence de la procédure de licenciement collectif suivie par application de l'article L 321-4-1 susmentionné, sont eux-mêmes nuls ;
D'où il suit que la cour d'appel, ayant constaté que la procédure de licenciement collectif avait été déclarée nulle, a pu décider que les ruptures prononcées constituaient un trouble manifestement illicite et ordonner, pour le faire cesser, la poursuite des contrats de travail illégalement rompus ; que le moyen n'est pas fondé ;
Par ces motifs : Rejette les pourvois.
Cass. soc. 30 mars 1999, PB, ALEFPA c/ Berthelin et autres
Attendu que l'Association laïque pour l'éducation et la formation professionnelle des adultes (ALEFPA), qui gère dans toute la France un certain nombre d'établissements, a décidé, au mois d'octobre 1995, en raison de difficultés financières, la fermeture de la Communauté Anne Franck, située à Sens, et engagé une procédure de licenciement collectif pour motif économique conduisant à la notification, le 30 avril 1996, à Mme Berthelin et cinq autres salariés de cette Communauté, de leur licenciement pour motif économique ; que, saisi par le Comité d'entreprise départemental de l'Yonne de l'ALEFPA d'une demande tendant à la reprise de la procédure de licenciement pour violation des dispositions des articles L 321-4, L 321-4-1 et L 321-7 du Code du travail, le président du tribunal de grande instance de Sens, statuant en référé, a, par ordonnance du 6 juin 1996, dit n'y avoir lieu à référé ; que Mme Berthelin et les cinq autres salariés ont saisi la formation de référé du conseil de prud'hommes d'une demande de réintégration en faisant valoir la nullité de la procédure de licenciement économique ;
(…..)
Sur le second moyen :
Attendu que l'ALEFPA fait encore grief à l'arrêt d'avoir ordonné la réintégration de Mme Berthelin et des cinq autres salariés aux conditions antérieures et dans des postes équivalents sous astreinte, ainsi que de l'avoir condamnée à verser à chacun des salariés une somme à titre de dommages-intérêts, alors, selon le moyen, qu'il appartient au comité d'entreprise chargé de défendre les droits collectifs des salariés d'agir en justice devant le tribunal de grande instance pour faire constater que le plan social qui lui a été soumis ne correspond pas aux prescriptions légales ; que le conseil de prud'hommes, statuant en référé, lorsqu'il est saisi du recours individuel de certains salariés ayant fait l'objet d'un licenciement collectif pour motif économique, n'a donc pas le pouvoir d'annuler le plan social pour insuffisance des mesures de reclassement ; qu'en l'espèce, aucune décision au fond sur saisine du Comité d'entreprise de l'Yonne de l'ALEFPA représentant l'ensemble des salariés de la Communauté Anne Franck de SENS ayant fait l'objet d'un licenciement collectif pour motif économique n'avait été rendue, permettant la suspension ou l'annulation du plan social ; que le conseil de prud'hommes, statuant en référé et saisi du recours individuel de seulement six des salariés ayant fait l'objet de ce licenciement économique collectif aux fins de réintégration, ne pouvait donc lui-même annuler ce plan social ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L 321-4-1, L 432-1 et L 434-6 du Code du travail ; alors qu'en application de l'article L 321-4-1 du Code du travail, la carence du plan social n'entraîne que la nullité de la procédure de licenciement collectif pour motif économique ; qu'elle n'affecte pas la validité des licenciements notifiés aux salariés antérieurement à son prononcé ; qu'en conséquence, les salariés qui dénoncent la carence du plan social en raison de l'insuffisance des mesures de reclassement ne peuvent prétendre, lorsque la nullité du plan social est prononcée, qu'à des dommages-intérêts et non au maintien de leur contrat de travail ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L 122-14-4, L 321-2, L 321-4-1, alinéa 2, L 321-6 et L 321-7 du Code du travail ; alors qu'en toute hypothèse, en cas d'impossibilité de réintégration dans le même établissement par suite de sa fermeture, l'employeur qui n'a pas la maîtrise de ces postes en raison de la tutelle financière qui pèse sur lui ne peut être contraint de réintégrer les salariés irrégulièrement licenciés dans d'autres établissements ; qu'il peut seulement être condamné à indemniser les salariés concernés du préjudice subi ; qu'en condamnant l'ALEFPA à réintégrer, sous astreinte, dans des postes équivalents situés dans d'autres établissements par suite de la fermeture de l'établissement de Sens, les salariés qui auraient été irrégulièrement licenciés, alors même qu'il n'était pas contesté que chaque poste de l'ALEFPA supposait un financement public préalable par l'autorité de tutelle, la cour d'appel a violé les articles L 122-14-4, L 321-2 et L 321-4-1 du Code du travail ;
Mais attendu, d'abord, que les salariés licenciés pour motif économique ont un droit propre à faire valoir que leur licenciement est nul au regard des dispositions de l'article L 321-4-1, alinéa 2 du Code du travail ;
Attendu, ensuite, qu'il résulte de ce même texte que la nullité qui affecte le plan social s'étend à tous les actes subséquents et qu'en particulier, les licenciements prononcés par l'employeur, qui constituent la suite et la conséquence de la procédure de licenciement collectif suivie par application de l'article L 321-4-1, sont eux-mêmes nuls ; qu'ayant constaté, par des motifs non critiqués, que le plan social était manifestement insuffisant au regard des dispositions de l'article L 321-4-1, la cour d'appel, qui en a justement déduit que la procédure de licenciement collectif était nulle, a pu décider que les ruptures prononcées constituaient un trouble manifestement illicite et ordonner, pour le faire cesser, la réintégration des salariés dans un emploi équivalent après avoir relevé que la réintégration dans leur emploi était devenue matériellement impossible ; que le moyen n'est pas fondé ;
Par ces motifs : Rejette le pourvoi.
Cass. soc. 26 janvier 1994, n° 401 P, SA Créations Fusalp c/ Rabilloud et autres
Attendu que Mmes Rabilloud, Albis, Do Couto et Dos Santos, salariées de la société Créations Fusalp en qualité d'ouvrières en confection, ont été licenciées pour motif économique le 28 mai 1990 ;
Attendu que la société Création Fusalp fait grief au jugement attaqué (conseil de prud'hommes d'Annecy, 2 juillet 1992), de l'avoir condamnée à payer aux salariées deux mois de salaire pour non-respect de la priorité de réembauchage, alors que, selon le moyen, d'une part, l'employeur n'est pas tenu d'informer le salarié bénéficiant d'une priorité d'embauche de l'existence d'un emploi disponible dès lors qu'il est constant que ce salarié a définitivement retrouvé un emploi ; qu'en l'espèce, elle faisait valoir dans ses écritures que les salariées demanderesses avaient retrouvé un emploi au cours de l'année durant laquelle elles bénéficiaient d'une priorité de réembauchage, et que l'une d'elles avait même été dispensée à sa demande de l'exécution de son préavis pour lui permettre d'exercer sans délai ses nouvelles fonctions ; qu'en se bornant à constater que les postes pourvus étaient compatibles avec la qualification de ces salariées, sans rechercher quelle était la situation professionnelle des intéressées lors du recrutement de nouveaux personnels, le conseil de prud'hommes a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 321-14 du Code du travail ; et alors, d'autre part, que l'obligation d'informer les salariés bénéficiaires d'une priorité d'embauche n'est pas applicable lorsque l'emploi à pourvoir est à durée déterminée ; qu'en omettant de répondre à ses conclusions qui faisaient valoir que les emplois pourvus par neuf manutentionnaires étaient des emplois à durée déterminée, pour des périodes allant de vingt jours à trois mois maximum, le conseil de prud'hommes a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu, d'une part, que l'article L 321-14 du Code du travail, n'exclut nullement son application dans le cas où le salarié a retrouvé un autre emploi ;
Attendu, d'autre part, que l'obligation pour l'employeur d'informer le salarié de tout emploi devenu disponible et compatible avec sa qualification n'est pas limitée aux emplois pourvus par des contrats de travail à durée indéterminée ; que le conseil de prud'hommes, qui a relevé que l'employeur avait recruté des manutentionnaires et retenu que ces emplois étaient compatibles avec la qualification des salariées, a répondu par là même aux conclusions invoquées ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Par ces motifs : Rejette le pourvoi.
Cass. Soc. 14 mai 1996
La Cour : Sur le moyen unique :
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que Mme Mialon, salariée de la Société de brochage industriel (SBI) a été licenciée pour motif économique le 4 avril 1990 ; qu’elle a demandé, le 20 juin 1990, à bénéficier de la priorité de réembauchage ; que la société SBI lui a proposé un emploi saisonnier, pour la période du 6 au 24 août, qu’elle a refusé en raison de la date de ses vacances ;
Attendu que la société SBI fait grief à l’arrêt de l’avoir condamnée à verser à Mme Mialon des dommages-intérêts pour méconnaissance par l’employeur de son obligation de réembauche alors, selon le moyen, que satisfait à l’obligation qui lui est impartie par l’article L.321.14 du Code du travail l’employeur qui informe le salarié licencié pour motif économique d’un emploi devenu disponible et compatible avec sa qualification, sans être tenu de proposer d’autres postes à un salarié qui a refusé d’user de la priorité de réembauchage, fût-ce pour des raisons légitimes de vacances ; et que la cour d’appel, qui a constaté que la société SBI avait proposé à Mme Mialon, un contrat saisonnier pour la période du 6 au 24 août, mais que cette offre avait été déclinée par l’intéressée pour raisons légitimes de vacances a, en considérant que la société n’avait pas satisfait à son obligation de réembauchage, violé les articles L.321.14 et L.122.14.4 du code du travail ;
Mais attendu que la cour d’appel, qui a constaté que Mme Mialon avait réitéré sa demande, et que l’employeur, qui avait cependant procédé de mai à novembre 1990 au recrutement de nombreux intérimaires, n’y avait pas donné suite, a pu décider qu’il avait méconnu son obligation de réembauchage ; que le moyen n’est pas fondé ;
Par ces motifs : Rejette le pourvoi.
Cass. soc. 14 octobre 1987 n° 3499 D SA Société d'Exploitation des Entreprises Gagneraud Père et Fils c/ Berault et autre
Sur le moyen unique, commun aux deux pourvois, pris de la violation des articles 455 du Nouveau Code de procédure civile, L 122-6, L 223-2 et L 223-14 du Code du travail :
Attendu qu'il résulte des énonciations des juges du fond que MM. Bérault et Legendre, salariés de la Société d'exploitation des entreprises Gagneraud Père et Fils, dite SEEGPF, et dont les départs en congé payé avaient été fixés du 13 juillet au 8 août 1983, ont été licenciés pour cause économique le 11 juillet 1983, avec effet au 13 juillet 1983 et préavis de deux mois, l'employeur les avisant que "la rupture du contrat de travail entraînait ipso facto la transformation du droit à congés payés en un droit à indemnité compensatrice de congés payés et qu'ils devaient se rapprocher de leurs supérieurs hiérarchiques s'ils voulaient convenir d'une dérogation ponctuelle et motivée" ;
Attendu que la Société SEEGPF reproche aux jugements attaqués de l'avoir condamnée au paiement d'un complément d'indemnité de préavis, alors, selon le moyen, que, d'une part, l'employeur faisait valoir que l'autorisation administrative de mise en chômage technique du personnel, pour la période du 18 juillet au 5 août 1983, s'imposant aux parties et au juge, le dispensait de fournir du travail au personnel venant d'être licencié pour motif économique et ne permettait pas aux salariés concernés de réclamer, en l'absence de travail effectif, un complément d'indemnité de préavis ; qu'en omettant de répondre à ce moyen précis, le conseil de prud'hommes a entaché sa décision d'un défaut de motifs ; alors que, d'autre part, aucune indemnité de préavis n'est due en cas d'absence de travail effectif ; qu'en l'espèce, l'employeur ayant obtenu une autorisation administrative de mise en chômage technique pour la période du 18 juillet au 5 août 1983, faisant suite au licenciement collectif pour motif économique, décision s'imposant aux parties et au juge, il ne pouvait être tenu d'un complément d'indemnité de préavis, dépourvue de toute contrepartie de travail, le jugement ne pouvait décider le contraire, pour une raison chronologique inopérante ;
Mais attendu que, les congés payés ayant été institués en vue d'assurer un repos aux travailleurs, tandis que le délai de préavis doit permettre à la partie qui a reçu congé de chercher un nouvel emploi, ces deux périodes ne peuvent être confondues ; que, dès lors, la société ne pouvait imputer la période de préavis sur celle des congés payés, fixée du 13 juillet au 8 août 1983, peu important à cet égard qu'elle eût été autorisée à mettre en chômage partiel une partie de ses salariés, du 18 juillet au 5 août 1983 ; qu'ainsi, en retenant que le point de départ d'un préavis donné aux salariés en congé payé ne prenait date qu'à l'expiration de la période de congé payé, le conseil de prud'hommes a légalement justifié sa décision et qu'en aucune de ses deux branches, le moyen ne peut être accueilli ,
Par ces motifs :
Rejette les pourvois.
Cass. soc. 21 juin 1995, n° 2815 P, SNC Multiserv Est Somafer c/ Napolitano. (Extraits)
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Metz, 8 avril 1992), que M. Napolitano, engagé le 1er septembre 1949 par la société Somafer devenue la société Multiserv Est, en qualité de cadre d'exploitation, a été en arrêt de travail pour maladie à compter du 20 janvier 1987 et déclaré, le 12 novembre 1990, inapte à toute activité professionnelle par le médecin du travail ; que, par lettre du 15 novembre 1990, l'employeur a mis fin au contrat de travail en invoquant la force majeure résultant de l'inaptitude totale du salarié ;
(…)
Mais sur le moyen unique du pourvoi incident du salarié :
Vu l'article 16 de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie ;
Attendu qu'en application de ce texte, les absences résultant de la maladie ou d'accident ne constituent pas une rupture du contrat de travail ; qu'à l'issue de la période d'indemnisation à plein tarif, l'employeur peut prendre acte de la rupture par force majeure du contrat de travail par nécessité de remplacement effectif ; que lorsque l'employeur prend acte de la rupture, il doit verser à l'intéressé une indemnité égale à celle qu'il aurait perçue s'il avait été licencié sans que le délai-congé ait été observé ;
Attendu que, pour rejeter la demande du salarié, la cour d'appel énonce qu'en raison de son inaptitude totale et définitive, il est constant que l'intéressé s'est trouvé dans l'impossibilité d'exécuter son préavis ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses propres constatations que la rupture avait été prononcée en raison de l'inaptitude physique du salarié ayant pour cause la maladie ce dont il découlait que l'intéressé avait droit à l'indemnité prévue à l'article 16, alinéa 3 de la convention collective applicable, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Par ces motifs : Casse et annule, mais seulement dans ses dispositions rejetant la demande du salarié en paiement d'une indemnité de préavis, l'arrêt rendu le 8 avril 1992, entre les parties, par la cour d'appel de Metz ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Colmar.
Cass. Soc. 6 février 1974
La Cour : Sur le deuxième moyen, pris de la violation des articles 1134 du code civil et 7 de la loi du 20 avril 1810, dénaturation de l’article 28 de la Convention Collective des Ingénieurs et Cadres des Industries des Métaux de la Région Parisienne du 30 décembre 1960, manque de base légale ;
Attendu que la Société D… reproche à l’arrêt attaqué d’avoir déclaré qu’était dû à F…, commissaire général adjoint à son service, qu’elle a licencié le 4 avril 1969, une somme complémentaire de 1557,45 francs au titre de l’indemnité de licenciement calculée à raison d’une ancienneté de dix ans, deux mois et dix-neuf jours, au motif que la Convention Collective lie le droit du salarié à la durée du temps passé dans l’emploi sans mentionner de condition relative à des années complètes, alors que ladite convention précise que l’indemnité se calcule par " année de services ", ce qui exclut forcément la fraction d’année ;
Mais attendu que la cour d’appel a constaté qu’à la date de son licenciement F… avait dix ans, deux mois et dix-neuf jours d’ancienneté ; qu’elle a exactement estimé qu’il devait être tenu compte de la totalité de cette ancienneté pour le calcul de l’indemnité de licenciement prévue par l’article 28 de la Convention Collective des Ingénieurs et Cadres des Industries des Métaux de la Région Parisienne ; que le fait qu’il ait été précisé par ce texte que les indemnités visées devaient être calculées en fonction de la durée des services continus de l’ingénieur ou cadre dans l’entreprise pour la tranche de 1 à 7 ans : 1/5 de mois par année de services et pour la tranche au-delà de 7 ans : 11/20 de mois par année de services, n’implique pas que seules soient prises en considération les années entières de service ; qu’il n’y a pas lieu d’ajouter au texte une restriction qu’il ne comporte pas ;
Que le deuxième moyen ne saurait être accueilli ;
Par ces motifs : Casse et annule, mais seulement en ce qui concerne le calcul de l’indemnité de préavis et celui de l’indemnité de maladie.
Cass. Soc. 10 juillet 1984 CGT et autres c/ Sté. CGEE Alsthom et autres
Sur le moyen unique, lequel est préalable, des pourvois incidents des co syndics à la liquidation des biens de la Société Compagnie Electronique de Saumur pris de la violation de l'article 455 du Nouveau Code de procédure civile ;
Attendu qu'il est fait grief aux arrêts attaqués d'avoir condamné les co syndics au règlement judiciaire de la Société "Compagnie Electronique de Saumur" (CES) à verser à MM. Pichenot Laurent et Beley, ses anciens salariés, l'indemnité compensatrice de la clause de non-concurrence, alors que la perception d'une telle indemnité ne se justifie plus, quand bien même l'employeur n'aurait pas avisé le salarié qu'il le déliait de l'obligation de non-concurrence dans le délai prévu par la convention collective, dès lors qu'il est constaté que l'employeur a informé lesdits salariés en temps utile de façon à laisser à ceux-ci la possibilité de rechercher une autre activité concurrentielle ; qu'en l'espèce, les co syndics faisaient valoir que chacun des salariés licenciés susnommés avait, entre l'avis de renonciation à la clause de non-concurrence et l'expiration du délai-congé, disposé du temps suffisant pour la recherche d'un emploi de cette nature ; qu'en ne répondant pas à ce moyen, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Mais attendu qu'en énonçant qu'à la date à laquelle les salariés avaient été informés de la renonciation à la clause de non concurrence, le délai imparti pour ce faire était expiré, la cour d'appel a, par ce seul motif et sans encourir les griefs du moyen, légalement justifié sa décision ;
Par ces motifs :
Rejette les pourvois incidents ;
Ordonne qu'à la diligence de M. le Procureur général près la cour de cassation, le présent arrêt sera imprimé et sera transmis pour être transcrit sur les registres de la cour d'appel d'Angers, en marge ou à la suite des arrêts annulés.
Cass. soc. 8 juillet 1997, n° 3022 PBF, Comité d'entreprise de la SA Plasco c/ SA Plasco
Attendu que, dans le cadre d'un projet de licenciement collectif, la société Plasco a établi un plan social qu'elle a soumis au comité d'entreprise le 8 avril 1994 ; que l'autorité administrative ayant, le 21 avril 1994, dressé un procès-verbal de carence du plan de reclassement, un différend est né entre la direction de la firme et le comité sur le déroulement de la procédure, qui s'est terminé par une ordonnance de référé du 26 mai 1994, prescrivant la reprise de la consultation de l'instance représentative dès le stade de la première réunion ; qu'à titre conservatoire, tout en interjetant appel tant de cette décision que d'une autre ordonnance de référé du conseil de prud'hommes ayant prescrit la réintégration du personnel qui avait été licencié, la société Plasco a mis en œuvre une nouvelle procédure d'information consultation du comité d'entreprise, la première réunion étant fixée au 20 juillet 1994, les suivantes étant prévues pour se tenir les 26 août et 9 septembre ; que, toutefois, après la deuxième réunion, le comité s'estimant insuffisamment informé sur la cession de la branche d'activité cosmétique, a saisi à nouveau le juge des référés, qui a suspendu le déroulement de la procédure, par ordonnance du 12 septembre 1994 ; que la société Plasco, tout en interjetant appel de cette ordonnance, a engagé une instance au fond par assignation à jour fixe aux fins de voir déclarer valable, dès l'origine, la procédure de licenciement ; qu'elle a, en même temps, signifié au comité d'entreprise les pièces concernant la cession de la branche d'activité cosmétique et mis en œuvre une troisième procédure d'information consultation par convocation du comité d'entreprise en date du 26 septembre 1994, les réunions étant prévues pour se tenir les 3 et 17 octobre 1994 ;
Sur le second moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article L 434-3 du Code du travail ;
Attendu que, selon ce texte, l'ordre du jour du comité d'entreprise est arrêté par le chef d'entreprise et par le secrétaire du comité ; que si un accord ne peut s'établir sur les questions à porter à l'ordre du jour, il appartient au plus diligent d'entre eux de saisir le juge des référés pour résoudre la difficulté ;
Attendu que pour décider que la procédure d'information consultation lancée le 26 septembre 1994 était régulière et que la procédure du licenciement collectif avait été régularisée à l'issue de la seconde réunion du comité le 17 octobre 1994, la cour d'appel, après avoir relevé que l'ordre du jour du comité avait été établi uniquement par le chef d'entreprise et que le secrétaire du comité avait refusé de le contresigner, a énoncé que ce refus ne reposait sur aucun motif sérieux et que le fait que le secrétaire du comité ait refusé de signer l'ordre du jour ne peut être une cause d'annulation de cette procédure, dès lors que les élus salariés ne peuvent paralyser le processus de consultation sans avoir des motifs sérieux à faire valoir en ce sens, ce qui n'était pas le cas de l'espèce ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le comité d'entreprise ne pouvait valablement se réunir et délibérer sur un ordre du jour fixé unilatéralement par le chef d'entreprise, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
(…..)
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le premier moyen : Casse et annule, mais seulement en ce qu'il a décidé que la procédure de licenciement collectif a été régularisée à compter de la convocation du 26 septembre 1994 du comité d'entreprise et que les licenciements pouvaient être valablement notifiés après le 17 octobre 1994, l'arrêt rendu le 10 janvier 1995, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Metz.
Cass. soc. 10 juillet 1991, n° 3035 PF, Delorieux et autres c/ Comité d'établissement des Ets Krema Général Foods France
Attendu qu'au cours de sa réunion du 28 novembre 1985, le comité d'établissement de la société Krema general foods France a désigné, par un vote auquel le chef d'entreprise, président du comité, a participé, le secrétaire du comité ; qu'au bénéfice de l'âge, et en raison du partage des voix, M. Campominosi a été déclaré élu ;
Attendu que MM. Delorieux, Abel Gublin et Christian Gublin, membres du comité, font grief à l'arrêt attaqué (Reims, 29 juin 1988), d'avoir refusé d'annuler ce vote, alors que, selon le moyen, il résulte des articles L 431-4, L 434-2 et L 434-3, alinéa 4, du Code du travail, tels que modifiés par la loi n° 82-915 du 28 octobre 1982, que le président du comité d'entreprise, membre de droit de celui-ci, ne peut légalement participer à l'élection du secrétaire dudit comité ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel viole par fausse interprétation, spécialement l'article L 434-3, alinéa 4, du Code du travail ;
Mais attendu qu'en application de l'article L 433-1 du Code du travail, le chef d'établissement est membre du comité d'établissement ; qu'il doit, à ce titre et conformément à l'article L 434-2 du même code, participer à la désignation du secrétaire du comité, ce vote ne constituant pas la consultation des membres élus du comité, en tant que délégation du personnel ; que le moyen n'est pas fondé ;
Par ces motifs : Rejette le pourvoi.
Cass. soc. 25 janvier 1995, n° 454 P, Comité interentreprises des organismes de radio et de télévision français c/ TF1
(Extraits) Attendu, selon les énonciations de l'arrêt attaqué, qu'à la suite de la suppression de l'Office de radiodiffusion et de télévision française, un arrêté du 28 décembre 1974 a porté dévolution de l'ensemble de ses immeubles à usage de centres de vacances, et attribué à la société nationale de télévision TF 1 la propriété de celui situé à Allevard ; que le comité interentreprises des organismes de radio et de télévision français (CI ORTF) a été créé, par accord conclu, le 20 avril 1976, entre les comités d'entreprise des différents organismes de radiodiffusion et de télévision et les organisations syndicales, auquel a été confié, par accord conclu le 29 juin 1976, entre les différents organismes de radiodiffusion et de télévision et les organisations syndicales, la gestion des œuvres sociales communes ; que, dans la perspective d'une nouvelle réforme, les employeurs des différentes sociétés de radiodiffusion et de télévision ont, par accord du 18 mars 1985, pris l'engagement de signer une convention avec les comités d'entreprise ou les comités centraux d'entreprise et le comité interentreprise concernant les centres d'activités sociales gérés par le CI ORTF ; qu'après la privatisation de la société nationale de télévision TF 1, le comité d'entreprise de la société Télévision française 1 (TF 1) a décidé, par résolution votée le 25 avril 1991, de se retirer du comité interentreprises ; qu'après notification de celle-ci au CI ORTF, la société TF 1 a demandé au président dudit comité, la restitution de la jouissance de l'immeuble d'Allevard et l'établissement d'un état des lieux contradictoire ;
Sur le premier moyen après que les parties aient été invitées à présenter leurs observations :
Attendu que le CI ORTF fait grief à l'arrêt d'avoir accueilli cette demande, alors que, selon le moyen, la résolution du comité d'entreprise relative à son retrait du CI ORTF entrait bien dans le cadre de ses activités sociales et culturelles, de sorte que le président du comité avait le droit de voter et devait donc être pris en compte parmi les membres présents, qu'il exerce ou non ce droit ; que, par suite, la cour d'appel ne pouvait tenir la résolution litigieuse comme régulière dès lors qu'elle avait été, ainsi qu'il résulte de ses constatations, adoptée par quatre voix sur les huit membres présents à la séance du comité d'entreprise ; que, ce faisant, elle a violé l'article L 434-3-3° du Code du travail ;
Mais attendu, d'une part, que si, en application de l'article L 434-3, alinéa 3, du Code du travail, les résolutions du comité d'entreprise sont prises à la majorité des présents, il ne doit être tenu compte, pour le calcul de cette majorité, que des membres présents ayant le droit de voter ; que, d'autre part, le chef d'entreprise ne peut participer au vote d'une résolution portant sur la gestion des activités sociales et culturelles, ce vote constituant une consultation des membres élus du comité, en tant que délégation du personnel ;
Et attendu que l'arrêt attaqué a constaté que la résolution litigieuse avait décidé le retrait du comité d'entreprise de la société TF 1 du CI ORTF, en sorte qu'elle portait sur la gestion des activités sociales et culturelles, et qu'elle avait été adoptée par quatre voix contre trois voix, le président s'étant abstenu de prendre part au vote ; qu'il en résulte que la résolution litigieuse a été prise à la majorité des sept membres présents du comité d'entreprise ayant le droit de voter ; que par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, la décision attaquée se trouve légalement justifiée ; que le moyen ne saurait donc être accueilli ;
Cass. Civ. 29 mai 1984 (ref.1134) : Comité d’entreprise des mutuelles unies et autres c. CARRALE et autres
Un comité d’entreprise ayant demandé aux salariés de celle-ci, après avoir modifié le système de répartition de la prime de vacances, de présenter leur déclaration de revenus de l’année précédente, la Cour d’appel n’a pas violé l’article 9 du code civil en annulant cette décision comme ayant pour effet de porter atteinte à la vie privée des salariés, la communication dont il s’agit, qui constituait une condition de l’attribution de la prime, ne pouvant pas être considérée comme volontairement faite par les salariés puisqu’elle était exigée d’eux sous peine d’être exclus de la répartition réorganisée, exigence qui constituait l’atteinte visée par la loi dès lors que la déclaration de revenus contient, par nature, des renseignements qui n’étaient pas tous indispensables au comité d’entreprise pour l’attribution de la prime de vacances.
Cour de Cassation, 1e Chambre Civile 18 janvier 1989 Cassation. Pourvoi N° 87.14.026
Sur le pourvoi formé par M. Louis Esparza, demeurant Quartier Saint-Joseph à Pont Saint-Esprit (Gard), et autres,
En cassation d'un arrêt rendu le 4 mars 1987 par la cour d'appel de Grenoble (chambre des urgences), au profit du Comité d'Entreprise d' Eurodif Production, représenté par MM. Caumont et Garin, respectivement secrétaire et trésorier, domiciliés en cette qualité, au siège dudit comité, site du Tricastin, Boite postale 175 Pierrelatte (Drôme),
défendeur à la cassation.
Les demandeurs invoquent à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Moyen produit par la SCP Delaporte et Briard, avocat aux conseils pour M.Esparza et autres.
" Le moyen reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté les exposants, salariés de la Société Eurodif Production, de leur demande en annulation des décisions du Comité d'entreprise faisant obligation aux salariés de produire leur avis d'imposition modèle 1533 M. A. pour obtenir le bénéfice de prestations sociales,
Aux motifs que ces décisions n'ont pas pour effet de porter atteinte à la vie privée des salariés ; que la production du document Fiscal 1533, qui ne comporte que des indications chiffrées, ne permet pas, sauf enquête complémentaire de reconstituer les imbrications patrimoniales avec l'intimité de la vie privée ; que le comité d’entreprise déclare, dans ses dernières écritures se contenter de l'avertissement n° 1533 dont auraient été officiellement occultées les mentions non indispensables à la détermination du quotient familial ; que les membres du comité d’entreprise auxquels sont destinés les renseignements sans être tenus au secret professionnel, sont cependant soumis a une obligation certaine de discrétion ; que le document n° 1533 en partie occulté n'est obligatoire que pour l'obtention des avantages sociaux au-dessus du minimum ; qu'il est indispensable pour calculer équitablement le quotient familial.
Alors que, l'obligation de produire l'avis d’imposition n° 1533 M.A sous peine d’être exclu du bénéfice des prestations sociales, constitue une atteinte au secret de la vie privée ; qu’en effet ce document fiscal, qui reprend chacun des postes de la déclaration de revenus, ne comporte pas que des indications chiffrées ; que ces indications chiffrées sont en effet portées dans des rubriques fournissant des renseignements précis sur la situation et les charges de famille du contribuable, sa situation de fortune – notamment l’origine de ses revenus et ceux du conjoint : salaires, revenus fonciers, mobiliers…- l’existence de dettes ; qu’ en outre la production de l’avis d’imposition n’apparaît pas indispensable pour déterminer le quotient familial, les informations nécessaires au calcul de ce quotient ( montant du revenu imposable et nombre de parts fiscales) pouvant être obtenues par le biais d’une déclaration sur l’honneur du salarié, portant sur ces deux chiffres, sans que soit par la même divulgués les autres renseignements relatifs à la vie privée que fournit le document fiscal n°1533 M.A ; qu’en statuant comme elle l’a fait, la cour d’appel a violé l’article 9 du code civil."
La Cour, en l’audience publique du 7 décembre 1988
Sur le moyen unique :
Vu l’article 9 du code civil ;
Attendu que le comité d’entreprise de la société Eurodif Production a décidé en 1979 que le montant des allocations versées à certains salariés de l’entreprise dépendraient de leur facultés économiques telles que révélées par leur quotient familial, défini par les articles 193 et suivants du code général des impôts ; qu’à cette fin il a été prévu de demander aux intéressés, à titre indicatif la production du document fiscal n° 1533, dit " avis d’imposition " ; que M. Esparza et dix autres salariés estimant que cette exigence constituait une atteinte à leur vie privée, ont demandé au tribunal de grande instance d’annuler ce chef de la délibération du comité d’entreprise par application de l’article 9 du code civil ;
Attendu que pour rejeter cette demande, l’arrêt attaqué, après avoir énoncé que l’avis d’imposition ne portait pas atteinte à la vie privée des intéressés, constate en toute hypothèse que le comité d’entreprise accepte de ne plus réclamer qu’un avertissement dont les mentions inutiles au calcul du quotient familial auront été " officiellement occultées par le service des impôts " ;
Attendu que contrairement à l’appréciation de la cour d’appel, la production d’une pièce comportant des renseignements sur la situation familiale et patrimoniale des intéressés porte atteinte à leur vie privée dès lors que ces indications ne sont pas indispensables à l’information légitime du comité d’entreprise, et qu’en ne vérifiant pas si, désormais, les salariés seront en mesure de fournir à l’appui de leurs demandes d’allocations un autre document administratif conforme aux exigences du texte susvisé, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision.
Par ces motifs : Casse et annule, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 4 mars 1987, entre les parties, par la cour d’appel de Grenoble ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêté, pour être fait droit, les renvoient devant la cour d’appel de Riom.
a) La représentation de la maîtrise et des cadres
Cass. soc. 11 mai 1999, n° 2197 D, Jannet et autre c/ Sannier.
Attendu que MM. Jaunet et Jacobi font grief au jugement attaqué (tribunal d'instance de Vincennes, 2 avril 1998) d'avoir dit que Mme Hasnaoui n'appartenait pas au personnel maîtrise et cadres, et qu'elle ne pouvait être proclamée élue au siège réservé aux cadres et agents de maîtrise lors des élections au CHSCT, qui ont eu lieu le 12 mars 1998, au sein de la région méditerranéenne de la société Compagnie nouvelle des conteneurs (CNC) ;
Mais attendu qu'ayant constaté que les fonctions de facturation occupées par l'intéressée ne comportaient ni initiative ni responsabilité, ce dont il résultait qu'elles ne correspondaient pas à celles du personnel de maîtrise et des cadres, le tribunal d'instance a légalement justifié sa décision ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé.
Par ces motifs : Rejette
b) La représentation syndicale au CHSCT
Cass. soc. 20 novembre 1991, 2 arrêts : n° 4180 PF, Sté Avions Marcel Dassault-Bréguet Aviation c/ Syndicat CGT, décision reproduite ci-dessous
et Cass. soc. 20 novembre 1991, n° 4181 PF, SA Auchan c/ syndicat CGT et autre, décision non reproduite
Attendu que l'accord cadre du 17 mars 1975 sur l'amélioration des conditions de travail, signé par le CNPF d'une part, par les syndicats CFTC, CGC, CGT-FO d'autre part, a prévu, sous le titre " Hygiène, sécurité, prévention " et dans son article 23, que " afin de permettre aux organisations syndicales de participer plus étroitement aux actions de prévention, chaque organisation aura la faculté, dans les établissements occupant plus de trois cents salariés, de désigner, parmi le personnel, un représentant assistant avec voix consultative aux réunions du comité d'hygiène et de sécurité " ; que l'avenant du 16 octobre 1984 a maintenu, dans les mêmes termes, cette faculté de désigner un représentant syndical auprès du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ; que la CGT, bien que non-signataire de l'accord cadre et de son avenant, a désigné M. Rouvier en qualité de représentant syndical au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de l'établissement d'Istres de la société Avions Marcel Dassault-Bréguet aviation ;
Attendu que cette société, ayant contesté la validité de cette désignation au motif que la CGT, n'ayant pas signé l'accord cadre du 17 mars 1975, ne pouvait en profiter, fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué (Aix-en-Provence, 7 décembre 1988) d'avoir rejeté cette contestation, alors que, selon le moyen, l'organisation syndicale non signataire de l'accord cadre du 17 mars 1975, modifié par l'avenant du 16 octobre 1975, modifié par l'avenant du 16 octobre 1984, ne peut bénéficier des dispositions de cet accord plus favorables que celles du Code du travail, dès lors qu'elle n'accepte pas les engagements qu'il impose ; que la cour d'appel a constaté que cet accord cadre n'a pas été signé par la CGT ; qu'en déclarant valable la désignation de M. Rouvier en qualité de représentant du syndicat CGT au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, la cour d'appel a violé les articles 1134 du Code civil et 23 de l'accord cadre du 17 mars 1975, modifié par l'avenant du 16 octobre 1984;
Mais attendu que, si la participation aux organismes paritaires ou aux instructions créés par une convention ou un accord collectif est réservée aux syndicats signataires de la convention ou de l'accord collectif, ou à ceux qui y adhèrent, les dispositions conventionnelles à caractère normatif, visant à améliorer les institutions représentatives du personnel, sont applicables de plein droit à tous les salariés et syndicats, sans distinction ;
Attendu, en conséquence, qu'un accord collectif ayant, en application de l'article L 236-13 du code du travail, décidé que les organisations syndicales pourraient, dans les entreprises de plus de trois cents salariés, désigner parmi le personnel un représentant assistant avec voix consultative aux réunions du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, un employeur lié par cet accord ne peut refuser à une organisation syndicale le bénéfice de cette disposition sous le prétexte qu'elle n'en est pas signataire ; qu'ainsi, l'arrêt attaqué est légalement justifié ;
Par ces motifs : Rejette le pourvoi.
Voir " la représentation désignée "
Cass. soc. 4 juillet 1990, Syndicat SNEP-FO c / Directeur de l'Institut supérieur d'agriculture et autres, n° 2886 PF
Vu les articles L 423-18, alinéa 2, et L 412-4, alinéa 2, du Code du travail ;
Attendu qu'aux termes du premier de ces textes, " les organisations syndicales intéressées sont invitées par le chef d'entreprise à négocier le protocole d'accord préélectoral et à établir les listes de leurs candidats aux fonctions de délégué du personnel " et que, selon le second, tout syndicat affilié à une organisation représentative sur le plan national est considéré comme représentatif dans l'entreprise pour l'exercice du droit syndical ;
Attendu que pour déclarer irrecevable le recours du syndicat FO de l'enseignement privé tendant à l'annulation des élections des délégués du personnel qui s'étaient déroulées à l'Institut supérieur d'agriculture, le jugement attaqué énonce que pour qu'un syndicat représentatif puisse demander en justice le respect des dispositions du Code du travail, il faut qu'il existe réellement dans l'entreprise et y ait au moins un adhérent ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le syndicat FO de l'enseignement privé étant affilié à une organisation syndicale représentative sur le plan national était, peu important qu'il n'ait eu aucun adhérent dans l'entreprise, syndicat intéressé au sens du premier des textes précités, et devait, en conséquence, être invité à négocier le protocole d'accord préélectoral, le tribunal d'instance a violé lesdits textes ;
Par ces motifs : Casse et annule, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 1er décembre 1988, entre les parties, par le tribunal d'instance de Lille ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal d'instance de Tourcoing.
Cass. soc. 15 décembre 1999, n° 4907 P, SA Cogetom c/ SECI-CFTC
(Extraits) Vu les articles L 423-18 et L 433-13 du Code du travail ;
Attendu que pour annuler le protocole d'accord préélectoral et les élections des membres du comité d'entreprise et des délégués du personnel qui ont eu lieu le 10 avril 1998 au sein de la société Cogetom, le jugement attaqué retient que la société Cogetom a convoqué la CFTC au siège de son Union départementale qui est aussi le siège du SECI-CFTC ; que ce syndicat est affilié à la CFTC ; qu'à ce titre, il devait être convoqué en tant que tel, la société Cogetom ne pouvant ignorer l'identité exacte du syndicat pour avoir eu à connaître d'un précédent contentieux électoral ;
Attendu, cependant, que si les organisations syndicales qui ont désigné des délégués syndicaux dans l'entreprise doivent être convoquées à la négociation du protocole d'accord préélectoral, en l'absence d'une telle désignation, la convocation est valablement délivrée aux organisations syndicales représentatives, que ce soit au niveau des syndicats constitués dans les différentes branches où à celui des unions syndicales auxquelles elles ont adhéré ;
D'où il suit qu'en statuant comme il l'a fait, après avoir relevé que le chef d'entreprise avait convoqué la CFTC au siège de son Union départementale et alors qu'il n'était pas allégué que le SECI-CFTC ait désigné un délégué syndical dans l'entreprise, le tribunal d'instance a violé les textes susvisés ;
Par ces motifs et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'intervention du syndicat libre CSL du personnel Cogetom : Casse et annule, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 5 août 1998, entre les parties, par le tribunal d'instance de Paris 15e ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal d'instance de Paris 7e .
Cass. soc. 20 janvier 1988 n° 417 D Revol et autres c/ Société Générale et autres
Sur le moyen unique :
Vu l'article L 433-2 du Code du travail ;
Attendu que pour décider que M. Revol n'avait pas qualité pour présenter, au nom de la CSL, un candidat au premier tour des élections des membres du comité d'établissement de l'agence d'Elbeuf de la Société générale du 24 octobre 1986, et, en conséquence, annuler la candidature de Mme Ciam le tribunal d'instance a énoncé que l'intéressé ne justifiait pas de sa qualité de délégué syndical "national " ;
Qu'en statuant ainsi, sans rechercher si M. Revol avait reçu mandat de son syndicat pour présenter la candidature de Mme Ciam, le tribunal d'instance n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Par ces motifs : Casse et annule le jugement rendu le 7 avril 1987, entre les parties, par le tribunal d'instance de Rouen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal d'instance d'Yvetot, à ce désigné par délibération spéciale prise en la chambre du conseil.
Cass. Soc 28 février 2007 Syndicat CGT Peugeot Citroën automobiles (PCA) c/ Société Peugeot Citroën automobiles (PCA)
(Extraits)
Attendu que, selon le jugement attaqué, le syndicat CGT PCA établissement de Poissy a saisi le tribunal d'instance d'une demande d'annulation des élections du comité d'établissement et des délégués du personnel de l'établissement de Poissy de la société Peugeot Citroën automobile (PCA) qui se sont déroulées le 30 mars 2006, après avoir saisi le même tribunal d'une contestation préélectorale ayant donné lieu à un jugement du 7 mars 2002 ; qu'il a contesté, d'une part, le décompte des effectifs et, d'autre part, demandé que les travailleurs mis à disposition par des entreprises extérieures, sous-traitantes et prestataires de services, qui auraient été exclus de la liste électorale, ainsi que les travailleurs temporaires, soient inclus dans le corps électoral pour l'élection des délégués du personnel et du comité d' établissement ;
(….)
Sur le quatrième moyen :
Attendu que le syndicat fait grief au jugement d'avoir dit que les salariés d'entreprises de travail temporaire n'étaient pas électeurs aux élections du comité d'établissement et des délégués du personnel de l'entreprise utilisatrice, et d'avoir en conséquence refusé d'annuler les élections, alors, selon le moyen :
1°/ que la mise à la disposition d'un salarié intègre celui-ci dans la communauté des travailleurs de l'entreprise utilisatrice au regard des fonctions représentatives du comité d'entreprise ; qu'en excluant les salariés intérimaires de l'électorat pour les élections du comité d'établissement aux motifs inopérants qu'ils sont régis par les dispositions conventionnelles des entreprises d'intérim et que le code du travail ne prévoit pas l'existence d'un droit électoral des salariés intérimaires dans l'entreprise utilisatrice, le tribunal a violé par refus d'application les articles L. 433-4, L. 433-5 du code du travail ;
2°/ que la mise à la disposition d'un salarié intègre celui-ci dans la communauté des travailleurs de l'entreprise utilisatrice au regard des fonctions représentatives du comité d'entreprise et de délégué du personnel lorsqu'il provient d'une entreprise de travail temporaire ; qu'en excluant les salariés intérimaires de l'électorat pour les élections des délégués du personnel aux motifs inopérants qu'ils sont régis par les dispositions conventionnelles des entreprises d'intérim et que le code du travail ne prévoit pas l'existence d'un droit électoral des salariés intérimaires dans l'entreprise utilisatrice, le tribunal a violé par refus d'application les articles L. 423-7 et L. 423-8 du code du travail ;
Mais attendu que si, en application de l'article L. 620.10 du code du travail, les salariés d'entreprises de travail temporaires sont pris en compte dans le calcul des effectifs, les dispositions des articles L. 423-9, L. 423-10, L. 433-6 et L. 433-7 qui régissent leur participation aux élections au sein de l'entreprise de travail temporaire excluent qu'ils aient la qualité d'électeur dans l'entreprise utilisatrice ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur les troisième et cinquième moyens, réunis :
Vu les articles L. 423-7 et L. 433-4 du code du travail ;
Attendu que sauf dispositions législatives contraires, les travailleurs mis à disposition d'une entreprise, intégrés de façon étroite et permanente à la communauté de travail qu'elle constitue, inclus à ce titre dans le calcul des effectifs en application de l'article L. 620-10 du code du travail, sont à ce même titre, électeurs aux élections des membres du comité d'entreprise ou d'établissement et des délégués du personnel dès lors qu'ils remplissent les conditions prévues par les textes susvisés ;
Attendu que pour dire, d'abord, que les salariés des entreprises extérieures doivent être exclus de l'électorat pour les élections du comité d'établissement, constater, ensuite, qu'en application du jugement du 7 mars 2006, le protocole préélectoral avait inclus dans l'électorat des délégués du personnel les seuls salariés des prestataires partageant les mêmes conditions de travail et les mêmes moyens de production et valider enfin les élections professionnelles, le tribunal retient, d'une part, que ces salariés ne subissent pas les aléas auxquels peuvent être soumis les salariés de l'entreprise utilisatrice et que le comité d'entreprise, faute de financement, ne peut assurer la prise en charge des oeuvres sociales, si bien qu'ils ne sont pas électeurs au comité d'établissement, et, d'autre part, que peuvent participer aux élections des délégués du personnel les salariés des sociétés prestataires, intégrés à la communauté de travail, dès lors qu'ils participent à cette activité et partagent les mêmes conditions de travail, en étant soumis aux instructions de l'entreprise d'accueil relativement au contrôle des conditions de travail et que la société PCA a justifié que les salariés des entreprises prestataires qui n'ont pas été inclus dans la liste électorale ne remplissaient pas ces conditions ;
Qu'en statuant ainsi, en l'absence de dispositions législatives contraires, en ajoutant à la loi des conditions qu'elle ne comporte pas pour limiter la composition du corps électoral tant du comité d'entreprise que des délégués du personnel, le tribunal a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit que doivent être exclus de l'électorat pour les élections des membres du comité d'entreprise les salariés des entreprises extérieures, déclaré valable le protocole électoral qui avait inclus dans l'électorat des délégués du personnel les salariés des sociétés prestataires partageant les mêmes conditions de travail et les mêmes moyens de production que les salariés de la société PCA et rejeté la demande d'annulation des élections, le jugement rendu le 22 juin 2006, entre les parties, par le tribunal d'instance de Poissy ;
Cass. soc. 2 octobre 2001, n° 3912 FS-PBRI, Syndicat Fédération CGT-FO c/ Sté Lafarge Couverture.
Vu les articles L 412-11 et R 412-3 du Code du travail ;
Attendu que caractérise un établissement distinct permettant la désignation des délégués syndicaux, le regroupement d'au moins cinquante salariés, constituant une communauté de travail ayant des intérêts propres et travaillant sous la direction d'un représentant de l'employeur ; Attendu que pour dire que les sites d'Aix-les-Milles et de Marseille de la société Lafarge Couverture ne constituaient pas des établissements distincts et avoir, en conséquence, annulé les désignations de MM. Lamousmane et Guelfucci en qualité de délégués syndicaux auxquelles le syndicat avait procédé le 17 février 1999, le tribunal d'instance énonce essentiellement que ces sites, en l'absence, sur place d'un représentant qualifié de l'employeur, ne sont pas deux établissements distincts de l'entreprise ;
Qu'en statuant comme il l'a fait, après avoir constaté qu'à la tête de chacune des deux implantations de la société Lafarge Couverture se trouvait une personne qualifiée de responsable de fabrication dont le rôle non contesté est d'organiser le travail sur chacun des sites géographiquement éloignés l'un de l'autre, regroupant chacun au moins cinquante salariés et présentant des diversités incontestables tant au niveau des produits fabriqués que des contraintes techniques ou des conditions de travail ce dont il résultait l'existence de deux communautés de travail ayant des intérêts propres et la présence dans chaque site d'implantation d'un représentant de l'employeur ; le tribunal d'instance qui n'a pas tiré les conséquences qui s'évinçaient de ses constatations, a violé les textes susvisés ;
Par ces motifs : Casse et annule, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 6 avril 2000, entre les parties, par le tribunal d'instance de Marseille ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal d'instance d'Aix-en-Provence.
1e espèce Cass. soc. 27 mai 1997, n° 2304 D, Le Kieffre et autre c/ SARL Castorama ;
décision non reproduite
2e espèce Cass . soc. 27 mai 1997, n° 2303 PBR, Syndicat général CFDT de Nantes et région et autre c/ Sté Rezéenne de transports
Vu l'article L 412-11 du Code du travail ;
Attendu que lorsqu'un syndicat représentatif désigne un délégué syndical dans une entreprise qui emploie au moins cinquante salariés, l'existence d'une section syndicale est établie par cette seule désignation ;
Attendu que, pour annuler la désignation, par le syndicat général CFDT de Nantes et région, de M. Derand en qualité de délégué syndical au sein de la société Rezéenne de transports, le jugement attaqué retient que le syndicat CFDT refuse de communiquer à l'employeur les bulletins d'adhésion en arguant du risque de représailles sans toutefois apporter le moindre commencement de preuve sur la réalité de ce risque ; qu'il y a lieu de rejeter des débats les documents non communiqués à l'employeur et de considérer que la preuve de l'existence d'une section syndicale en voie de formation n'a pas été valablement rapportée ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il constatait que M. Derand avait été désigné en qualité de délégué syndical par le syndicat CFDT, ce dont il résultait l'existence d'une section syndicale, le tribunal d'instance a violé le texte susvisé ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen : Casse et annule, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 30 avril 1996, entre les parties, par le tribunal d'instance de Nantes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal d'instance de Saint-Nazaire.
Cass. soc. 12 février 1991, n° 552 PF, Sté Douez et Lambin et autres c/ Clabau et autres
(Extraits) Sur le moyen unique du pourvoi principal :
Vu les articles L 412-17, L 424-1 et L 434-1 du Code du travail ;
Attendu que les heures de délégation sont payées comme temps de travail ; que lorsqu'elles sont prises en dehors de l'horaire de travail en raison des nécessités du mandat, ces heures doivent être payées comme heures supplémentaires ;
Attendu que pour condamner la société Douez et Lambin à payer à Mme Clabau et à d'autres salariées titulaires de mandats représentatifs, comme heures supplémentaires, certaines heures de délégation prises par les intéressées en dehors de leur horaire normal de travail, le jugement attaqué s'est borné à énoncer que les heures de délégation sont rémunérées même si elles se situent en dehors des heures de travail ;
Qu'en statuant ainsi, sans préciser, comme il y était invité par l'employeur, si les heures de délégation avaient été effectuées en dehors de l'horaire normal de travail en raison des nécessités des mandats, le conseil de prud'hommes a violé les textes susvisés ;
Par ces motifs : Casse et annule, mais seulement en ce qu'il a alloué aux salariés des majorations pour heures supplémentaires et en ce qu'il a condamné l'ASSEDIC du Pas-de-Calais à payer aux salariés des sommes à titre de rappel de salaire, le jugement rendu le 14 mars 1988, entre les parties, par le conseil de prud'hommes de Béthune ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le conseil de prud'hommes d'Arras.
2e espèce : Cass. soc. 28 mars 2000, n° 1027 PB, Fluchère c/ SNCF
Vu l'article L 412-2 du Code du travail ;
Attendu que, selon l'arrêt attaqué, MM. Dick et Fluchères, entrés respectivement en 1964 et 1970 à l'établissement d'Avignon de la SNCF, tous deux agents de conduite exerçant ou ayant exercé de nombreux mandats représentatifs et syndicaux, ont saisi la juridiction prud'homale d'une demande de dommages-intérêts en se prévalant d'un préjudice résultant du déroulement retardé de leur carrière, conséquence de la prise en considération par l'employeur de leurs activités syndicale et de représentation du personnel ;
Attendu que pour débouter MM. Dick et Fluchère de leurs demandes de dommages-intérêts pour préjudice de carrière, la cour d'appel énonce, par motifs adoptés, que les dispositions statutaires prévoient les conditions dans lesquelles la hiérarchie, seule compétente pour le faire, accorde les avancements qu'elle estime mérités et que, dès lors, il n'est pas établi que les demandeurs n'ont pas eu la carrière que justifiaient leurs qualification, assiduité et leurs compétences et, par motifs propres, qu'aucun des agents ne faisant la démonstration qu'il y aurait eu à son égard discrimination en raison de son appartenance syndicale ; que le juge n'a pas qualité pour se substituer à l'employeur quant à l'appréciation de la qualification, de la compétence, le cas échéant de la disponibilité et autres éléments qui gouvernent les décisions d'affectation des agents à des postes déterminés et que les pièces produites ne permettent pas de penser que la carrière des agents concernés ne serait pas conformes à leurs qualités professionnelles propres ;
Attendu, cependant, qu'il appartient au salarié syndicaliste qui se prétend lésé par une mesure discriminatoire de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une atteinte au principe d'égalité de traitement et qu'il incombe à l'employeur, s'il conteste le caractère discriminatoire du traitement réservé au syndicaliste, d'établir que la disparité de situation constatée est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à toute discrimination fondée sur l'appartenance à un syndicat ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors que, d'une part, si le juge n'a pas à se substituer à l'employeur, il lui appartient de vérifier, en présence d'une discrimination syndicale invoquée, les conditions dans lesquelles la carrière des intéressés s'est déroulée, et alors, d'autre part, que la preuve de la discrimination n'incombait pas au salarié, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Par ces motifs : Casse et annule, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 septembre 1997, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier.
Cass. soc. 13 novembre 1996, n° 4514 PBR, Direr c/ Bolard
Vu l'alinéa 7 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l'article L 521-1 du Code du travail, ensemble l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que Mme Direr a été engagée, le 1er janvier 1991, par M. Bolard en qualité d'ouvrière agricole ; qu'à ce titre elle s'occupait d'une porcherie et qu'en plus de son travail en semaine, elle devait assurer les soins et la nourriture des porcs un dimanche par mois : que, soutenant que ses demandes d'augmentation de salaires n'étaient pas satisfaites, Mme Direr a prévenu son employeur quelques jours à l'avance qu'elle ne viendrait pas travailler le dimanche 26 avril 1992 ; que son employeur l'a licenciée pour faute grave le 9 mai 1992 ;
Attendu que le conseil de prud'hommes, qui a écarté la faute grave, a retenu que le licenciement, en raison de l'absence irrégulière de Mme Direr, avait une cause réelle et sérieuse ;
Attendu cependant que, si la grève est la cessation collective et concertée du travail par des salariés en vue d'appuyer des revendications professionnelles et ne peut, en principe, être le fait d'un salarié, celui-ci, qui est le seul à même de présenter et de défendre ses revendications professionnelles, peut exercer ce droit constitutionnellement reconnu ;
Qu'en statuant comme il l'a fait, sans répondre aux conclusions de Mme Direr qui faisait valoir qu'elle avait cessé le travail le dimanche 26 avril 1992 pour appuyer des revendications tendant à l'augmentation de son salaire, et que l'exercice du droit de grève, ne pouvait être, sauf faute lourde, sanctionné par l'employeur, le conseil de prud'hommes n'a pas donné de base légale à sa décision au regard du premier et du deuxième des textes susvisés et n'a pas satisfait aux exigences du dernier :
Par ces motifs : Casse et annule, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 15 avril 1993, entre les parties, par le conseil de prud'hommes de Nevers ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le conseil de prud'hommes de Bourges.
Cass. Ass. plén. 4 juillet 1986 n° 247 P Snomac et autres c/ Air France et autres
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, statuant en référé sur renvoi après cassation, que le 16 juin 1980 le syndicat national des officiers mécaniciens navigants de l'aviation civile (Snomac) et le syndicat national des pilotes de ligne (SNPL) ont notifié aux compagnies aériennes Air France, Air Inter et Uta un préavis de grève pour les 22 et 23 juin suivants motivé par le refus du ministère des transports de différer l'application d'une décision qu'il avait prise le 1er mars 1980 d'autoriser une autre compagnie à utiliser des avions avec un équipage réduit à deux pilotes, sans officier mécanicien navigant, et par le fait qu'il n'avait pas été donné suite aux revendications des syndicats qui demandaient aux Compagnies aériennes de prendre l'engagement de maintenir pendant vingt ans sur leurs appareils un équipage à trois membres ;
Attendu que les syndicats font grief à l'arrêt d'avoir suspendu les préavis et ordres de grève alors que, d'une part, le caractère abusif d'une grève ne pouvant être trouvé dans l'appréciation portée par le juge sur le caractère excessif des revendications formulées, ce qui aboutirait à lui permettre de se substituer aux salariés pour apprécier l'opportunité et le bien-fondé du mouvement revendicatif, l'arrêt aurait dû, dès lors qu'il constatait que la grève reflétait les craintes des syndicats quant au maintien de l'emploi, reconnaître son caractère licite et alors que, d'autre part, la cour d'appel aurait excédé ses pouvoirs en présence d'une contestation sérieuse portant sur l'existence d'un trouble manifestement illicite et n'aurait pas répondu aux conclusions selon lesquelles l'absence d'un moyen de droit n'empêchait pas les compagnies d'exercer en fait une action sur l'administration ; qu'ainsi la cour d'appel aurait violé l'article L 521-1 du Code du travail et les articles 455 et 809 du Nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que si la grève est licite dans son principe en cas de revendications professionnelles, il appartient au juge des référés d'apprécier souverainement si elle n'entraîne pas un trouble manifestement illicite ; que la cour d'appel retient que la décision ministérielle échappait à la compétence des compagnies, celles-ci ne disposant d'aucun moyen de droit pour obliger l'administration à la modifier ; que l'engagement de très longue durée qui leur était demandé au mépris des contraintes financières et des progrès techniques était déraisonnable et que les compagnies ne pouvaient de toute évidence satisfaire les revendications professionnelles des syndicats ; que, par ces seuls motifs et quel que fut le caractère sérieux ou non de la contestation soulevée, la cour d'appel, répondant aux conclusions, a légalement justifié sa décision ;
Par ces motifs : Rejette le pourvoi.
Cass. soc. 1er avril 1997, n° 1533 P, Barbarin et autres c/ SA Pain Jacquet
(Extrait) Sur le second moyen :
Attendu que les demandeurs au pourvoi reprochent encore à l'arrêt d'avoir statué comme il l'a fait, alors que, selon le moyen, de première part, les juges du fond disposent d'un pouvoir souverain pour apprécier la force probante des pièces fournies en preuve par les parties, y compris les constats d'huissier, même si ce dernier est un officier public ; que les juges ne sauraient se retrancher derrière cette qualité pour affirmer qu'une attestation contraire à un constat n'offre pas les garanties nécessaires à la manifestation de la vérité ; que l'arrêt, qui se contente, pour refuser toute valeur probante à l'attestation de M. Lemoine de noter que celui-ci " affirme l'absence de séquestration, rapportant des faits en contradiction avec le second constat d'huissier et ne pouvant, dès lors, être considérée comme digne de foi ", a violé l'article 1353 du Code civil ; alors que, de deuxième part, pour admettre que M. Morille, directeur commercial, a été séquestré le 21 mai 1991, durant toute cette journée, la cour d'appel n'a retenu que deux faits, constatés par un huissier, selon lesquels ce directeur commercial aurait, d'une part, été retenu dans les locaux à 9 heures 55 afin de lui demander de bien vouloir ouvrir une négociation et, d'autre part, lui aurait déclaré à 20 heures 30 qu'il n'avait pu sortir librement depuis le matin 10 heures ; que, de plus, M. Adam, directeur général, est sorti par une issue dérobée, ce qui constituerait un indice de la rétention de l'autre dirigeant ; que ces seuls éléments ne précisent nullement pourquoi M. Morille, au cours de la journée du 21 mai, n'aurait pu sortir du fait des salariés, alors qu'il en aurait manifesté l'intention ; qu'ainsi, l'arrêt, qui n'a pas caractérisé en quoi les demandeurs au pourvoi auraient, pendant toute cette journée du 21 mai 1991, empêché M. Morille d'aller et venir, manque de base légale au regard de l'article L 521-1 du Code du travail ; alors, que, de troisième part, la participation personnelle d'un salarié gréviste à un acte constitutif de faute lourde doit être établie pour que son licenciement soit justifié ; qu'en l'espèce, les attestations de MM. Compagnon, Papandréa et Le Men indiquent qu'à 10 heures des grévistes ont envahi les locaux de la holding et se sont alors physiquement opposés à la sortie de M. Morille ; que ce dernier n'a, ensuite, pu sortir de toute la journée ; que rien dans ces attestations ne démontre que cette impossibilité, pour M. Morille, de sortir à partir de 10 heures jusqu'à 20 heures 35, à la supposer établie, était le fait des demandeurs au pourvoi et non celui d'autres grévistes dont la présence dans le hall au cours de la journée n'est pas discutée ; que, dès lors, l'arrêt n'a pas caractérisé les actes personnels accomplis par chacun des intéressés entre 10 heures et 20 heures 35 qui auraient empêché M. Morille d'aller et venir ; qu'ainsi, l'arrêt manque de base légale et a violé l'article L 521-1 du Code du travail ; alors que, de quatrième part, la faute lourde, en cas de grève justifiant la rupture du contrat de travail, requiert de la part du salarié qui est en l'auteur une intention de nuire vis-à-vis de l'employeur ou de l'entreprise ; que la cour d'appel ne pouvait déduire une telle intention du seul fait qu'un salarié, le directeur commercial, aurait été retenu pendant une journée dans les locaux de l'entreprise, alors que tous les autres salariés non-grévistes présents pouvaient librement vaquer à leurs occupations et que M. Adam, directeur général a pu librement sortir ; qu'ainsi, l'arrêt a violé l'article L 521-1 du Code du travail ;
Mais attendu que, sous couvert de griefs non fondés de violation de la loi et de manque de base légale, le moyen ne tend qu'à remettre en discussion l'appréciation des éléments de preuve par la cour d'appel qui, ayant constaté à la fois que M. Morille, directeur commercial, avait été séquestré dans les locaux administratifs de la société de 10 heures à 20 heures 30 et que MM. Barbarin, Bonhomme, Dufour, Gasche, Hassan, Lorain, Perruchot, Pierlot, Poilvert, Richer, Salmon, Villeret et Valdès s'étaient physiquement opposés à la sortie de M. Morille, a décidé, à juste titre, que ce comportement personnel et volontaire était constitutif d'une faute lourde ; que le moyen n'est pas fondé ;
(…)
Par ces motifs : Rejette le pourvoi de MM. Barbarin, Bonhomme, Dufour, Gasche, Hassan, Lorain, Perruchot, Pierlot, Poilvert, Richer, Salmon, Villeret et Valdès, ainsi que le pourvoi incident de la société Pain Jacquet.
Cass. soc. 10 mai 1989 n° 1957 Timoteo et autre c/ Barbey, syndic à la liquidation des biens de la Société Chatin
Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :
Attendu, selon les arrêts attaqués (Grenoble, 4 novembre 1985), que Mme Timoteo et M. Chollat, engagés respectivement en septembre 1951 et décembre 1952 par la Société Chatin comme chefs de groupe de vente, ont été licenciés pour motif économique par lettre du 28 juillet 1987 du syndic à la liquidation de cette société et ont perçu l'indemnité de licenciement prévue par l'article 14 de l'accord d'entreprise du 27 mai 1982 ; qu'ils ont réclamé devant la juridiction prud'homale un complément d'indemnité en invoquant les dispositions plus favorables de l'article 15 de l'avenant n° 2 bis (cadres) au règlement intérieur du grand magasin Chatin, avenant signé le 25 octobre 1979 ;
Attendu qu'ils font grief aux arrêts de les avoir déboutés de leurs demandes au motif que l'avenant du 25 octobre 1979 avait été remplacé par l'accord d'entreprise du 27 mai 1982, alors que, selon le moyen, d'une part, la portée générale des dispositions de l'article 1er de l'accord d'entreprise précité, en vertu duquel " le présent accord annule et remplace tous les précédents ", n'était pas de nature, en l'absence de toutes dispositions expresses, à annuler un accord particulier antérieur de niveau et de champ d'application différents ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil et l'article L 132-5 du Code du travail ; et alors que, d'autre part, la signature par le délégué cadre CGC d'un accord d'entreprise relatif à l'ensemble du personnel de l'entreprise, dont les cadres, ne pouvait emporter, à elle seule, abrogation de l'avenant antérieur spécifique aux cadres ; que la cour d'appel a ainsi, derechef, violé l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui a relevé que l'article 1er de l'accord d'entreprise du 27 mai 1982 disposait que ledit accord annulait et remplaçait tous les précédents, en a exactement déduit qu'il avait remplacé l'avenant du 25 octobre 1979 ;
Qu'en ses deux premières branches le moyen n'est pas fondé ;
Sur le moyen unique, pris en ses trois dernières branches :
Attendu que Mme Timoteo et M. Chollat font encore grief aux arrêts d'avoir statué comme ils l'ont fait, alors que, selon le moyen, d'une part, si le bénéfice effectif d'un avantage conventionnel est subordonné à la réalisation d'événements qui ne se sont pas encore produits pour le travailleur au moment de la mise en vigueur d'une convention collective nouvelle, ces dispositions font néanmoins partie des avantages sur lesquels il pouvait compter et ayant vocation à se perpétuer sous le régime nouveau applicable ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a méconnu l'article 20 de l'accord d'entreprise du 27 mai 1982 prévoyant la non-réduction des avantages acquis par les salariés et l'article 1134 du Code civil ; alors que, d'autre part, en violation de l'article 455 du Nouveau Code de procédure civile, il n'a pas été répondu aux conclusions des salariés selon lesquelles les avantages acquis maintenus et attestés concernaient notamment non seulement les congés payés, mais encore la maladie ou la retraite, avantages dont les conditions, comme pour l'indemnité de licenciement, n'étaient pas remplies avant la signature de l'accord du 27 mai 1982 ; et alors, enfin, que la notion même de maintien des avantages acquis incluse dans un nouvel accord collectif a nécessairement pour effet de créer deux catégories de salariés, ceux qui les avaient acquis et ceux qui, ultérieurement engagés, n'avaient pu les acquérir ; qu'ainsi cette affirmation de la cour d'appel méconnaît manifestement la portée d'une telle clause, telle celle de l'article 20 de l'accord considéré, et viole l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui n'avait pas à suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a exactement énoncé que le droit à l'indemnité de licenciement, qui n'était né qu'au moment de la rupture du contrat de travail, ne pouvait faire l'objet d'un avantage acquis avant cette rupture ;
D'où il suit qu'en ses trois dernières branches le moyen n'est pas non plus fondé ;
Par ces motifs : Rejette les pourvois.
Cass. soc. 21 mars 1990, Richard et autres c/ Sté Soudure autogène française et autres, n° 1485 P + F
Vu l'article L 132-27 du Code du travail ;
Attendu qu'aux termes du premier alinéa de ce texte, dans les entreprises où sont constituées une ou plusieurs sections syndicales représentatives au sens de l'article L 132-2, l'employeur est tenu d'engager chaque année une négociation sur les salaires effectifs, la durée effective et l'organisation du temps de travail ; que le second alinéa du même article prévoit que, dans les entreprises comportant des établissements ou groupes d'établissements distincts, cette négociation peut avoir lieu au niveau de ces établissements ou groupes d'établissements ;
Attendu que l'arrêt attaqué a décidé que la société Soudure autogène française (SAF) satisfaisait, même en l'absence d'accord des organisations syndicales représentatives, à l'obligation de négociation annuelle prévue par ce texte, en choisissant de négocier au niveau de chacun de ses établissements ou groupes d'établissements distincts, dès lors que tous les établissements étaient couverts par la négociation ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'en principe, la négociation annuelle doit être engagée au niveau de l'entreprise, et que l'employeur ne peut exercer la faculté de l'engager par établissement ou par groupe d'établissements qu'autant qu'aucune des organisations syndicales représentatives dans l'établissement ou le groupe d'établissements où la négociation doit s'ouvrir ne s'y oppose, la cour d'appel a fait une fausse application du texte susvisé ;
Par ces motifs : Casse et annule, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 7 mars 1988, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris.
Cass. crim. 4 octobre 1989, Asperti-Boursin ( extrait )
Mais sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles L 132-27, L 132-29, L 153-2 et L 471-2 du Code du travail et de l'article 4 du Code pénal, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné Asperti-Boursin pour avoir omis de respecter la réglementation relative à la négociation annuelle sur les salaires ;
" aux motifs que selon les articles L 132-27 et L 153-2 du Code du travail, s'il n'est pas imposé à l'employeur de déboucher sur un résultat positif en faveur des salariés, encore faut-il qu'il ait tenté d'aboutir à un accord ou même simplement accepté d'engager des discussions ; qu'il apparaît des faits que le 2 juin 1983 la direction n'était pas représentée ; que par la suite, ses délégués n'avaient aucun pouvoir réel de négociation ; que la direction s'en est tenue avant toute discussion à un préalable tendant à la dénonciation des accords antérieurs ; que cette affirmation des plaignants est corroborée par un document dressé le 29 décembre 1983 faisant apparaître cette exigence à l'exclusion de toute autre décision ou contre-proposition aux demandes présentées par les syndicats ; qu'il en est de même des autres documents versés aux débats qui ne mentionnent que l'existence de refus ou de renvoi pour étude à une date ultérieure des questions soumises ; que cette prise de position directoriale identique lors de toutes les assemblées précédentes, établit que si les réunions ont bien été tenues, l'attitude passive voire systématiquement opposante de la direction n'a permis aucune discussion de fond et démontre ainsi la volonté de celle-ci de se soustraire à l'application loyale du texte ;
" alors, d'une part, que les lois pénales étant d'interprétation stricte, l'employeur n'a d'autre obligation légalement incriminée que d'engager chaque année une négociation sur les salaires effectifs, la durée et l'organisation du travail et de convoquer les parties à cette négociation dans les quinze jours de la demande, en sorte que l'article L 153-2 du Code du travail épuise ses effets avec la tenue de la première réunion ; qu'en l'espèce, il est établi que la première réunion a eu lieu le 4 juin 1983, soit moins de dix jours après la réception de la demande de négociation formulée par les organisations syndicales. laquelle est intervenue le 25 avril 1983 ; qu'ainsi la Cour a violé les dispositions des articles visés au moyen ;
" alors, d'autre part, que le demandeur faisait valoir dans ses conclusions que la première réunion de négociation s'était déroulée dans le délai légal et avait donné lieu à une discussion effective permettant aux parties d'organiser la procédure de négociation, qu'ainsi les conditions objectives nécessaires à la réalisation du droit à la négociation avaient été réunies ; que la Cour en omettant de répondre à ce moyen péremptoire a violé les dispositions des articles visés au moyen ;
" alors enfin que les comportements relatifs au déroulement de la négociation échappent aux prévisions de l'article L 153-2 tant en ce qui concerne la conduite que l'issue de la négociation ; qu'ainsi la Cour, en retenant au soutien de sa décision la circonstance selon laquelle la direction aurait eu une attitude passive voire systématiquement opposante lors des différentes réunions, démontrant sa volonté de se soustraire à l'application loyale du texte, a, derechef, violé les dispositions des articles visés au moyen " ;
(….)
Par ces motifs : Casse et annule les dispositions de l'arrêt relatives à la déclaration de culpabilité du chef de l'infraction prévue par l'article L 153-2 du Code du travail et aux réparations civiles accordées de ce chef au comité d'entreprise ainsi que les dispositions de l'arrêt relatives aux réparations civiles accordées aux syndicats, toutes les dispositions relatives à la déclaration de culpabilité du chef d'entrave au fonctionnement régulier du comité d'entreprise et aux réparations civiles accordées de ce chef audit comité étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée, Renvoie la cause et les parties devant la cour d'appel de Caen...
Cass. soc. 4 janvier 2000, n° 37 P, Chappe c/ SA Ducros
Vu l'article L 321-4-1 du Code du travail ;
Attendu que Mme Chappe, au service de la société Ducros depuis le 20 mars 1975, à temps complet puis à temps partiel, a fait l'objet d'un licenciement économique le 21 octobre 1992 ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale d'une demande tendant au paiement d'un complément d'indemnité de licenciement par application des dispositions du plan social ;
Attendu que pour fixer le montant de l'indemnité de licenciement due à la salariée à la moitié de la somme prévue par le plan social pour les salariés comptant au moins quinze années d'ancienneté à temps plein, la cour d'appel a énoncé que l'article 2-2-1-1 du plan social stipulait que, pour les salariés à temps partiel, l'indemnité devait être évaluée en fonction de la proportionnalité de leur horaire contractuel réel et que Mme Chappe travaillait à mi-temps lors de la rupture du contrat de travail ;
Attendu cependant qu'il résulte de la disposition précitée que le montant de l'indemnité de licenciement est fonction de la durée de service des salariés tant à temps complet qu'à temps partiel, les périodes de travail à temps partiel étant prises en compte au prorata du rapport entre l'horaire à temps partiel et l'horaire à temps complet ;
Qu'il s'ensuit qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les dispositions du plan social relatives à l'indemnité de licenciement ;
Par ces motifs : Casse et annule, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 septembre 1997, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier.
1e espèce : Cass. soc. 18 juin 1997, n° 2638 D, Bonnin et autre c/ Sté National standard et autres
Attendu que M. Saint-Pierre, administrateur judiciaire de la société Nation al standard, a obtenu le 12 juillet 1993 l'autorisation du juge-commissaire pour procéder au licenciement pour motif économique de salariés de cette société ; que, contestant la régularité de leur licenciement, Mmes Belly et Bonnin ont saisi la juridiction prud'homale pour obtenir paiement de dommages-intérêts ;
Sur le second moyen :
Attendu que les salariées font grief au jugement attaqué de n'avoir que partiellement fait droit à leurs demandes de dommages-intérêts alors, selon le moyen, que l'article 63 du décret n° 85-1388 du 27 décembre 1985 fait obstacle à ce que l'administrateur judiciaire puisse désigner lui-même les salariées à licencier avant que la suppression de leur poste de travail ne soit autorisée par le juge ;
Mais attendu qu'aux termes de l'article 63 du décret du 27 décembre 1985, l'ordonnance rendue par le juge-commissaire en application de l'article 45 de la loi du 25 janvier 1985 indique le nombre de salariés dont le licenciement est autorisé ainsi que les activités et catégories professionnelles concernées et qu'il appartient à l'administrateur judiciaire, sous le contrôle du juge prud'homal, de désigner les salariés à licencier ; que cette ordonnance n'a donc pas à dresser la liste nominative des salariés licenciés ; que le moyen ne peut être accueilli ;
Par ces motifs : Rejette les pourvois.
2e espèce : Cass. soc. 18 juin 1997, n° 2640 P, Durand c/ Sté National standard et autres
Attendu que M. Saint-Pierre, administrateur judiciaire de la société National standard, a obtenu le 12 juillet 1993 l'autorisation du juge-commissaire pour procéder au licenciement pour motif économique de salariés de cette société ; que, contestant la régularité de son licenciement, M. Abry Durand a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir paiement de dommages-intérêts ;
Sur le second moyen :
Attendu que M. Abry Durand fait grief au jugement attaqué de l'avoir débouté de sa demande de dommages-intérêts alors, selon le moyen, que l'article 63 du décret n° 85-1388 du 27 décembre 1985 fait obstacle à ce que l'administrateur judiciaire puisse désigner lui-même les salariés à licencier avant que la suppression de leur poste de travail ne soit autorisée par le juge ;
Mais attendu qu'aux termes de l'article 63 du décret du 27 décembre 1985, l'ordonnance rendue par le juge-commissaire en application de l'article 45 de la loi du 25 janvier 1985 indique le nombre de salariés dont le licenciement est autorisé ainsi que les activités et catégories professionnelles concernées et qu'il appartient à l'administrateur judiciaire, sous le contrôle du juge prud'homal, de désigner les salariés à licencier ; que cette ordonnance n'a donc pas à dresser la liste nominative des salariés licenciés ; que le moyen ne peut être accueilli ;
Par ces motifs : Rejette le pourvoi.
Cass. ass. plén. 24 janvier 2003 n° 496 P, Galay c/ Sté Wirth et Gruffat.
Vu les articles L 621-37 du Code de commerce, 63 du décret n° 85-1388 du 27 décembre 1985 et L 122-14-2 du Code du travail ;
Attendu qu'il résulte de la combinaison de ces textes que, lorsque l'administrateur procède au licenciement d'un salarié d'une entreprise en redressement judiciaire, en application de l'ordonnance du juge-commissaire autorisant des licenciements économiques présentant un caractère urgent, inévitable et indispensable et fixant le nombre des licenciements ainsi que les activités et les catégories professionnelles concernées, la lettre de licenciement que l'administrateur est tenu d'adresser au salarié doit comporter le visa de cette ordonnance ; qu'à défaut, le licenciement est réputé sans cause réelle et sérieuse ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (Chambre sociale, 12 janvier 1999,), que la société Wirth et Gruffat a été mise en redressement judiciaire le 12 janvier 1993 ; que, par ordonnance du 9 février de la même année, le juge-commissaire a autorisé le licenciement d'un certain nombre de salariés pendant la période d'observation ; que, le lendemain, l'administrateur judiciaire a envoyé à ces salariés une lettre recommandée leur notifiant " leur licenciement pour motif économique " sans référence à l'ordonnance du juge-commissaire ;
Attendu que, pour écarter le moyen tiré du défaut de motivation des lettres de licenciement et rejeter en conséquence les demandes d'indemnité des salariés pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt, après avoir constaté que les lettres de licenciement se bornent à préciser que celui-ci est la conséquence du jugement de redressement judiciaire, retient que tout jugement de redressement judiciaire implique non seulement des difficultés économiques mais aussi une cessation des paiements et en déduit que les lettres de licenciement satisfont à l'exigence légale d'énonciation du motif économique ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Par ces motifs : Casse et annule, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 8 février 2000, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet en conséquence, la cause et les parties en l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon.
Cass. soc. 29 janvier 1997, n° 459 D, SA Sika c/ Mercier.
Sur le moyen unique du pourvoi, pris en sa seconde branche :
Vu l'article 23 de l'avenant n° 1 de la convention collective nationale des industries chimiques ;
Attendu qu'en cas d'absence au travail, justifiée par l'incapacité résultant de la maladie ou d'accident, le salarié d'une entreprise régie par la convention, perçoit, sous certaines conditions, ses appointements mensuels à plein tarif ; que le champ d'application de cette disposition ne peut être étendu aux absences pour cure thermale hors le cas d'incapacité de travail ;
Attendu que, selon le jugement attaqué, M. Mercier, salarié de la société Sika, a suivi une cure thermale du 5 octobre 1992 au 27 octobre 1992 pour laquelle l'employeur a refusé de lui verser le salaire conventionnellement prévu en cas d'arrêt de travail pour maladie ;
Attendu que, pour reconnaître au salarié le bénéfice de ce salaire, le conseil de prud'hommes, après avoir relevé que le salarié, qui avait bénéficié d'un arrêt de travail pour maladie du 1er au 4 octobre 1992, avait obtenu une prolongation de l'arrêt de travail pour la période considérée, a énoncé qu'en l'absence de contre-visite médicale diligentée par l'employeur comme il en avait la possibilité, ce dernier était mal fondé à remettre en cause l'absence du salarié au travail justifiée par l'incapacité résultant de la maladie et prise en charge par la Sécurité sociale ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résulte de ses propres constatations et de l'aveu du salarié que M. Mercier, durant la période couverte par les certificats d'arrêt de travail, était en cure thermale, et, sans rechercher si celle-ci s'inscrivait dans le cadre d'un traitement thérapeutique d'une affection entraînant une incapacité de travail, le conseil de prud'hommes n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du moyen : Casse et annule, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 28 avril 1993, entre les parties, par le conseil de prud'hommes de Dieppe ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le conseil de prud'hommes du Havre.
Cass. Civ. 24 mai 2005 , M. X.c./société d'HLM d'Eure-et-Loir.
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 20 mai 2003), que M. X..., salarié de la société d'HLM d'Eure-et-Loir, a effectué le 19 juin 2000 une déclaration d'accident du travail mentionnant qu'il avait été victime de harcèlements dans l'entreprise ayant causé des traumatismes psychologiques, et a produit un certificat médical lui prescrivant un arrêt de travail à compter du 22 mars 2000 ; qu'ayant été reconnu définitivement inapte à son emploi de chef comptable, il a été licencié le 8 septembre 2000 ; que la caisse primaire d'assurance maladie a refusé de prendre en charge son affection au titre d'accident du travail ;
que la cour d'appel a rejeté son recours ;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen :
1 ) que des faits de harcèlements sont constitués par une série d'événements pouvant constituer en leur ensemble, dès lors qu'il en est résulté une atteinte à l'intégrité physique ou morale d'un salarié et qu'ils sont survenus par le fait ou à l'occasion du travail, un accident du travail ; qu'en refusant de les examiner, dès lors qu'ils échapperaient, de par leur action continue, à la définition de l'accident du travail, la cour d'appel a violé l'article L.411-1 du Code de la sécurité sociale ;
2 ) qu'un état dépressif constitue une lésion dont il est dû réparation au titre de la législation du travail s'il est causé par un événement ou une série d'événements survenus à des dates certaines par le fait ou à l'occasion du travail ; qu'en affirmant le contraire et en exigeant "une décompensation brutale, entraînant une subite et dommageable altération des facultés mentales", la cour d'appel a derechef méconnu les dispositions de l'article L.411-1 du Code de la sécurité sociale ;
3 ) qu'il résulte des conclusions tant de la caisse primaire d'assurance maladie que de la société HLM que le salarié avait été en arrêt de travail au moins en août, septembre et décembre 1999 ; que, par suite, en affirmant qu'il n'était justifié d'aucune continuité des soins avant le 22 mars 2000, la cour d'appel a modifié les termes du litige, en violation de l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;
4 ) que, dans ses conclusions, le salarié faisait valoir que, début 1999, il avait été déchargé de tout ce qui est charges du personnel, ses fonctions étant vidées de leur substance ; que pendant une absence, ses armoires et tiroirs avaient été vidés et mis sous clef; que le code informatique traitant du personnel avait été modifié à son insu et ne lui avait pas été donné ; qu'il avait protesté contre le retrait de ses fonctions après 34 ans d'ancienneté et le déménagement d'une partie de son bureau lors d'une prise d'heures de délégation par lettre du 21 janvier 1999 ; que l'employeur avait été interpellé de ce chef, lors d'une réunion des délégués du personnel ; que, le 28 juillet 1999, il avait fait l'objet de reproches injustifiés ; que l'inspecteur du Travail, avant d'autoriser son licenciement à raison de l'impossibilité du maintient des relations contractuelles, avait relevé que la demande d'autorisation de licenciement avait un lien direct avec son mandat représentatif, qu'il avait fait l'objet d'une rétrogradation non motivée portant atteinte à son statut de chef comptable, cette mesure s'inscrivant dans un contexte d'entrave au fonctionnement régulier de l'institution des délégués du personnel et que les agissements sur sa personne avaient été qualifiés de harcèlement moral au travail dans le cadre d'un rapport du 15 mai établi par le service consultation souffrance au travail du centre hospitalier de Nanterre ; qu'en refusant d'examiner cette série d'événements à l'origine de l'état dépressif du salarié, la cour d'appel n'a pas, en tous cas, légalement justifié sa décision au regard de l'article L.411-1 du Code de la sécurité sociale ;
Mais attendu que la cour d'appel, appréciant souverainement les faits qui lui étaient soumis, a estimé, sans modifier les termes du litige, que M. X... ne rapportait pas la preuve de ce que l'arrêt de travail prescrit le 22 mars 2000 ait été causé par une brutale altération de ses facultés mentales, en relation avec les événements invoqués ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS REJETTE le pourvoi
Cour de Cassation Chambre civile 2, 22 février 2007
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Angers, 8 février 2005) et les productions, que le 27 septembre 2001, M. X..., salarié depuis 1984 de M. Y..., a tenté de mettre fin à ses jours à son domicile, alors qu'il se trouvait en arrêt maladie depuis le 28 août 2001 pour syndrome anxio-dépressif ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt de lui avoir déclaré opposable la décision de la caisse primaire de sécurité sociale (la caisse) relative à la prise en charge de l'accident au titre de la législation professionnelle, alors, selon le moyen :
1 ) que ne peut être pris en charge au titre de la législation professionnelle l'accident qui se produit à un moment où la victime ne se trouve plus sous la subordination de son employeur ; que l'arrêt de travail pour cause de maladie entraînant la suspension du contrat de travail, le salarié ne se trouve plus pendant cette période sous la subordination de son employeur, dès lors qu'il est effectivement absent de son lieu de travail ; qu'en affirmant néanmoins que l'accident dont avait été victime M. X... était survenu par le fait du travail, après avoir constaté que celui-ci était en arrêt maladie lorsqu'il avait tenté de se suicider à son domicile, ce dont il résultait que M. X... n'était plus sous la subordination de M. Y... au moment de l'accident, la cour d'appel a violé l'article L. 411-1 du code du travail ;
2 ) qu'il appartient à celui qui prétend avoir été victime d'un accident du travail d'établir, autrement que par ses propres affirmations ou des attestations se bornant à reproduire celles-ci, les circonstances exactes de l'accident et son caractère professionnel ; qu'en fondant néanmoins le caractère professionnel de l'accident allégué sur des attestations et un certificat médical se bornant à rapporter les propos de M. X..., la cour d'appel a violé les articles L. 411-1 du code de la sécurité sociale et 1315 du code civil ;
Mais attendu qu'un accident qui se produit à un moment où le salarié ne se trouve plus sous la subordination de l'employeur constitue un accident du travail dès lors que le salarié établit qu'il est survenu par le fait du travail ;
Et attendu que la cour d'appel, pour décider que M. X... avait rapporté la preuve qui lui incombait, ne s'est pas fondée sur les seules affirmations de celui-ci ;
D'où il suit que le moyen, qui manque en fait en sa seconde branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
Sur le second moyen :
Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt d'avoir dit qu'il avait commis une faute inexcusable, d'avoir fixé les préjudices personnels de M. X... et d'avoir dit qu'il en supporterait seul la charge définitive, alors, selon le moyen :
1 / qu'en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les accidents du travail ; que le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ; qu'en se bornant à affirmer que M. Y... avait nécessairement conscience du danger qu'il faisait courir à ses salariés en termes de santé, sans relever aucun élément permettant d'établir que M. Y... avait été en mesure d'avoir conscience de ce que M. X... était susceptible de commettre une tentative de suicide, la cour d'appel n'a pas caractérisé la conscience, par M. Y..., du danger auquel M. X... était exposé, privant ainsi sa décision de base légale au regard des articles 1147 du code civil, L. 411-1 et L. 452-1 du code de la sécurité sociale ;
2 ) que la faute inexcusable du salarié permet de réduire l'indemnisation complémentaire dont celui-ci bénéficie lorsque l'accident du travail est dû à la faute inexcusable de l'employeur ; que présente un tel caractère la faute de la victime d'une exceptionnelle gravité, exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience ; qu'en faisant droit à la demande de M. X..., tendant à obtenir l'indemnisation de ses préjudices personnels, après avoir constaté la faute inexcusable de M. Y..., sans rechercher si, en faisant une tentative de suicide, M. X... avait commis une faute d'une exceptionnelle gravité, l'exposant sans raison valable à un danger dont il aurait dû avoir conscience, de nature à justifier une minoration de son indemnisation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 411-1, L. 431-1, L. 452-1, L. 452-2 et L. 453-1 du code de la sécurité sociale ;
Mais attendu qu'en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu d'une obligation de sécurité de résultat, et que le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ;
Et attendu que les énonciations de l'arrêt, selon lesquelles l'équilibre psychologique de M. X... avait été gravement compromis à la suite de la dégradation continue des relations de travail et du comportement de M. Y..., caractérisent le fait que l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé son salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ; que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée, a pu en déduire que M. Y... avait commis une faute inexcusable ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS REJETTE le pourvoi ;
2 arrêts
1e espèce Cass. soc. 19 juillet 2001, n° 4117 FS-PBRI, SA Framatome c/ Gicqiaux et autre.
Attendu que, le 14 mars 1996, à 8 heures du matin, Loïc Gicquiaux, ingénieur salarié de la société Framatome, qui se trouvait en mission à Zizong (République populaire de Chine), a été victime dans sa chambre d'hôtel d'une hémorragie cérébrale dont il est décédé le 18 mars 1996 à l'hôpital local ; que la caisse primaire d'assurance maladie a refusé la prise en charge de ce décès au titre de la législation professionnelle ; que la cour d'appel (Dijon, 19 octobre 1999) a fait droit au recours de Mme Gicquiaux ;
Attendu que la société Framatome fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen :
1° que le salarié en mission bénéficie de la présomption d'imputabilité de l'accident du travail sauf à démontrer que l'accident est survenu à un moment et en un lieu où le salarié, recouvrant son indépendance, n'était plus sous les instructions de l'employeur ; qu'en l'espèce, il ressortait du rapport d'enquête établi par la caisse primaire d'assurance maladie le 4 décembre 1996 que Loïc Gicquiaux avait été retrouvé inanimé dans la salle de bains de sa chambre d'hôtel à 8 heures du matin ; que ce rapport d'enquête mentionnait que le salarié disposait d'un local situé dans l'usine chinoise pour y effectuer son travail ; que, dans ses conclusions d'appel, la société Framatome faisait valoir que, s'agissant de la troisième mission consécutive de Loïc Gicquiaux au cours de l'année à Zizong en Chine, l'ensemble du travail de préparation était déjà effectué, de sorte que Loïc Gicquiaux n'avait aucun travail à effectuer dans sa chambre d'hôtel ; qu'en se contentant dès lors d'affirmer, pour juger que Loïc Gicquiaux se trouvait dans l'exercice de sa mission lors de la survenance de son accident, que la nature de la mission du salarié le contraignait à travailler dans sa chambre d'hôtel pour préparer ses interventions, sans nullement justifier par des éléments de fait et de preuve précis et concrets cette constatation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 411-1 du Code de la sécurité sociale ;
2° que le salarié en mission qui prend son petit déjeuner et retourne dans sa salle de bains avant de se rendre sur son lieu de travail a interrompu sa mission par une activité purement personnelle et ne se trouve plus sous la subordination de son employeur ; qu'en l'espèce, il résultait des pièces versées aux débats que l'accident était survenu dans la salle de bains de Loïc Gicquiaux après qu'il a pris son petit déjeuner ; qu'en affirmant dès lors que le salarié se trouvait dans l'exercice de sa mission, sans rechercher si celle-ci n'avait pas été interrompue par la prise par le salarié de son petit déjeuner et son activité dans la salle de bains de sa chambre d'hôtel, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 411-1 du Code de la sécurité sociale ;
3° qu'en affirmant péremptoirement, pour conforter sa décision, que l'état d'hypertension à l'origine de l'accident était nécessairement lié aux conditions d'exécution de la mission en Chine et, dès lors, avait un lien avec l'activité professionnelle, sans nullement préciser sur quels éléments de fait et de preuve elle se fondait pour parvenir à une telle affirmation, la cour d'appel a de nouveau privé sa décision de base légale au regard de l'article L 411-1 du Code de la sécurité sociale ;
Mais attendu que le salarié effectuant une mission a droit à la protection prévue par l'article L 411-1 du Code de la sécurité sociale pendant tout le temps de la mission qu'il accomplit pour son employeur, peu important que l'accident survienne à l'occasion d'un acte professionnel ou d'un acte de la vie courante, sauf la possibilité pour l'employeur ou la caisse de rapporter la preuve que le salarié avait interrompu sa mission pour un motif personnel ;
Et attendu qu'en estimant, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de fait qui lui étaient soumis, que la société Framatome ne rapportait pas la preuve qu'au moment de son accident, Loïc Gicquiaux avait interrompu sa mission pour un motif personnel ni que la lésion dont il est décédé avait une cause totalement étrangère au travail, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
Par ces motifs : Rejette le pourvoi.
2e espèce Cass. soc. 19 juillet 2001, n° 4126 FS-PBRI, Salomon c/ CPAM de Lyon et autre
Vu l'article L 411-1 du Code de la sécurité sociale ;
Attendu que Patrick Salomon, envoyé, pour une mission de plusieurs jours, à Paris, afin d'y procéder à la livraison et à l'installation de mobilier auprès de divers clients, a été retrouvé mort, le 22 décembre 1995, dans la chambre d'hôtel où il demeurait après sa journée de travail ; que la caisse primaire d'assurance maladie a refusé de prendre en charge le décès au titre de la législation sur les accidents du travail ; que Mme Salomon a formé un recours contre cette décision ;
Attendu que, pour décider que l'accident ne pouvait être pris en charge au titre de la législation sur les risques professionnels, l'arrêt retient que le décès est survenu en dehors des horaires d'activité du salarié, lors de l'accomplissement d'un acte de la vie courante, et que la preuve d'une relation directe entre la mort et les conditions de travail de Patrick Salomon le 21 décembre 1995 n'est pas établie ;
Attendu cependant que le salarié, effectuant une mission, a droit à la protection prévue par l'article L 411-1 du Code de la sécurité sociale pendant tout le temps de la mission qu'il accomplit pour son employeur, peu important que l'accident survienne à l'occasion d'un acte professionnel ou d'un acte de la vie courante, sauf la possibilité pour l'employeur ou la caisse de rapporter la preuve que le salarié avait interrompu sa mission pour un motif personnel ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, après avoir constaté que le décès était survenu au cours de la mission, ce dont il résultait que la présomption d'imputabilité au travail était acquise, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le moyen unique du pourvoi : Casse et annule, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 14 septembre 1999, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Dijon.
Cass. 2e civ. 12 mai 2003 n° 562 FS-P, CPAM de la Côte d'Or c/ Sté OTN.
Vu les articles L 411-1 et L 411-2 du Code de la sécurité sociale ;
Attendu que Pascal Vernier, salarié de la société OTN envoyé en mission, a été victime d'un accident mortel de la circulation le 12 décembre 1997 vers 2 heures alors qu'il venait de quitter son domicile pour parcourir 600 kilomètres afin d'être dès 9 heures sur le site où il devait exercer ses fonctions ;
Attendu que pour rejeter la qualification d'accident de travail au profit de celle d'accident de trajet, l'arrêt infirmatif attaqué retient qu'en l'absence d'indication quant au mode de déplacement pour lequel le salarié était libre de choisir l'itinéraire et le mode de locomotion, il doit être considéré que Pascal Vernier ne se trouvait pas sous l'autorité de son employeur durant son trajet ;
Attendu cependant que le salarié effectuant une mission, a droit à la protection prévue à l'article L 411-1 du Code de la sécurité sociale pendant le temps de la mission qu'il accomplit pour son employeur, peu important que l'accident survienne à l'occasion d'un acte professionnel ou d'un acte de la vie courante, sauf la possibilité pour l'employeur ou la Caisse de rapporter la preuve que le salarié a interrompu sa mission pour un motif personnel ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait alors qu'il ressortait de ses constatations que le décès était survenu au cours de la mission, ce dont il résultait que la présomption d'imputabilité au travail était acquise, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Par ces motifs : Casse et annule, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 mai 2001, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Besançon.
Cass. Civ (2ème chambre) n°118 du 27 janvier 2004 M.Pierre X…c/M.Georges Y… et autres
Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :
Vu les articles L. 452-2, alinéa 3, du Code de la sécurité sociale et L. 453-1, alinéa 2, du même Code ;
Attendu que la majoration de la rente prévue lorsque l'accident du travail est dû à la faute inexcusable de l'employeur, au sens de l'article L. 452-1 du Code de la sécurité sociale, ne peut être réduite en fonction de la gravité de cette faute, mais seulement lorsque le salarié victime a lui-même commis une faute inexcusable, au sens de l'article L. 453-1 du même Code ; que présente un tel caractère la faute volontaire du salarié, d'une exceptionnelle gravité, exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience ;
Attendu que M. X..., employé par M. Y... comme ouvrier de scierie, a été victime d'un accident du travail le 24 février 1993 ; qu'étant descendu dans la fosse d'évacuation des sciures de la machine sur laquelle il travaillait, après avoir ôté les planches de protection, il a entrepris de déboucher le système d'évacuation ; qu'il a été gravement blessé au bras gauche et reste atteint d'une incapacité permanente au taux de 70 % ;
Attendu que l'arrêt attaqué, après avoir caractérisé la faute inexcusable de l'employeur, a réduit de moitié la majoration de rente pour tenir compte de l'imprudence du salarié descendu sans instructions directes dans la fosse d'évacuation ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la faute reprochée au salarié ne présentait pas les caractères d'une faute inexcusable, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; Et attendu qu'en application de l'article 627, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile, la Cour est en mesure, en cassant sans renvoi, de mettre fin au litige par l'application de la règle de droit appropriée ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres griefs du pourvoi :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 avril 2002, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Cass. soc. 11 avril 2002, n° 1593 FS-PBRI, Edrissi c/ Sté Camus industrie et autre.
Vu l'article 1147 du Code civil, ensemble l'article L 230-2 du Code du travail, et les articles L 411-1 et L 452-1 du Code de la sécurité sociale ;
Attendu qu'en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers ce dernier d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les accidents du travail ; que le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L 452-1 du Code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ;
Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que, le 13 mai 1994, Miloud Hachadi, salarié de la société Camus industrie, a été retrouvé mourant à son poste de travail, le crâne fracassé par le tour multibroches sur lequel il travaillait et dont les capots de protection avaient été déposés ; que, le 6 juin 1995, le tribunal correctionnel a condamné le dirigeant de la société Camus industrie des chefs d'homicide par imprudence et de violation des mesures relatives à l'hygiène et à la sécurité du travail à raison du défaut de protection des tubes guide-barres ;
Attendu que la cour d'appel a rejeté la demande d'indemnisation fondée sur l'existence d'une faute inexcusable de l'employeur formée par Mme Edrissi, veuve de la victime, aux motifs que la condamnation pénale de l'employeur n'entraîne reconnaissance d'une faute inexcusable que si cette faute a été la cause déterminante de l'accident du travail de Miloud Hachadi, que même si l'absence de protection au niveau des tubes guide-barres a constitué une infraction pénalement sanctionnée, il ne peut cependant être considéré, eu égard aux circonstances demeurées inconnues de l'accident, que c'est ce défaut de protection qui en a été la cause déterminante, et qu'en fonction de ces éléments, lesquels ne permettent pas d'expliquer quel type d'intervention la victime a pu effectuer sur une machine qui ne se trouvait pas à l'arrêt, ni pourquoi elle a avancé la tête dans la zone dangereuse du tour, il y a lieu de considérer que l'employeur ne pouvait avoir conscience du danger auquel il exposait son salarié en l'affectant à une machine sur laquelle il était habitué à travailler ;
Attendu qu'en statuant ainsi par des motifs inopérants la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche : Casse et annule, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 juin 1999, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon.